Éleveur de chevaux Canadiens depuis près de 35 ans, Mario Bélanger a cofondé la Fédération de producteurs des races patrimoniales du Québec, de même que l’Association québécoise du cheval Canadien. Tant comme membre du conseil d’administration de cette dernière que comme éleveur, il lutte encore et toujours pour la survie de ce cheval.

Mario Bélanger élève des chevaux Canadiens depuis trois décennies. Photo : Gracieuseté de Mario Bélanger
Mario Bélanger élève des chevaux Canadiens depuis trois décennies. Photo : Gracieuseté de Mario Bélanger

« Ce n’est pas la grandeur qui fait la qualité d’un Canadien, c’est son courage et son cœur à l’ouvrage », affirme Mario Bélanger, faisant référence à la légendaire taille de celui qu’on surnomme le petit cheval de fer. Pour l’illustrer, il raconte cette anecdote, vécue par un ami : « Il avait attelé un Percheron pour tirer une immense épinette, mais la bête n’y arrivait pas. Ils ont amené un Canadien. Le petit cheval a tellement forcé. Il se servait de ses pattes avant comme des mains, plantées dans le sol, son ventre était presque à terre. Et il a fini par y arriver. »

Canadian Live Stock Records

C’est là l’une des nombreuses histoires qui ont contribué à la réputation du cheval Canadien, laquelle dépasse largement les frontières. Arrivé en Nouvelle-France avec les premiers colons, il a proliféré dans la colonie et a notamment été exporté en masse durant la guerre américaine de Sécession. 

La survie du cheval Canadien n’a souvent tenu qu’à un fil. L’exportation vers les États-Unis a notamment entraîné une réduction draconienne du cheptel. On a toutefois réussi à maintenir sa population, jusqu’à il y a une quinzaine d’années, alors que l’on comptait environ 500 naissances annuellement en Amérique du Nord. Mais les naissances se sont ensuite maintenues entre 100 et 150. « Avec la crise de 2008, beaucoup d’éleveurs ont disparu », explique Mario Bélanger.

Lui-même s’est lancé dans l’aventure de l’élevage en 1990, après avoir eu un coup de cœur pour l’histoire de l’animal. Sa conjointe et lui ont bâti un élevage qui se voulait respectueux des normes de la race, avec des animaux au caractère avenant. « Les Canadiens ont la réputation d’être prompts, et on voulait des animaux calmes », dit-il. Pour y parvenir, il a misé sur le tempérament des parents, mais également sur des méthodes d’élevage douces, respectueuses du rythme de croissance de l’animal.

L’éleveur se fait aussi un devoir de respecter les standards de taille.

Le Canadien doit faire maximum 16 mains (1,62 m). Mais aujourd’hui, beaucoup de propriétaires veulent de grands animaux. Il y en a qui font 17-18 mains. Mais ce n’est pas l’esprit de la race.

Mario Bélanger, éleveur de chevaux Canadiens

Nouvelle race proposée

Il note un regain d’intérêt pour les Canadiens depuis la pandémie, alors que le nombre de naissances a remonté à 250 en 2022, un chiffre qui a toutefois redescendu en 2023 à moins de 200. Les enjeux de maintien de la taille sont donc toujours présents. Pour assurer une saine évolution de la race, il propose la création d’une nouvelle race, plus grande. Cela fait tiquer certains propriétaires qui voudraient que leur bête garde le nom Canadien. 

Pour Mario Bélanger, cela ne devrait pas être un problème. « Aux États-Unis, il y a 11 races de chevaux qui ont de l’ADN de Canadien », explique-t-il, rapportant une étude génomique américaine. 

Il croit aussi que les gouvernements au niveau fédéral et provincial devraient offrir du soutien pour assurer la survie de la race. « On a une loi québécoise pour les protéger, mais il n’y a pas de moyens mis en place pour aller avec », déplore-t-il. 

Quant à l’avenir de son propre élevage, Mario n’a pas à s’inquiéter, puisque l’une de ses filles compte reprendre l’entreprise. « C’est le plus beau cadeau! J’ai tellement mis d’amour dans la sauvegarde de cette race. Ce serait triste que l’élevage soit démantelé. »

Des histoires qui en disent long

Les anecdotes faisant état de la vaillance des chevaux Canadiens pullulent. En voici deux, telles que rapportées par Mario Bélanger :

  • Un producteur de bois de chauffage de Ferme-Neuve, dans les Laurentides, lui a rapporté qu’un jour, un attelage de Percherons n’arrivait pas à tirer dans une pente enneigée un traîneau chargé de billots de bois. « Dans la même pente, il y avait des chevaux Canadiens avec un traîneau aussi chargé de billots. Ils sont passés à côté d’eux et sont parvenus jusqu’en haut. Il les a dételés et les chevaux sont redescendus prendre le traîneau des Percherons! »
  • En 1999, le jeune Louis-Philippe Racette s’est présenté aux épreuves de saut des Jeux équestres du Québec avec un cheval d’un peu plus de 14,3 mains contre des chevaux beaucoup plus grands. « Les gens l’appelaient le poney pour le ridiculiser, rapporte Mario Bélanger. Tout le monde se demandait comment il allait y arriver… Eh bien, il a remporté la compétition! »

Le saviez-vous?

  • Les premiers chevaux sont arrivés en Nouvelle-France en 1665 sur ordre du roi Louis XIV. Jusqu’en 1671, la France a fourni un total de 82 chevaux. Chaque propriétaire était tenu d’en assurer la reproduction, sous peine de sanction. Cent ans plus tard, la descendance s’élevait à 14 000 animaux.
  • Le Canadien pèse de 1 000 à 1 400 livres. Il est connu pour être frugal, avoir une longue queue, une crinière abondante et être doté d’oreilles courtes, de jambes solides, de même que d’un poitrail et de sabots larges. Sur les robes, les visions varient. Alors que la Société de éleveurs de chevaux Canadiens accepte toutes les couleurs, l’Association québécoise du cheval Canadien préconise la noire, la brune, l’alezane, la baie ou la grise.
  • Une vingtaine d’années après la guerre de Sécession, soit à partir de 1885, plusieurs initiatives se sont succédé pour assurer la survie du Canadien. En 1912, on comptait environ 1 550 animaux. Selon la Société de éleveurs de chevaux Canadiens, on en compte aujourd’hui 6 774 à l’échelle nord-américaine. Ce recensement est toutefois imprécis, puisque ce ne sont pas toutes les naissances et tous les décès qui sont rapportés.