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Tricher avec la météo, manigancer des cultures résilientes, maîtriser le timing et les outils performants… Quatre spécialistes terrain dévoilent leurs stratégies pour optimiser leurs récoltes.
Choisir ses cultivars et saisir toutes les occasions
À la Ferme D’Améric, en Estrie, Éric Leclerc cultive du foin de légumineuses pour ensilage sur 150 acres. Ce producteur laitier choisit ses cultivars en fonction des changements climatiques, en priorisant des espèces plus résilientes à l’humidité et à la sécheresse. « On n’a pas beaucoup de contrôle, sauf d’agir au bon moment », raisonne-t-il. « Quand il y a une fenêtre, il faut en profiter sans attendre, et ça s’applique autant pour semer que pour récolter », soutient le producteur, qui voit la météo changeante comme un outil dont il faut apprendre à tirer profit. « L’an dernier, j’ai fait une fauche hâtive autour du 20-23 mai. Je prévoyais arroser ces champs pour renouveler ma prairie, et finalement, avec le temps sec qui s’annonçait, j’ai changé mes plans », raconte l’agriculteur. « Puis il s’est mis à pleuvoir, et quand il y a finalement eu une fenêtre de beau temps en juillet, mon foin était prêt et j’ai obtenu une super deuxième coupe. Quand une fenêtre se présente, il faut foncer », affirme le producteur, reconnaissant que la culture du foin pour ensilage élimine plusieurs problèmes liés à la récolte du foin sec. « Grâce au travail d’amendement et de population qu’on a fait au fil du temps, nos rendements augmentent chaque année », ajoute-t-il.
Des stratégies de culture et d’infrastructures
En Montérégie, Germain Lefebvre produit environ 500 tonnes de foin de luzerne et graminées, et il est confiant pour cette année. « J’ai une prairie un peu plus vieille où la luzerne commence à diminuer, avec quand même une bonne proportion de graminées. La luzerne n’a pas connu de conditions de gel cet hiver, et je m’attends à une contribution au rendement d’environ 20 % », estime le producteur, qui prévoit quand même faire un sursemis de graminées à la fin d’avril. Pour lui, ces pratiques culturales qui veillent au grain font partie d’un arsenal éprouvé. « À l’établissement, je m’assure de faire un très bon contrôle des mauvaises herbes. Il faut aussi que le champ soit bien drainé, bien nivelé et pas compacté », insiste l’agriculteur, qui préconise également un chaulage aux trois ans pour maintenir un pH à 6,3-6,4, voire 6,5. « L’autre élément important, c’est de maintenir une bonne population », ajoute M. Lefebvre. « Dès qu’on constate une baisse, un sursemis appliqué au bon moment, avec un bon semoir, va conserver la prairie plus longtemps », assure-t-il, citant ici une bonne fertilisation azotée comme la clé du processus.
Être patient… et bien équipé
En Chaudière-Appalaches, Alain Beaulieu produit annuellement entre 500 et 2 000 tonnes de foin de graminées. Sa première consigne : être patient! « Avant de faucher, il faut s’assurer que le fond de terrain est bon », soutient l’agriculteur, qui souligne l’importance d’être prêt quand le bon moment se présente. « Être prêt, ça signifie avoir du monde et des équipements en ordre », précise l’entrepreneur, qui a profité d’une subvention de l’Initiative ministérielle en productivité végétale du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec pour optimiser ses machines. L’entreprise a ainsi doublé la capacité de son séchoir à air chaud, amélioré ses faneurs et changé sa presse à foin. « Les équipements vont nous permettre d’être plus patients, sachant qu’ils seront plus performants le moment venu. On va arrêter de respirer pendant quelques jours, mais ça va aller vite », ajoute le producteur, qui insiste également sur l’importance d’avoir des plans de contingence. « Le plan A, c’est qu’on puisse sécher le foin au champ et qu’il soit juste nécessaire de le ventiler. Le plan B, ce sont les séchoirs artificiels », illustre-t-il. « Pour les équipements, il faut aussi avoir des doublons en cas de bris. Comme pour une formule un, il faut prévoir des pneus de rechange et une réserve des pièces les plus courantes sur place. Il peut aussi s’agir d’une vieille machine encore fonctionnelle, ou d’un équipement qu’on garde pour les pièces, parce que les concessionnaires ne les ont pas toujours en stock », fait-il valoir.
Sachez faner!
Vincent Audet est vice-président du Conseil québécois des plantes fourragères (CQPF). Selon lui, l’une des meilleures méthodes pour optimiser une récolte reste le fanage. « Quand on fauche, l’objectif est d’exposer le maximum de foin le plus vite possible au soleil et à l’air », explique M. Audet. Ici, une faucheuse-conditionneuse équipée d’un éparpilleur donne une longueur (et une largeur) d’avance. « Les faucheuses conditionnent 4 m de foin pour un andain d’environ 1,50 m à 2 m de large. Un éparpilleur installé sur cette faucheuse va éparpiller près de 4 m de plus », illustre-t-il, notant que l’approche comporte l’inconvénient d’écraser du foin. « Lorsqu’on est limité dans la fenêtre d’opportunité, est-ce mieux de perdre une petite quantité de foin, ou quelques heures de bon séchage? C’est au producteur d’analyser son risque. » À défaut d’éparpilleur, M. Audet suggère de suivre immédiatement avec la faneuse. « Aussitôt qu’on fauche, on fane, pour maximiser le potentiel de séchage d’une journée. » D’autres stratégies misent sur un départ hâtif. « On peut étendre pleine largeur le premier foin coupé de la journée pour commencer le séchage plus tôt, et ensuite le mettre en andain pour presser le lendemain. D’autres vont allouer une heure entre la fauche et le fanage, pour laisser le temps au sol de sécher avant d’étendre le foin. On peut aussi faucher et faner le matin, puis commencer à récolter en ensilage dans l’après-midi », conclut M. Audet.