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C’était une tradition familiale chez les Auger. Les fins de semaine, Yves emmenait ses deux fils à la « chasse aux vieux pommiers ». Arpentant les routes du Centre-du-Québec, ils allaient repérer ces survivants pour en récupérer de précieux greffons.
Ces greffons allaient servir à créer de nouveaux arbres, destinés à être vendus dans la pépinière familiale. Les balades d’Yves Auger pouvaient ressembler à une véritable chasse au trésor. Il repérait un ruisseau ou un lilas qui laissaient présager que la terre avait déjà accueilli une résidence, laissant derrière elle des arbres fruitiers qui avaient nourris ses habitants…
Il choisissait avec soin les greffes qu’il rapportait avec lui. « Je prenais les arbres dont les fruits n’avaient pas de tavelure et qui, donc, résistaient à la maladie. Ça fait qu’on peut les cultiver en biologique, raconte-t-il, soulignant leur résilience, de surcroît. Ils sont hyper résistants parce qu’ils ont survécu à tous nos hivers. »
Ce passionné a toujours privilégié les chemins anciens, où les premiers colons français, mais également écossais et anglais, se sont installés. D’ailleurs, faute de mieux, il donnait souvent aux arbres fruitiers le nom des familles propriétaires de ces terres.
Sa pépinière, il l’a lancée à Saint-Pierre-Baptiste, dans le Centre-du-Québec, en 1985. « J’ai commencé avec 100 porte-greffes », précise celui qui, en outre, a pris soin d’y créer un verger de conservation, afin de préserver les variétés retrouvées. La propriété a été vendue à la suite d’une séparation en 2002. Yves Auger est alors devenu consultant, en enseignant la culture fruitière en parallèle.
En 2008, celui qui enseignait au cégep de Victoriaville s’est retrouvé à devoir faire des choix.
Nicolas et sa conjointe, Marianne Baril, ont acheté une terre à Saint-Julien, perchée à 1 500 pieds d’altitude, dans les Appalaches. Ils y ont construit un nouveau verger-pépinière, en repartant notamment des arbres du premier verger, à une vingtaine de minutes de là. Ils vendent 200 sortes de cultivars, d’arbres et d’arbustes fruitiers en incluant des variétés ancestrales comme les pommes Rouville et Collet ainsi que les poires Suète, Savignac et Sainte-Sophie. On y retrouve, là aussi, un verger de conservation. « Je ne veux pas que ces variétés disparaissent, dit Nicolas. C’est nos racines. C’est avec ça qu’on a fondé le Québec et ça me touche. Ils ont laissé des traces dans chaque village. Je veux que nos enfants puissent en profiter et les planter à leur tour. »
De nos jours, la Pépinière Ancestrale vend 25 000 arbres et plus de 90 000 arbustes chaque année, dont 85 % sont expédiés dans le reste de la province. L’entreprise compte une douzaine d’employés. « Je suis pas mal fier de mon fils », avoue Yves Auger. Nicolas pourra peut-être dire un jour la même chose de ses enfants, car, à respectivement 14 et 16 ans, ils prennent déjà part aux activités de l’entreprise. Il semble que le greffon ait pris de nouveau…
Le saviez-vous ?!
Certains des arbres fruitiers vendus par la Pépinière Ancestrale ont des histoires tout aussi savoureuses que leurs fruits.
- Le poirier Sainte-Sophie en est un très rustique – zone 3 – aux fruits sucrés, retrouvé par Yves Auger au cœur du village de Sainte-Sophie-d’Halifax. Il a décidé de le sauvegarder en le greffant dans son verger, puis en le commercialisant.
- Le prunier Damas bleu est issu du célèbre prunier de Damas que l’on retrouvait seulement dans la région du Bas-Saint-Laurent. Il donne une petite prune bleue ovale à chair jaune bien sucrée.
- Le poirier Savignac a été développé dans Lanaudière par le frère Armand Savignac, à qui l’on doit aussi la fameuse tomate Savignac. Membre des Clercs de Saint-Viateur, il a adopté un régime végétarien dans les années 40 et a fondé, à 75 ans, le Mouvement pour l’agriculture biologique.
- Le pommier Rouville a été créé en 1962 et introduit en 1983 par le centre de recherche d’Agriculture et Alimentation Canada de Saint-Jean-sur-Richelieu. Il est un croisement entre la Red Melba, la Mac et la Wolf River. Il produit de grosses pommes très sucrées.