Phytoprotection 3 avril 2023

Ennemis des cultures – Les ravageurs à surveiller en 2023

Papillons voraces aux portes du Québec, « super » champignon s’attaquant aux fraisiers et nuées de pucerons porteurs d’un virus dévastateur : pas une année ne passe sans son lot de nouvelles menaces pour les agriculteurs. Voici un aperçu des ravageurs qu’il faudra avoir à l’œil en 2023.

Insectes

Mouche européenne des cerises

La mouche européenne des cerises

Le plus important ravageur des cerisiers en Europe est désormais de ce côté-ci de l’Atlantique. « On a trouvé quelques spécimens autour de Montréal et en Ontario sur des plants de chèvrefeuille sauvage sur lequel il peut faire son cycle de vie », signale Olivier Morin, biologiste des enquêtes pour l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA).

Ses larves endommagent les fruits en se nourrissant de la pulpe, ce qui peut entraîner la perte totale de la récolte, faute d’intervention. Le biologiste recommande aux propriétaires de vergers de cerises de surveiller sa présence. L’insecte est reconnaissable à ses ailes transparentes tachetées de noir et à son thorax marqué d’un point jaune. Si pour l’instant, aucun produit spécifique n’est homologué chez nous pour son contrôle, d’autres insecticides contre les mouches à fruits s’avèrent efficaces. 

Pyrale du buis 

Papillon originaire d’Asie, la pyrale du buis cause de nombreux dommages chez les pépiniéristes en Europe depuis une quinzaine d’années. Sa chenille s’attaque au buis, une plante ornementale appréciée des jardiniers. La larve entraîne la défoliation de l’arbuste, avant de s’attaquer à l’écorce. 

La pyrale du buis a été détectée pour la première fois au Canada en 2018, dans la banlieue de Toronto, mais le Québec semble épargné jusqu’à présent. « Étant donné sa présence en Ontario, on ne peut plus exporter de buis aux États-Unis. Cependant, si on parvient à démontrer l’absence de cette espèce au Québec, cela donnerait un argument en faveur de l’ouverture partielle de la frontière », fait valoir Olivier Morin. L’ACIA recherche d’ailleurs des pépiniéristes ou des particuliers qui possèdent des buis afin de collecter des informations à cet effet.

Le fulgore tacheté

Fulgore tacheté 

Redouté depuis quelques années, le fulgore tacheté continue sa progression vers le Nord. Ce papillon polyphage, capable de causer des ravages sur une centaine d’espèces végétales, a été aperçu en avril dernier à quelques kilomètres de la frontière canadienne à Buffalo et à Détroit. 

À l’automne 2022, l’ACIA a retrouvé des fulgores adultes morts dans des produits importés des États-Unis. « Il suffit qu’une masse d’œufs sur un produit traverse la frontière et éclose chez nous pour nous retrouver avec ce ravageur », mentionne Olivier Morin. Les œufs du fulgore peuvent s’apparenter à une poudre cireuse ou de la boue séchée qui sera collée à de la roche ou à du bois. 

« Différentes recherches sur son comportement en Amérique du Nord ont permis de constater récemment que sa résistance aux conditions climatiques froides est plus grande que supposée, donc le sud du Québec est potentiellement à risque », ajoute Jean-Philippe Légaré, biologiste et entomologiste au Laboratoire d’expertise et de diagnostic en phytoprotection du MAPAQ. 

Maladies

Une feuille de poivron attaquée par le virus de la mosaïque du concombre. Photo : Gracieuseté du LEDP-MAPAQ

Virus de la mosaïque du concombre

L’année 2022 a été marquée par une importante activité de ce virus dans huit régions du Québec, principalement chez des producteurs de cucurbitacées. « Nous croyons que le puceron de soya est le vecteur du virus, car il y a eu une corrélation entre la résurgence de cette maladie et une importante activité de ce ravageur », indique Jean-Philippe Légaré. Bien qu’il se ne nourrisse pas des cucurbitacées, le puceron du soya fait des piqûres d’essais sur les plants pour en tester la sève. Sa présence, quoique très courte, est néanmoins suffisante pour infecter les cultures.  

Surtout présente aux États-Unis, cette espèce produit à l’occasion une génération d’individus ailés lorsque sa densité de population grimpe en flèche. Ceux-ci sont transportés par les vents vers d’autres régions, comme ce fut le cas l’année dernière. Le MAPAQ a mis sur pied un groupe de travail pour faire le suivi de la situation et finance un projet de recherche pour reconnaître les signes avant-coureurs de ce problème. 

Phytophthora europaea

Cette espèce très virulente, qui affecte particulièrement les sapins de Fraser et les sapins baumiers, cause la pourriture du collet, ce qui empêche la circulation de la sève et entraîne le dépérissement de l’arbre. Déjà présente aux États-Unis et en Europe, elle a été détectée pour la première fois au Québec en 2016. Des recherches plus poussées ont révélé qu’elle était présente chez plusieurs producteurs de la province. Différents facteurs, comme un sol trop humide, pourraient en favoriser la présence. 

Dépérissement neopestalotiopsien de la fraise 

Dépérissement neopestalotiopsien de la fraise

Pathogène déjà connu des scientifiques, cette maladie a provoqué en 2018 d’importants dégâts dans les fraisières en Floride. Depuis, elle s’est répandue à d’autres régions, dont le Québec en 2022 chez plusieurs producteurs. « Est-ce une nouvelle souche ou une espèce différente? Dur à dire, mais c’est très virulent, car elle entraîne le dépérissement des fraisiers et provoque des dommages considérables », affirme Jean-Philippe Légaré.

Mauvaises herbes

Ériochloé velue

Présente dans le Midwest américain depuis les années 1950, cette graminée asiatique a été récemment découverte dans quelques champs de l’ouest du Québec, où elle fait concurrence aux cultures comme le maïs et le soya. Ses feuilles, d’un vert foncé et extrêmement velues, ont la texture du velours. Ses graines ont tendance à se coller à la machinerie et elles peuvent germer jusqu’au mois d’août. « Elle pousse très bien sous la canopée du maïs. Le glyphosate fonctionne, mais son contrôle est plus difficile en régie biologique », avertit Olivier Morin. 

Ériochloé velue

Amarante tuberculée

Depuis son apparition au Québec en 2017, l’amarante tuberculée poursuit sa progression fulgurante dans la province. En 2022, 33 nouveaux foyers ont été détectés avec une résistance simple ou multiple aux herbicides. Pour lutter contre cette espèce, le plan d’intervention phytosanitaire du MAPAQ est maintenu en 2023 afin d’accompagner les producteurs touchés. Ceux-ci peuvent obtenir jusqu’à 15 280 $ pour l’encadrement de la biosécurité.

Vergerette du Canada

Cette mauvaise herbe est surtout présente dans les champs de grandes cultures en semis direct. Deux premiers cas de résistance au glyphosate ont été confirmés en Montérégie-Ouest en 2021. Et dès l’année suivante, on a recensé 15 cas répartis en Montérégie, en Estrie et dans Lanaudière. « Ses graines étant disséminées par le vent, elles peuvent voyager sur plusieurs kilomètres d’une année à l’autre », précise Jean-Philippe Légaré. 

Petite herbe à poux

Un premier cas de résistance aux herbicides du groupe 14 a été enregistré au Québec en 2021 pour cette mauvaise herbe, commune dans les cultures annuelles. Des activités de dépistage subséquentes ont permis de détecter 11 populations résistantes dans les Laurentides, dans Lanaudière, dans le Centre-du-Québec et en Montérégie, parmi lesquelles on a dénombré 8 cas de résistance au groupe 2. 

En présence d’un cas possible de résistance aux herbicides ou d’une espèce envahissante, les producteurs agricoles sont invités à communiquer sans délai avec l’ACIA ou le Laboratoire d’expertise et de diagnostic en phytoprotection (LEDP) du MAPAQ.