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On peut apercevoir de l’autoroute Jean-Lesage le royaume de Rodrigue Leblanc, enseignant retraité reconverti dans la production forestière. Une horloge, une autruche grandeur nature en fibre de verre et des moulins à vent attirent les regards curieux. Un drôle d’accueil pour le visiteur!
En fait, ce bric-à-brac, dont notre hôte se départit graduellement, est trompeur. « J’ai profité de ma visibilité sur l’autoroute pour écouler les produits d’amis. Mais la petite usine beauceronne qui fabriquait les animaux en fibre de verre n’existe plus, et il ne me reste qu’un dinosaure et une autruche à écouler », indique l’original personnage.
Assis dans la maison qu’il a modifiée et entièrement rénovée au fil des ans, Rodrigue Leblanc raconte son histoire. Originaire de la Gaspésie, il aura été tour à tour enseignant, opérateur de machinerie lourde sur le chantier de la Baie-James et travailleur de la construction. Longtemps il a vécu à Québec, se réservant une retraite campagnarde à Val-Alain, avant de jeter son dévolu sur la terre de Joly, où il est maintenant installé depuis 1977.
« C’était une occasion rêvée, une terre à l’abandon en grande partie boisée. La maison demandait du travail, tout comme la grange, menaçant de s’écrouler, mais le prix était bon et l’environnement invitant. » Comme le dit notre patenteux, on ne choisit pas de s’installer à la campagne quand on n’a pas envie de bricoler. Dans ce contexte, l’occasion était belle. La proximité de l’autoroute ne semble pas affecter notre homme parce qu’il a davantage la tête tournée dans la direction de son boisé! Sans compter qu’il passe beaucoup de temps dans le garage qu’il a commencé à construire il y a plusieurs années.
Rodrigue Leblanc avoue qu’en acquérant un lot boisé, il avait tout à apprendre de cet univers. « À cette époque, il était permis de reboiser des terres laissées à l’abandon. J’ai donc fait évaluer mon lot par un conseiller forestier avant d’entreprendre le reboisement. »
Ce n’est, en fait, que plus récemment que Rodrigue Leblanc s’est davantage intéressé à la machinerie. Ce virage est le fruit de la nécessité, comme dans bien des cas. Le producteur forestier possède deux vieux tracteurs. Le premier, un Allis Chalmers, compte 49 ans d’âge et l’autre, plus récent, date de 1965, un Oliver.
En travaillant avec son Oliver pour sortir du bois de son lot, notre patenteux trouvait problématique d’utiliser une remorque qui, une fois chargée, avait tendance à s’embourber. « Ma première véritable patente mécanique a été d’allonger les bras de relevage arrière. Avec ce système, je peux lever et déplacer sans problème trois billots à la fois. » Comme l’explique notre patenteux, sa récolte assez limitée fait en sorte qu’il peut se contenter de transporter peu de billots à la fois. « En portant les billots de cette façon, je peux circuler facilement. De plus, c’est le tracteur qui fait tout le travail. »
Afin de préparer l’accès à ses chemins forestiers l’hiver, il utilise son Allis Chalmers pour taper la neige. Pour augmenter la flottabilité, il a doté le véhicule de « fausses » roues doubles. En fait, il a arrimé sur la jante des pneus arrière des pneus sans jante. Il élargit ainsi l’empreinte des pneus sans en augmenter significativement le poids. L’assemblage semble très résistant et lui permet de bien compacter la neige, facilitant le passage de l’autre véhicule dont nous allons parler ci-dessous.
Une Mazda des bois
« Vous savez, même quand on pense qu’elles sont finies, les vieilles voitures peuvent encore nous en donner. Une voiture compacte, c’est fait très solide! », explique M. Leblanc, histoire de mettre la table pour le sujet. Ensuite, il monte dans sa Mazda 323 1992 pour un tour de piste spectaculaire.
Il faut dire qu’elle a subi de sérieuses modifications, cette voiture, avant de se reconvertir aux travaux forestiers. C’est à son volant que notre patenteux se rend faire ses aménagements d’hiver. À l’usage, il a même conclu qu’elle fonctionnait merveilleusement bien autant dans la boue printanière que dans les difficiles conditions d’automne.
Les roues avant, qui assurent la traction, ont été surélevées afin d’augmenter la garde au sol. Pour obtenir ce résultat, un des cardans a dû être remodelé. Par la suite, selon le même principe que celui mis à l’essai sur le tracteur Allis Chalmers, les roues ont été triplées par l’ajout de deux pneus tenus en place par des barres de fer servant de crampons. Mais l’arrière ne suivait pas. Le patenteux a donc sacrifié les roues arrière pour les positionner derrière le véhicule, sur une barre de prolongement. Ces roues déportées ont été recouvertes par une chenille de motoneige, pour plus de stabilité et de flottaison.
« Pour moi, ça remplace avantageusement un VTT, et en plus, j’ai beaucoup moins de chance de me le faire voler… », estime notre patenteux avec un sourire complice. Il enchaîne en précisant avoir dû ranger tous les câbles dans l’habitacle pour éviter qu’ils s’accrochent aux obstacles. La partie arrière sert d’espace cargo pour transporter les outils et rapporter du bois de chauffage. Lors de notre visite, il s’apprêtait à installer un cric à l’avant de cet étrange véhicule. « Avec le cric, je vais pouvoir soulever l’auto si je m’enlise et glisser des branches en dessous pour retrouver ma traction. Comme ça, je ne serai plus jamais mal pris. »
Pour s’amuser, Rodrigue Leblanc a rempli une demande de brevet pour son véhicule passe-partout. Il attend encore une confirmation. Ce qui lui importe, en fait, c’est de montrer que certains véhicules, au lieu d’être expédiés au ferrailleur, peuvent être réutilisés à d’autres fins.
Notre patenteux ne cache pas le fait qu’il est un fervent pratiquant de la récupération. L’un des exemples les plus frappants est sans contredit l’étrange tricycle motorisé qui attend le retour des beaux jours dans son atelier. L’idée a germé à partir d’une vieille bicyclette Chopper, icône des années 1970, et d’un moteur de scie mécanique. La machine infernale qui en a résulté peut atteindre une trentaine de kilomètres à l’heure. La propulsion est assurée par une unité arrière portant le moteur et une roue. Cette partie du véhicule peut pivoter latéralement et en hauteur, afin d’assurer que la roue de propulsion garde bien le contact avec le sol.
Notre patenteux ajoutera des gardes sur ce véhicule original puisque les pièces mécaniques sont maintenant fonctionnelles, afin d’éviter tout incident fâcheux. Cela étant dit, il devra en limiter l’utilisation à ses chemins privés, ce véhicule moteur devant être immatriculé pour emprunter la voie publique. Une possibilité dont il doute fort.
Ce projet à peine terminé, il envisage déjà une autre transformation. Il compte relier deux vélos de randonnée pour en faire un tandem mû par un moteur électrique. « En fait, nous dit l’ambitieux patenteux, je veux en faire un vélo hybride fonctionnant soit à la force du mollet ou à l’aide d’un moteur d’appoint. »
Puis, une grande éolienne attire notre attention. Encore une machine récupérée que notre patenteux a remise en marche. Il a allongé certaines pales pour capter plus facilement le vent et l’a munie ensuite d’une petite génératrice qui, par grand vent, pourrait alimenter quelques ampoules. Pour l’instant, l’éolienne ne tourne que pour le bon plaisir de monsieur, mais elle pourrait éventuellement contribuer à fournir un éclairage d’appoint à la maison.
Juste à côté, une étrange machine a été construite par le patenteux pour creuser la tête de son puits. Actionnée par un moteur électrique extirpé d’une laveuse à linge, la machine soulève en séquence un piston, grâce à une roue provenant d’un ancien râteau soleil.
Avec l’arrivée du printemps, notre patenteux se remettra peu à peu à la plantation. Certains secteurs de son boisé demeurent encore à couvrir. Cela ne l’empêchera pas de penser à des solutions originales pour régler les problèmes techniques auxquels il fera face.
La fin des viaducs
Notre patenteux brasse constamment des idées et n’hésite pas à les faire connaître aux autorités en place. Après la crise du déversement de pétrole de la plateforme BP, il a envoyé à la multinationale anglaise des idées pour remédier au problème.
Plus près de chez nous, il a recommandé au ministère des Transports de faire disparaître les viaducs chevauchant nos autoroutes en aménageant aux endroits appropriés une troisième voie, à gauche, permettant de revenir vers la sortie désirée. Nous avons tiré un croquis de cette idée, que nous vous présentons ici.