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La lutte intégrée est une méthode décisionnelle qui consiste à utiliser tous les moyens de lutte disponibles pour réduire les populations d’organismes nuisibles dans le respect de la santé et de l’environnement. On prévient les problèmes et on intervient lorsque nécessaire, en utilisant les pesticides en dernier recours, car sa mission est d’en réduire l’utilisation. C’est une approche nécessaire et porteuse d’histoires de réussite : mouches stériles, trichogrammes, capteurs de spores, etc.
Pratiquons-nous une agriculture plus durable?
« Lutte intégrée » est parfois utilisée dans des contextes où les pesticides sont le seul moyen utilisé. Le dépistage des organismes nuisibles devrait minimalement être utilisé pour justifier une intervention, mais il faut également utiliser d’autres moyens.
Telle qu’utilisée actuellement, la lutte intégrée aide-t-elle à réduire l’utilisation des pesticides? Une étude a été publiée en France en 2021 dans un journal de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement. Les auteurs de Integrated pest management: good intentions, hard realities ont évalué la performance de la lutte intégrée. Ils constatent que les pesticides continuent à être largement utilisés. Que doit-on améliorer pour atteindre nos objectifs de réduction?
Même si des producteurs font preuve de pratiques exemplaires, certains usagers changent leurs habitudes plus tranquillement. Différentes situations peuvent être observées :
- Manque de temps ou de soutien pour faire le suivi des champs;
- Crainte que les autres approches soient plus dispendieuses (alors que ce n’est pas toujours le cas);
- Manque de connaissance des organismes nuisibles et des autres moyens de lutte;
- Manque de compréhension de l’incidence des pesticides sur les organismes non visés, car une fois les populations d’ennemis des ravageurs réduites, les champs traités deviennent plus à risque d’infestations.
L’utilisation des pesticides est souvent perçue comme l’approche la moins risquée, qui permettra de garantir les rendements. Exposés aux aléas des marchés et de la météo, les producteurs ont souvent recours à l’option qui leur semble la moins pire.
La conclusion de cette étude indique qu’il est grand temps d’agir, afin d’utiliser plus souvent d’autres moyens. Ici comme ailleurs, de plus grands efforts doivent être déployés afin d’informer les producteurs et les conseillers des autres moyens existants.
Au Québec, comment se porte la réduction des pesticides?
En 2019, les ventes de pesticides ont augmenté de 3 à 5 % par rapport aux années précédentes. La situation s’est-elle améliorée? Pour avoir une vision juste, il ne suffit pas de comparer des « quantités ». Aujourd’hui, un plus grand choix de pesticides est disponible, souvent plus sélectifs et moins dangereux. Ainsi, plusieurs insecticides pourraient maintenant être nécessaires, au lieu d’un seul auparavant.
L’utilisation de matières actives nécessitant des prescriptions agronomiques (atrazine, néonicotinoïdes, etc.) était en forte baisse en 2019. Les producteurs peuvent facilement choisir, sur le site Web de l’outil d’information SAgE pesticides, des pesticides ayant un indice de risque pour l’environnement (IRE) plus faible. D’ailleurs, une baisse de l’IRE de 10 % a été observée.
Ainsi, malgré une hausse de la « quan-tité » totale de pesticides utilisés, la situation peut s’être améliorée sur certains points. Tant mieux, mais nous devons réduire la fréquence du recours aux pesticides.
Dans le rapport Indicateurs d’adoption de la Gestion intégrée des ennemis des cultures de 2017, l’indicateur « Intervention » (pesticide) a obtenu un score moins élevé pour la majorité des superficies sondées. Les auteurs concluent que le développement de nouvelles méthodes et un accompagnement plus soutenu sont nécessaires pour accroître les pratiques réduisant l’utilisation des pesticides.
Le Plan d’agriculture durable vise une diminution de 40 % des risques associés aux pesticides et prévoit des aides, en plus du programme Prime-Vert. Par exemple, des subventions pour des unités de pulvérisation tunnel, des détecteurs de mauvaises herbes, l’utilisation des mouches stériles ou trichogrammes, etc.
Si les objectifs visés par la lutte intégrée restent à atteindre, la formation, la recherche, le soutien et la collaboration le permettront.
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Un prochain texte abordera les façons d’optimiser la protection de l’environnement en fonction des déplacements attendus des pesticides.
Anik Larochelle, AGR., professeure en phytoprotection et en horticulture à l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec