KAHNAWAKE – Stephen McComber, de Kahnawake, se dévoue depuis plus de 40 ans à la préservation du patrimoine agricole autochtone, notamment en cultivant chez lui des variétés de légumes ancestraux.

Dans le luxuriant potager de Stephen McComber, situé à l’arrière de sa maison, tout pousse dans une joyeuse broussaille, où culture et nature se bousculent. « Ça, c’est la courge gourde. Quand c’est séché, ça sert de petit contenant pour boire. Ça vient d’Arizona », explique le résident de Kahnawake, en banlieue de Montréal. 

Stephen McComber, dit Silverbear, a longuement travaillé dans des prisons, où il a bâti des potagers pour contribuer à la réhabilitation des prisonniers. Photos : Sophie Lachapelle
Stephen McComber, dit Silverbear, a longuement travaillé dans des prisons, où il a bâti des potagers pour contribuer à la réhabilitation des prisonniers. Photos : Sophie Lachapelle
Les célèbres trois sœurs (maïs, courge et haricot) poussent côte à côte, s’entraidant l’une l’autre. 

Le jardinier est intarissable quand il s’agit de partager l’héritage agricole des Premières Nations, celui de partout en Amérique du Nord, mais en particulier du Nord-Est américain, que son potager met à l’honneur. On y trouve les fameuses trois sœurs (courge, maïs et haricot poussant côte à côte pour s’entraider), et ce, dans une grande variété pour chacune.

« C’est important de préserver ça. On en faisait pousser bien avant l’arrivée de Jacques Cartier », dit-il, non sans une pointe de fierté. Il explique que la nation mohawk, dont il fait partie, pratique l’agriculture depuis des temps immémoriaux. « On se déplaçait tous les 25 ans pour ne pas épuiser le sol », rapporte-t-il.

Stephen McComber, qui porte aussi le nom de Silverbear, se fait un devoir, depuis près de 40 ans, de préserver cet héritage dans son jardin. Celui-ci a été bâti petit à petit, grâce aux apprentissages transmis par son grand-père, qui, comme Stephen, cultivait en fonction des cycles lunaires.

M. McComber ne vend pas ses semences. « Je les donne ou je les échange avec d’autres cultivateurs », dit-il. C’est ainsi que les graines qu’il a préservées sont reproduites et commercialisées par différents semenciers québécois, qui assurent la transmission de ce patrimoine vivant.

Retraité de Service correctionnel Canada, Stephen McComber a fait de la transmission de cet héritage agricole et autochtone le cœur de sa vie. Ayant œuvré en réhabilitation auprès de la clientèle carcérale dans différentes prisons du Québec durant plus de 18 ans, il y a créé des jardins potagers, où l’on retrouvait notamment des légumes autochtones.

Ça permettait aux prisonniers de s’enraciner et d’apprendre à prendre soin de la nature. Quand on s’occupe de la nature, on apprend à être moins violent avec les femmes, ce qui est fréquent chez les hommes en prison.

Stephen McComber

Aujourd’hui, le jardinier est souvent invité à prononcer des allocutions au Québec, mais également lors de rassemblements partout en Amérique du Nord. Il y rencontre des membres d’autres nations autochtones, ce qui lui permet d’enrichir son potager… et ses connaissances. « C’est important de préserver notre propre patrimoine, mais les échanges aussi, ça permet de s’ouvrir », affirme-t-il.

Il y a deux ans, Stephen McComber a perdu sa femme adorée, ce qui, clairement, lui pèse toujours. Mais depuis, il s’ingénie à faire pousser des projets agricoles pour sa communauté. Il est l’un des chefs du conseil de bande et vient d’ailleurs d’être réélu aux dernières élections, qui se tenaient début juillet après avoir fait valoir ses ambitions agricoles pour sa communauté. « Je veux contribuer à la sécurité alimentaire de nos gens, explique l’homme de 68 ans. On n’a pas beaucoup d’espace et on n’est pas très autonomes. Je veux que nous ayons un potager comme le mien, mais accessible à toute la communauté. J’aimerais qu’on ait des serres et qu’on fasse de la production en hydroponie. Et il y a un grand intérêt pour tout ça. » 

Bref, c’est un vaste programme, qui, pour Silverbear, revêt aussi une dimension sociale importante. « Les jeunes pourront aller travailler au potager, fait-il le pari. Ça les occupera et ça leur donnera une fierté. »

Le jardinage au rythme du cycle lunaire

Stephen McComber explique que les Premières Nations ont divisé l’année en 13 mois égaux de 28 jours pour un total de 364 jours. Chaque mois est marqué par un cycle lunaire précis. « L’énergie de la lune influence tout sur terre. Et selon la période, la plante captera une énergie différente », précise-t-il.

Au premier quart, à la nouvelle lune, le jardinier recommande de planter tout ce qui est vert et qui a des feuilles, comme des herbes, du tabac et des fleurs. À la seconde lune, qu’on appelle la lune de cire, on doit planter tout ce qui contient des graines, comme les tomates, les melons, les concombres et les courges. À la troisième lune (pleine lune), on plante les légumes racines, soit les betteraves, les carottes et les pommes de terre. 

Puis, au dernier quart, on ne plante rien. On s’occupe simplement d’entretenir le sol.