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Ce sont de petits vignobles en plein cœur d’une région connue dans le monde entier pour ses grands vins. Dans l’ombre des géants, ce sont eux, les principaux bénéficiaires du flot continu de tourisme dans la vallée de Napa.
NAPA (Californie) — Le soleil pèse sur toute la vallée de Napa, une température idéale pour les raisins qui produiront bientôt les Cabernet et les Pinot Noir reconnus mondialement. Ce n’est pas encore la haute saison, mais l’on peut quand même apercevoir des touristes en pleine dégustation au comptoir de plusieurs vignobles bordant Yountville, une municipalité centrale du comté de Napa.
Chaque année, des millions de visiteurs affluent sur les deux petites routes qui longent la vallée pour venir goûter différents millésimes. Au printemps, durant la saison basse, ce sont les Californiens qui visitent la région, pour éviter la ruée des vendanges. Entre la fin juillet et le début octobre, Napa est envahie par les touristes du monde entier, au moment où les vignes ploient sous le poids des raisins mûrs.
Paradoxalement, chez les producteurs, les grands gagnants de cette manne, ce sont les plus petits vignobles. « Je ne crois pas que les gros noms bénéficient beaucoup du tourisme. Mais un petit vignoble, comme ceux que nous possédons ici, peut connaître un bon succès grâce aux gens qui passent », avance Scott Turnidge, sommelier chez Silenus. Il y a le facteur de la découverte : les vins bien connus peuvent être achetés n’importe où, alors qu’un vin goûté chez Silenus crée un lien intime avec un producteur.
L’entreprise représente un modèle rare, dans la vallée de Napa : huit vignobles sont regroupés sous la même enseigne. « Seuls, ces petits producteurs ne pourraient pas se payer un local comme celui-ci, explique le grand gaillard derrière le comptoir, en versant un peu de Pinot Noir. « Mais ensemble, ils peuvent bénéficier d’un endroit pour faire goûter leur produit. »
Selon Scott Turnidge, ce modèle permet aux petits producteurs de développer un lien unique avec les consommateurs. « Avec une production de 400 caisses et aucun réseau de distribution, ces gens-là ne peuvent pas rivaliser avec des grands crus de Napa », fait-il valoir. Difficile d’entrer dans les grands restaurants ou d’exporter dans les autres États américains. Ils misent plutôt sur une clientèle locale, ce qui leur permet de réduire leurs coûts.
Mario Bazan est l’un de ces producteurs. Avec sa femme, il s’est lancé dans l’entreprise du vin il y a quelques années. L’aventure n’a pas été de tout repos : depuis 2005, des bouteilles portent son nom, et parmi toute la masse des viticulteurs de Napa, il commence à peine à se faire remarquer. « Au début, personne ne nous connaissait. Le fait d’avoir disposé d’une vitrine à Silenus a beaucoup aidé à nous faire connaître. Désormais, nous recevons de bonnes critiques pour nos vins, ce qui aide encore plus », dit Mario Bazan. Exemple du succès du modèle Silenus : le gros de sa clientèle se trouve en Californie du Sud, à des centaines de kilomètres de là.
La famille Bazan veut maintenant lancer sa propre salle de dégustation… près de San Francisco. À Napa, la concurrence est trop vive, il y a tellement de vignobles qu’il devient difficile de se faire remarquer, note le cultivateur. « Nous voulons essayer de rejoindre plus directement le consommateur, explique-t-il, cela aidera davantage à nous faire connaître. Il faut être plus créatif pour rejoindre davantage de gens. »
Des règles pour limiter le flot de touristes
NAPA (Californie) – Vignobles et habitants de Napa ont eu tôt fait de remarquer le potentiel de leur coin de pays – et de vouloir le protéger férocement.
Son immense popularité dans le monde entier est en fait trompeuse sur sa taille : la vallée de Napa est en fait assez petite. Avec une superficie de moins de 175 kilomètres carrés, pour 300 cultures viticoles et surtout, deux routes principales, la vallée se remplit à craquer durant la haute période touristique, de juillet à la fin octobre. Si bien qu’il faut parfois une heure pour parcourir 15 kilomètres en voiture. « La vallée n’est pas faite pour accueillir autant de monde », explique Scott Turnidge, chez Silenus.
Aussi, cette masse de visiteurs a induit une autre difficulté : les cas d’alcoolémie au volant, parfois même aussi tôt qu’à 11 heures du matin.
Pour éviter que la région ne soit victime de son succès, des règlements ont été instaurés dès 1968 pour limiter l’achat de terres cultivables.
Depuis la fin des années 90, une série de mesures ont été mises en place pour pour pallier certains de ces problèmes. Révisée en 2010, la Napa Valley Winery Definition Ordinance réglemente notamment la dégustation de nourriture et de vin et interdit la tenue de mariages dans les vignobles.
Autre règlement contraignant : pour les entreprises fondées avant 1990, tous les visiteurs doivent prendre rendez-vous pour participer à une dégustation.
Par exemple, lorsqu’un visiteur passe devant les locaux de Silenus, une pancarte l’informe qu’un rendez-vous est nécessaire pour une dégustation. Mais c’est un règlement de façade seulement, puisque tous les vignobles contournent habilement ces règles. « Quand un visiteur arrive, j’entre immédiatement son nom dans l’ordinateur. Si quelqu’un passait pour vérifier, je pourrais attester que cette personne a pris rendez-vous pour une dégustation », mentionne Scott Turnidge en souriant crânement.
« De toute façon, il n’y a personne qui puisse organiser dix dégustations de vin en une seule journée », conclut-il.