« En 1922, un melon de Montréal pouvait se vendre 2,50 $, ce qui équivaut à 43,15 $ aujourd’hui. » Pas donné, le melon! Voilà l’un des faits étonnants qu’on retrouve dans la plaquette écrite par Bernard Lavallée à propos du melon de Montréal. 

Le nutritionniste revient sur l’épopée de la célèbre cucurbitacée cultivée dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce à Montréal, qui a été servie dans les grands hôtels de la côte est américaine. Sa disparition par la suite et l’épopée de retour, en 1997, à partir d’une banque de semences de l’Iowa a depuis passionné nombre d’horticulteurs amateurs et de journalistes.

Le livret de Bernard Lavallée est accompagné d’un paquet de semences, pour former un coffret au design léché, lancé ce printemps. « Qui est-ce qui fait ça, écrire un livre pour vendre un sachet de graines? s’exclame-t-il. Mais si moi, qui ai le privilège de le faire, je ne le fais pas, qui va le faire? »

Bernard Lavallée tient à rémunérer les producteurs agricoles de manière juste, parce qu’il estime que dans la chaîne de valeur, ce sont toujours eux qui sont les moins bien rémunérés. Photo : Katya Konioukhova
Bernard Lavallée tient à rémunérer les producteurs agricoles de manière juste, parce qu’il estime que dans la chaîne de valeur, ce sont toujours eux qui sont les moins bien rémunérés. Photo : Katya Konioukhova

Un tournant

L’amour de Bernard Lavallée pour les semences patrimoniales a commencé il y a une dizaine d’années, donnant à sa vie un tournant inattendu, et l’a transformé en homme d’affaires. Il a assisté à une conférence d’une semencière réputée au Québec, Lyne Bellemare. « Je me suis dit : “Mon Dieu! Il y a des aliments qui ont disparu qu’on ne peut plus manger et il y en a qu’on essaie de préserver.” » 

Il n’en fallait pas plus pour qu’il commence à fouiller la question et à écrire sur le sujet.

Comme nutritionniste, ma job est de rendre ça cool, de manger des fruits et légumes. Et c’est très difficile, parce que l’industrie agroalimentaire a des budgets pas mal plus élevés pour rendre les chips cool que moi avec les tomates. J’ai réalisé que les semences ancestrales avaient une histoire tellement touchante que je pouvais accrocher les gens avec cette histoire-là.

Bernard Lavallée

En 2016, il a fait un premier test en commercialisant un petit ensemble de quatre semences. « On a tout vendu en 24 h, raconte-t-il. Clairement, il y avait un intérêt! » 

C’est en 2020, alors que tous ses engagements avaient été annulés à cause de la pandémie, qu’il s’est officiellement lancé en affaires, avec l’aide de son conjoint, graphiste. « Les semenciers sont soit pris dans les champs à cultiver ou à ensacher les semences… Je voyais que je pouvais combler un espace en marketing », explique-t-il. 

Quatre ans plus tard, il offre maintenant 13 coffrets de semences au design soigné, qui sont vendus dans une centaine de points de vente, dont un grand nombre de boutiques-cadeaux. « Mes clients ne vont pas commander sur les sites des semenciers; ce sont des gens qui ne jardinent pas, mais qui l’apprivoisent avec ça », dit-il.

Bernard Lavallée rapporte n’avoir commencé à faire un peu de profits que l’an dernier. « Les semences sont payées à bon prix aux semenciers, et j’y tiens. Dans la chaîne de valeur en alimentation, ce sont toujours les agriculteurs qui sont les moins bien payés, mentionne-t-il. Pour moi, c’est important de reconnaître leur travail. » Il transige avec une dizaine de semenciers et il indique le nom de chaque fournisseur sur les emballages des différents produits.

Le nom de chaque fournisseur des différentes semences est indiqué sur les emballages de ses produits. Photo : Sophie Lachapelle

Le nutritionniste voit différentes raisons pour lesquelles le public devrait s’intéresser à la sauvegarde de ces semences. « Il y a une raison émotive, parce que c’est poétique et que c’est important de préserver notre histoire, dit-il. Mais il y a aussi une motivation rationnelle. » Il fait valoir qu’un jour, par exemple, nous aurons peut-être besoin de ce patrimoine génétique pour obtenir une tomate qui a besoin de très peu d’eau. « La richesse et notre résilience face aux changements climatiques se trouvent dans la biodiversité », estime le nutritionniste.  

Le saviez-vous?

Voici quelques faits amusants rapportés par Bernard Lavallée.

• Le pois St-Hubert serait LE pois à l’origine de la soupe aux pois. Celui-ci est arrivé au 17e siècle avec les colons français.

• La tomate Mémé de Beauce a été redécouverte en 1995 par un menuisier qui a trouvé des semences dans le grenier d’une vieille maison abandonnée qu’il rénovait.

• Le concombre Tante Alice a été nommé en l’honneur de sa créatrice, Marie-Alice Laflamme Gosselin. Son truc pour une germination réussie? Tremper les graines dans le lait 24 heures avant la plantation!

• La tomate Petit Moineau a été ramenée du Mexique par un médecin en voyage dans les années 1950. C’est dans la région de Châteauguay qu’elle a d’abord été cultivée.

• L’épinard Norfolk a été créé au Québec à la fin du 19e siècle, mais c’est une congrégation religieuse de Kingston en Ontario qui a sauvegardé cette variété pour qu’on puisse encore la manger aujourd’hui.