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Après les États-Unis et l’Australie, le Canada arrive en tête de liste des pays présentant le plus grand nombre de cas de résistance aux différents groupes d’herbicides. En revanche, grâce au service de détection qui y est offert, le Québec fait figure d’exemple. Mais que faut-il savoir sur la question en 2024?
Depuis 13 ans, l’Université de Guelph d’abord, puis Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC), le Centre de recherche sur les grains (CÉROM) et le Laboratoire d’expertise et de diagnostic en phytoprotection (LEDP) proposent aux producteurs et aux conseillers un service de détection de la résistance aux herbicides. De concert avec AAC, le LEDP examine aujourd’hui 20 mauvaises herbes et réalise 46 tests.
« Mentionnons d’entrée de jeu que la résistance aux herbicides se définit comme étant la capacité d’une mauvaise herbe à survivre et à se reproduire à la suite de l’application d’un herbicide effectuée à une dose qui est normalement létale pour les individus de la même espèce et dans des conditions adéquates d’utilisation de cet herbicide », tient à rappeler David Miville, agronome malherbologiste au LEDP.
De plus en plus, les mauvaises herbes tendent à acquérir de la résistance à divers groupes d’herbicides. À l’égard des cultures, le problème se fait surtout sentir dans le soya, ensuite dans le maïs-grain, le maïs fourrager, les céréales – notamment le blé et, plus marginalement, l’orge et l’avoine –, les produits maraîchers, puis, dans une moindre mesure, le sapin de Noël, la fraise, l’asclépiade, le maïs sucré et le canola.
Résistance ou non?
Un contrôle des mauvaises herbes qui ne donne pas les résultats attendus signifie-t-il qu’il y a résistance? Pas forcément.
Différents facteurs peuvent être en cause :
- Une application au mauvais stade;
- Une identification erronée de la mauvaise herbe;
- Un choix inapproprié d’herbicide;
- Une utilisation inadéquate d’herbicide (dose, mélange en cuve, adjuvant, etc.);
- Une pulvérisation mal exécutée (calibration, volume de bouillie, buses, pression, vitesse, etc.);
- Des conditions environnementales non optimales;
- Des conditions de sol qui ne conviennent pas au produit utilisé;
- Un non-respect des consignes indiquées sur l’étiquette du produit.
« Il faut toujours garder à l’esprit qu’aucun herbicide n’est efficace à 100 % contre une espèce de mauvaise herbe, signale M. Miville. Pour être homologué, le produit doit démontrer 80 % ou plus d’efficacité. Il y a donc tout de même un 20 % qui peut survivre à l’application d’un herbicide sans être résistant. Aussi, un herbicide n’est habituellement pas efficace contre toutes les sortes de mauvaises herbes. »
Quels sont les signes d’une résistance possible?
- Une seule espèce de mauvaise herbe a survécu au traitement;
- Le patron de distribution est aléatoire;
- Dans la population de mauvaises herbes, le niveau de dommage dû à l’herbicide varie d’une plante à l’autre;
- Le problème a été observé au cours des dernières années dans le même champ lorsque des herbicides d’un groupe similaire ont été utilisés;
- Des herbicides du même groupe ont été appliqués à répétition, année après année, dans ce champ.
Un portrait provincial
À l’échelle du Canada, on retrouve ici la plus grande offre de tests de détection disponibles. Pour la période comprise entre 2011 et 2023,
un portrait provincial a été dressé, permettant de dégager 15 espèces de mauvaises herbes résistantes à un ou plusieurs groupes d’herbicides.
Voici celles qui ressortent de cet exercice :
Petite herbe à poux (35 % des cas de résistance)
- Produit de 100 à 6 000 graines par plan par an;
- La durée de vie des graines dans le sol peut s’étendre jusqu’à 40 ans;
- La dispersion des graines s’effectue par le travail mécanique et humain;
- Les pertes de rendement sont supérieures à 13 % dans le maïs et à 50 % dans le soya, avec une densité de population aussi infime que de deux plants par mètre carré.
Amarante tuberculée (17 % des cas de résistance)
- Peut s’hybrider avec l’amarante à racine rouge et l’amarante de Powell;
- Produit environ 300 000 graines par plant par an;
- La durée de vie des graines dans le sol est d’environ 5 ans;
- La dispersion par les graines s’effectue par le travail mécanique et humain. Elles peuvent rester attachées au plant tardivement et être disséminées par batteuse.
Morelle noire de l’Est (8 % des cas de résistance)
- Produit environ 10 000 graines par plant par an;
- La durée de vie des graines est supérieure à 10 ans dans le sol;
- La dispersion des graines s’effectue par le travail mécanique et humain, ainsi que par les oiseaux;
- De l’émergence à la production de graines, il s’écoule seulement six semaines. Elle peut donc produire plusieurs générations par année;
- Toutes les parties sont toxiques pour le bétail.
Moutarde des oiseaux (7 % des cas de résistance)
- Très répandue dans la vallée du Saint-Laurent;
- Parmi les premiers cas de résistance aux triazines au Québec. Également le premier cas de résistance au glyphosate en 2017;
- Produit de 100 à 8 000 graines par plant par an;
- La durée de vie des graines est d’environ 10 ans dans le sol;
- La dispersion des graines s’effectue par le travail mécanique et humain;
- Présente un potentiel élevé de nuisance pour les céréales, les légumes, le maïs et le soya.
Vergerette du Canada (7 % des cas de résistance)
- Produit de 1 000 à 10 000 graines par plant par an;
- La durée de vie des graines est supérieure à 3 ans dans le sol;
- La dispersion des graines s’effectue par le vent, le travail mécanique et humain;
- Bien adaptée au semis direct ou sol non travaillé;
- Hôte sauvage de la punaise terne et de la jaunisse de l’aster, propagée par la cicadelle de l’aster;
- Présente un potentiel élevé de nuisance pour le soya, le maïs-grain, le maïs fourrager et les cultures maraîchères.
Canola spontané (6 % des cas de résistance)
- Considéré comme une mauvaise herbe en raison de sa capacité à se disséminer facilement et à se reproduire rapidement;
- Produit environ 3 000 graines par plant par an;
- La dispersion des graines s’effectue par le travail mécanique et humain;
- Présente un potentiel élevé de nuisance pour les céréales, le maïs et le soya.
Amarante de Powell (5 % des cas de résistance)
- Produit entre 1 000 et 100 000 graines par plant par an;
- La durée de vie des graines dans le sol est supérieure à 40 ans;
- La dispersion des graines s’effectue par le travail mécanique et humain;
- Présente un potentiel élevé de nuisance pour les cultures maraîchères, le maïs-grain/fourrager, la pomme de terre et le soya.
Dans une proportion moins importante, d’autres mauvaises herbes ont offert une résistance à un ou plusieurs groupes d’herbicides :
- Amarante à racine rouge (4 %);
- Folle avoine (4 %);
- Chénopode blanc (4 %);
- Sétaire géante (2 %);
- Abutilon à pétales jaunes (moins de 1 %);
- Séneçon vulgaire (moins de 1 %);
- Kochia à balais (moins de 1 %);
- Stellaire moyenne (moins de 1 %).
« On constate qu’environ 60 % des cas testés reçus tant au LEDP qu’au CÉROM correspondent à des populations résistantes. On sait également que le nombre de cas confirmés pour les sites et les espèces est en hausse et que la problématique est sans doute sous-estimée, car on dépend de l’envoi volontaire d’échantillons », vient souligner en conclusion Amélie Picard, agronome malherbologiste au LEDP.
Faites détecter la résistance!
Que faire s’il y a soupçon de la présence d’une mauvaise herbe résistante?
- Vérifier les tests disponibles au LEDP;
- Préparer un échantillon (10 feuilles sèches de 10 plants différents sans sol pris au hasard dans le champ);
- Créer une demande d’analyse;
- Envoyer au LEDP.
Il est aussi à noter que la trousse Résistance des mauvaises herbes sera mise à jour pour 2024.
Les conseillers agricoles peuvent en outre bénéficier d’un service rapide et gratuit d’identification en écrivant à [email protected].