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Météo hivernale peu généreuse pour l’acériculture, gels printaniers meurtriers, canicule à la fin mai, mois de juillet et d’août anémiques en journées ensoleillées et trop arrosées par endroits, avec, comme revirement de situation, un mois de septembre et un début d’octobre affichant une chaleur rarement vue.
« On aurait voulu écrire un livre d’horreur pour faire du foin et on n’aurait pas pu inventer de quoi d’aussi catastrophique. On va finir notre première coupe un… 5 octobre! » se désole l’agriculteur Dany Therrien, en Estrie, à qui La Terre a parlé alors qu’il était dans son tracteur, à l’étape du fanage. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, il a commencé sa première coupe en juin sur une portion de ses 320 hectares de foin, sans pouvoir retourner au champ de tout le reste de l’été en raison de la pluie.
Que s’est-il donc passé, en 2023, pour connaître un méli-mélo météo si exceptionnel et parsemé d’incohérences, comme une sécheresse en Abitibi et un record de pluie en Gaspésie? « On a pigé le mauvais numéro! » résume tout simplement le météorologue Réjean Ouimet, de MétéoMédia.
Le météorologue précise qu’il y a eu un déficit de 110 heures de soleil entre le 1er juin et le 31 août comparativement à la moyenne des dernières années enregistrée à l’aéroport de Montréal. Le mois de septembre 2023 a par contre apporté 60 heures de soleil de plus que la moyenne, pour un total de 244 h, soit plus qu’un mois de juin normal, compare-t-il. Toutes les régions recensées par La Terre affichent moins de rayons solaires pour l’été. Par exemple, sur le site d’Agrométéo le rayonnement solaire, mesuré en joules par centimètre carré, a été de 160 556 J/cm2 en 2023 contre 177 642 J/cm2 en 2022 à la station de Saint-Liboire, en Montérégie.
El Niño en cause
Au-delà du blocage météo expliqué par Réjean Ouimet, plusieurs météorologues s’entendent pour dire que l’avènement du phénomène El Niño dans l’océan Pacifique équatorial a également contribué aux températures plus fraîches et aux journées pluvieuses que la majorité des régions ont connues cet été. Ce phénomène météo est aussi associé à l’automne exceptionnellement doux que nous connaissons.
En matière de précipitations, pratiquement toutes les régions ont été au-dessus de leurs normales cet été. Percé, en Gaspésie, et Sherbrooke, en Estrie, affichent près de 600 mm de pluie pour le total des mois de juin, de juillet et d’août comparativement à une moyenne dans les 300 mm.
Dans Chaudière-Appalaches, Jean-Philippe Doyon, relève de la ferme laitière E. P. Doyon, n’a pas besoin des statistiques pour décrire la météo. Deux coupes de foin sur trois n’ont pas pu être réalisées sur les terres situées en bordure de la rivière. « On est habitués que la rivière monte au printemps, mais pas en juillet et en septembre! On a fait 10 balles lors de la deuxième coupe, alors qu’on en fait habituellement 130 à cet endroit. La troisième coupe, on n’a rien ramassé à cause de l’eau », témoigne-t-il.
Les surplus d’eau du sud du Québec auraient fait le bonheur des producteurs du nord de l’Abitibi, comme Éric Lafontaine, qui ont vécu une dure sécheresse. « On a eu entre 60 et 70 % moins de rendement dans les prairies et dans nos champs de foin. C’est qu’en mai et en juin, on n’a presque pas eu de pluie. En juillet et en août, on a reçu de petites quantités d’eau, qui ont permis aux plantes de survivre, mais pas de produire. La saison est maintenant terminée et nos réserves de foin sont au minimum. Il faut en acheter », décrit le copropriétaire de la Ferme Lafontaine-Noël. « En 38 ans de carrière, je n’avais jamais dû nourrir les animaux l’été au pâturage. On a des vieux producteurs de 90 ans et ils n’ont jamais vu ça non plus, si peu de foin! »
Les UTM explosent à l’automne
Le début d’automne exceptionnel dans plusieurs régions a fait grimper la statistique des unités thermiques maïs (UTM), pour qu’en fin de compte, presque toutes les régions finissent avec un bilan positif d’UTM en date du 1er octobre. Il est trop tard pour que certaines cultures maraîchères en retirent des bienfaits, mais cela permet aux producteurs de soya et de maïs, notamment, d’obtenir quasi miraculeusement des cultures intéressantes. Par exemple, à Saint-Liboire, en Montérégie, 2 515 UTM avaient été accumulées le 31 août pour finalement atteindre 3 149 UTM le 1er octobre, positionnant cette région à +166 UTM comparativement à sa moyenne des dernières années.
Une météo anormale, mais déjà vue
Plusieurs agriculteurs ont l’impression d’avoir connu les mois de juin, de juillet et d’août les plus arrosés de leur vie, une situation que relativise le météorologue André Monette. Il précise que la station météo de l’aéroport de Montréal a enregistré 401 mm de juin à août 2023, contre 394 mm en 2010 et 389 en 2005. « C’est quand même un été anormal cette année. Plusieurs municipalités sont dans leur top trois du plus grand nombre de journées avec précipitations. Avec le réchauffement climatique, on risque d’en connaître plus, des étés anormaux comme ça, mais il y a déjà eu des étés similaires », analyse le météorologue de MétéoMédia. Il reprend l’exemple de la station de l’aéroport de Montréal, qui a enregistré 43 jours de pluie de juin à août 2023, tandis que le record pour cette station date de 1954, avec 47 jours de pluie. Ces 47 jours de pluie avaient cependant laissé seulement 251 mm d’eau, souligne-t-il.