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La corvée de dérochage prend une autre tournure avec l’inflation des salaires, la pénurie de main-d’œuvre et le désintérêt de la population pour les tâches physiques.
Plusieurs producteurs ont augmenté le taux horaire donné aux « érocheux ». Un sondage informel sur la page Facebook de La Terre fait état de 15 $ à 22 $ de l’heure, le salaire le plus cité étant 18 $/h.
« Je ramasse les roches tout seul »
D’autres le font eux-mêmes. C’est le cas de Daniel Vigeant, de la Ferme Vernal, à Farnham, en Montérégie. « Au salaire minimum, les jeunes préfèrent travailler ailleurs. Je ne suis pas capable d’en trouver. Parfois, c’est ma sœur qui vient m’aider, mais souvent, je ramasse les roches tout seul. Je commence vers 10 h, après la traite des vaches, et ça dure quelques jours. Je le fais pour essayer de baisser les coûts, mais je pense que je vais appeler un forfaitaire l’an prochain, car j’ai des maux de dos et ce n’est pas l’idéal de ramasser des roches avec une ceinture », exprime-t-il.
À Saint-Jean-Port-Joli, dans Chaudière-Appalaches, France Bélanger et son conjoint ramassent les roches pendant que les employés conduisent les tracteurs. « Quand on laisse ça aux travailleurs étrangers ou aux employés, il en reste toujours et on est foutus, car ça brise la machinerie après. Alors, c’est moi qui le fais! » indique l’agricultrice, qui exploite près de 200 hectares. Elle assure que, contrairement à ce que certains producteurs croient, la « job la plus payante dans une ferme, c’est de ramasser de la roche ». Car les cailloux laissés au champ brisent les pointes de la herse et usent prématurément les disques du semoir, ce qui diminue l’uniformité des semis. Et ensuite, dans les champs de plantes fourragères, la présence de roches brise les couteaux de la faucheuse et endommage la fourragère, alors qu’un bris peut même mettre tout le chantier de récolte en pause. Ce sont là autant de coûts qui s’additionnent et doivent être calculés, fait-elle valoir, en ajoutant qu’avec la hausse du prix de l’équipement, les roches coûtent encore plus cher qu’avant.
Après 50 ans à dérocher les champs, France Bélanger soutient qu’enlever les roches n’est pas un travail que l’on fait au hasard. Pour être efficace, les champs avec moins de roches se font à une personne avec un VTT muni d’une petite remorque, ce qui permet de monter et descendre plus rapidement du véhicule tout en minimisant la compaction. D’autres champs nécessitent plus d’un « érocheux », et donc, d’un tracteur avec remorque.
Finalement, dans les champs bien garnis de cailloux, l’humain coûte trop cher par rapport à sa productivité. Il est alors préférable d’employer une dérocheuse mécanisée. « Encore là, il faut être précis dans la profondeur de travail de la machine à roches », recommande-t-elle.
« 50 000 $ et ça ne chiale pas »
Avec ses 1 400 hectares, Dominic Doyon, dans le Centre-du-Québec, a mis fin au dérochage à la main simplement par souci de rentabilité. « Ça commençait à être difficile d’avoir du monde. Si tu en veux des bons, il faut les payer cher, sinon tu as du monde moins bon, sur l’assurance-chômage, qui ne veut pas vraiment travailler. Ça t’en prend quatre ou cinq pour faire la même largeur que la machine. Ça finit par coûter cher, et la machine va bien plus vite que les hommes », compare-t-il.
Le producteur a essayé différentes marques de dérocheuses, et estime que, chez lui, le plus gros modèle de la marque Kongskilde s’avère le plus performant. « On ramasse de la roche de 3 pouces en montant sur 17 pieds de large, 9 heures de temps pendant 2 semaines. La machine nous a coûté 50 000 $ et ça ne chiale pas, et elle est toujours prête. Oui, c’est de l’entretien, mais si tu le calcules sur 10 ans, elle est plus rentable que trouver du monde », résume le producteur de Saint-Guillaume.