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SAINT-ZACHARIE DE BEAUCE — Noël Bolduc passe le plus clair de son temps dans son atelier d’usinage. Même s’il met rarement les pieds dans une érablière, il en connaît tout un chapitre sur l’art d’entailler les érables à sucre. En fait, il est l’un des rares spécialistes au Québec dans l’aiguisage de précision des mèches pour percer l’écorce. Une fois aiguisées à la perfection, ses mèches entrent dans le bois comme dans du beurre et en ressortent tout aussi facilement.
D’entrée de jeu, M. Bolduc signale que le secret d’un bon aiguisage réside dans le split point au bout de la mèche. Dans son atelier, où il est possible de manger sur le plancher tellement c’est propre, il a modifié lui-même les machines-outils nécessaires pour obtenir un aiguisage parfait. Au total, chaque mèche passera par quatre étapes. L’angle de l’aiguisage et l’épaisseur de la coupe revêtent notamment une grande importance.
« Ce qui a été le plus dur, c’est de trouver un fabricant pour obtenir des mèches construites selon mes spécifications », indique notre aiguiseur. Le représentant du fabricant s’est d’ailleurs montré très sceptique, lui demandant s’il était certain de son affaire compte tenu de la taille de la facture, non remboursable. « Non, de lui répondre M. Bolduc, mais fabrique-les tout de même selon mes spécifications. »
« Après 20 ans, on commence juste à se rendre compte qu’on ne connaît rien », rigole le Beauceron. Mais attention, le pince-sans-rire s’amuse à feindre l’ignorance auprès des acériculteurs qui le consultent. Il attendra de les voir coincer leur mèche dans un bloc de bois avant de leur dévoiler une partie de ses secrets.M. Bolduc a demandé, entre autres, une épaisseur particulière pour le centre des mèches ainsi qu’une largeur réduite des pales de l’hélice (spirale). Cet élément s’avère crucial pour faciliter l’évacuation rapide de la ripe, ce qui permet à l’entailleur d’obtenir un trou parfait, net et sans défaut. Une minuscule lisière dans une paroi peut provoquer une fuite de vacuum.
Son œil averti lui a permis de découvrir récemment qu’un nouveau chalumeau offert par un détaillant n’avait pas la grosseur annoncée.
Aline Bisson, sa fidèle compagne, participe activement à l’entreprise en se chargeant du contrôle de la qualité. Les clients, souligne son mari, sont parfois réticents à suivre ses recommandations, étonnés de constater autant de connaissances chez une femme. Sans hésitation, celle-ci peut reconnaître la qualité d’un bon aiguisage ou se rendre compte qu’une mèche a fait son temps.
Entrepreneur en construction durant 33 ans, M. Bolduc s’est tourné vers son atelier à la suite d’un accident de travail. Après avoir acheté un premier tour à métaux, il a reçu un bon matin un sucrier désireux de faire aiguiser ses mèches. Néophyte en la matière, il a relevé le défi avec enthousiasme, se disant incapable de refuser une commande et convaincu que tout peut se faire. Avec les huit mèches de l’acériculteur, notre spécialiste a demandé quelques bûches, question de vérifier la qualité de son travail. Une heure plus tard, l’opération d’aiguisage était terminée.
« Ça perce-tu? » de s’enquérir le producteur acéricole.
« Le gars capotait de voir ses mèches, rapporte M. Bolduc. Il a dit ça à ses voisins et la roue était partie. On ne fait aucune publicité. L’an dernier, j’ai aiguisé 21 500 nouvelles mèches et j’en ai réaiguisé 12 500 autres. Je me suis fait copier, mais j’ai veillé à perfectionner mes mèches chaque année. Je vais prendre ma retraite le jour où je ne trouverai plus d’améliorations à apporter! »
M. Bolduc indique qu’il a pour objectif d’améliorer le rendement des acériculteurs. Il reconnaît que l’entaillage constitue une opération très difficile, d’où l’importance de travailler avec des mèches bien coupantes. Dans le froid, explique-t-il, il est ardu de tenir une perceuse à bout de bras et de forcer pour faire entrer la mèche dans l’arbre. Quand celle-ci s’engage dans le bois sans effort, le travail de l’acériculteur s’en trouve d’autant facilité.
« Notre spécialité, explique-t-il, c’est qu’on a trouvé la façon pour que la ripe sorte rapidement de l’hélice. Nos pales sont plus minces et la ripe sort rapidement sans friction dans la spirale. Comme les entailleurs ne forcent plus, ils ont moins mal dans les épaules. Ils nous disent aussi que leurs batteries durent plus longtemps sans nécessiter une recharge. »
L’aiguiseur propose toute une sélection de mèches de différentes dimensions : 1/4, 17/64, 9/32, 19/64, 5/16 et 7/16. Il constate malheureusement que bon nombre de producteurs acéricoles ne connaissent pas la bonne grosseur de mèche à employer en fonction de celle de leurs chalumeaux.
« La troisième saison, conseille-t-il ainsi, si le chalumeau est déformé, on doit augmenter la grosseur des mèches. Le chalumeau ne doit pas entrer plus que 1/4 de pouce dans le bois blanc, parce que c’est là que se trouve l’eau la plus sucrée. Aussitôt que le tranchant de l’hélice est parti, une mèche est finie, généralement après deux ans. Notre split point permet d’éviter que la mèche ne swingne. »
Les mèches sont commandées au fabricant en mars pour être livrées trois mois plus tard. Dès lors, M. Bolduc s’attaque à leur aiguisage, opération qu’il ne terminera qu’en décembre. Il réaiguisera également les mèches reçues par messagerie, veillant à les retourner bien affûtées dès le lendemain de leur réception. Ces dernières années, il s’est aussi amusé à mettre au point des pinces pour manipuler aisément les barils de sirop d’érable. Celles-ci s’adaptent facilement à un tracteur ou à toute autre machinerie.