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Les travailleurs étrangers temporaires contribuent à la bonne marche des fermes québécoises. Qu’est-ce qui les motive à s’exiler ainsi plusieurs mois par an? La Terre est allée à leur rencontre au Guatemala.
La ruée vers le nord
PATZÚN – Dans la cuisine coquette de sa maison nichée dans une arrière-cour de la petite ville de Patzún, au Guatemala, Josefina Mucia accueille La Terre à bras ouverts. Cette maison, elle l’a bâtie à la sueur de son front. Fraise par fraise. Et elle en est très fière.
Depuis 17 ans, Josefina Mucia s’exile environ six mois par année pour travailler dans les champs du Québec. Elle est l’une des quelque 12 000 Guatémaltèques que l’agence de recrutement ComuGuate soutient dans ses démarches annuelles d’immigration temporaire vers le Canada.
Dans ce pays à l’économie vacillante, ils sont légion à vouloir suivre les traces de Mme Mucia, souligne l’une des fondatrices de l’agence, Estefania Pineda.
Beaucoup d’appelés, peu d’élus
Chaque année, ComuGuate effectue des tournées de recrutement dans des villages souvent reculés du pays. Les assemblées sont fort courues. De toutes les personnes qui se présentent aux assemblées, une toute petite fraction parviendra au bout du processus. « Le plus difficile, mentionne Mme Pineda, c’est qu’il y a peu de nouveaux emplois au Canada, environ 1 000 de plus par an. Et il y a beaucoup, beaucoup de gens intéressés partout au pays. On ne recrute que le nombre de personnes qu’on peut placer. Éthiquement, ce ne serait pas correct de faire miroiter des emplois qui n’existent pas. » De nombreuses agences, plus ou moins probes, offrent des services de recrutement. Mais la vigilance est de mise, insiste-t-elle.
Un coûteux passage vers l’eldorado
SANTA APOLONIA – Originaire de Santa Apolonia, une petite commune agricole du département de Chimaltenango, Luis Ajquiy a déboursé environ 20 000 quetzales (4 000 $ CA) pour son premier séjour au Canada, une petite fortune dans un pays où le salaire annuel moyen est de 5 000 $ CA. Ces « arrangements » sont monnaie courante.
« La première chose qu’on dit dans nos assemblées de recrutement, c’est de ne pas faire confiance aux personnes qui demandent de l’argent. Dans les faits, le travailleur ne devrait avoir qu’à payer son examen médical, son visa et son passeport », indique Estefania Pineda, cofondatrice de ComuGuate. Malgré tout, le jeu en a valu la chandelle, estime M. Ajquiy. « Ici, au Guatemala, je peux au mieux gagner environ 3 000 quetzales (800 $ CA) par mois. Au Québec, je peux économiser 10 000 quetzales (2 000 $ CA) pour la même période. » Une partie de ces revenus lui permet de louer un lopin de terre dans son village. Il y cultive des pommes de terre, du maïs et des fraises.
Le travailleur en est à sa quatrième saison à titre de travailleur agricole aux Jardins du Centre, dans Charlevoix. Il utilise certaines connaissances acquises au Québec pour améliorer les rendements du champ qu’il cultive au Guatemala. Et son travail, rigoureux, est apprécié de ses patrons. « Bien sûr, je préférerais vivre à l’année auprès de ma famille, mais je vais travailler au Québec pour que mes enfants aient un meilleur avenir. »
Cette année, il a obtenu un laissez-passer pour son frère. « On a beaucoup de nouveaux travailleurs qui sont recommandés par un proche, un ami, un membre de la famille », précise Mme Pineda.
Le désir de franchir illégalement la frontière des États-Unis est une tendance lourde chez les jeunes (et moins jeunes) Guatémaltèques des communautés rurales, ce qui inquiète beaucoup le père de famille.
« Si je pouvais leur parler, je leur dirais : “Si vous choisissez de quitter le Guatemala, je vous en prie, allez au Canada légalement plutôt qu’aux États-Unis illégalement! Vous ne savez pas ce qui peut se passer!” On entend beaucoup d’histoires qui se terminent mal. Ça brise des vies, des familles. »
Ce reportage a été réalisé grâce à une bourse du Fonds québécois en journalisme international.