SAINT-DIDACE – Le semencier, conférencier et auteur Yves Gagnon est tombé sous le charme de la réputée tomate rose qu’il a nommée Savignac en hommage au frère du même nom devenu végétarien et horticulteur biologique dans les années 1940.

Quand, à la fin des années 1940, le frère Armand Savignac a découvert la tomate qui portera plus tard son nom, l’horticulteur a trouvé sa vigueur et son goût si exceptionnels qu’il a décidé de délaisser la culture de toutes les autres tomates. Voilà une anecdote qui a frappé l’imaginaire du jeune Yves Gagnon. À la suite de sa rencontre avec le frère, qui avait alors près de 90 ans, le semencier de Lanaudière a décidé d’en faire, grâce à la sélection de semences, la tomate qu’il nommera Savignac, en mémoire du frère à l’histoire étonnante.

Comme le frère Armand Savignac avant lui, le semencier Yves Gagnon est tombé amoureux d’une tomate rose. Celle qui portait à l’origine le nom de Dufresne poussait difficilement chez lui, à Saint-Didace, mais il a persisté à la cultiver, la sélectionnant d’année en année. Photo : Sophie Lachapelle

Destiné à l’enseignement au sein de la congrégation des Clercs de Saint-Viateur, à Joliette, Armand Savignac était atteint d’une maladie digestive (constipation chronique) et d’une difformité musculaire, une condition qui, selon les médecins, le condamnait. Des lectures sur l’hygiène alimentaire et spirituelle ainsi que des recommandations de naturopathes l’ont amené à devenir végétarien et à se consacrer à l’horticulture biologique. « C’était un visionnaire. Personne ne parlait de ces choses-là à l’époque », explique Yves Gagnon, cofondateur avec sa conjointe, Diane Mackay, des Jardins du Grand-Portage, à Saint-Didace, dans Lanaudière. 

Le frère Armand Savignac à côté de plants de la tomate qui porte aujourd’hui son nom. 

Au milieu des années 1980, celui-ci rencontre le frère Savignac, alors qu’il commence en agriculture. Il a immédiatement eu envie de tester la tomate vantée par Savignac. « Je l’ai tout de suite aimée. Les autres tomates me semblaient fades en comparaison », rapporte-t-il.  

Cette tomate présentait toutefois un défi : elle était cultivée dans un climat beaucoup plus clément que celui des terres d’Yves Gagnon.

La première année, je n’ai eu que 4-5 fruits par plant. La logique aurait été de l’abandonner! Mais j’ai décidé de la sélectionner pour arriver à une tomate adaptée à notre climat plus froid. 

Yves Gagnon

Il a hérité du frère Savignac de beaucoup plus qu’une tomate.  « C’est par lui que j’ai compris tout l’intérêt de sélectionner des semences pour les adapter. C’est grâce à lui que je suis devenu semencier », dit l’homme dont l’entreprise offre aujourd’hui des centaines de types de semences, notamment patrimoniales, et s’approvisionne de huit autres semenciers. 

Au fil des ans, M. Gagnon a formé des dizaines de semenciers et jardiniers québécois. Conférencier prolifique, il a également écrit une panoplie de livres sur l’agriculture. Chaque été, sa conjointe et lui accueillent des visiteurs lors de différents événements.
Yves Gagnon s’est aussi donné pour mission de produire des vidéos didactiques sur l’horticulture. « Pour moi, la transmission est ce qu’il y a de plus important », explique-t-il.

Le couple sent qu’il avance en âge. Sa fille Catherine Gagnon-Mackay est investie dans l’entreprise, mais du côté administratif seulement, car elle habite à Montréal. « On veut que tout cela nous succède, mais ma fille ne viendra pas à Saint-Didace faire pousser des légumes, précise le semencier. On a donc décidé de créer une OBNL, afin de pouvoir embaucher une directrice générale qui se chargera de la production. Tous les revenus qu’on fait iront désormais à cette organisation. »

La Savignac est une tomate rose qui pousse sur un plant indéterminé. Ce dernier peut atteindre près de trois mètres de hauteur. Crédit photo : Sophie Lachapelle 

Le saviez-vous !?

  • La Savignac est une tomate rose qui pousse sur un plant indéterminé pouvant atteindre près de trois mètres de hauteur. 
  • Elle est une « descendante » de la tomate Dufresne. Ce sont, en effet, les frères Dufresne de Saint-Félix-de-Valois qui ont remis les semences à Armand Savignac. 
  • C’est notamment en vendant des arbres fruitiers ainsi que des plants de vignes et de tomates que le frère a pu payer ses traitements médicaux.
  • À 75 ans, le frère Savignac a été l’un des cofondateurs du Mouvement pour l’agriculture biologique.
  • Le frère est décédé à 95 ans. « Il aimait bien dire, avec un sourire en coin, qu’il avait enterré tous ses médecins », raconte Yves Gagnon.
  • On doit aussi au frère Savignac un poirier qui porte son nom.

 


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