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Depuis deux ans, l’Institut national d’agriculture biologique (INAB) accueille dans ses champs, ses serres et ses étables des travailleurs pas tout à fait comme les autres. François, Simon, Rosalie, Eilahtan et Gabriel sont autistes et font partie du projet de recherche Ausiris.
« Notre objectif est de voir la place qu’ils peuvent occuper dans le monde agroalimentaire et la manière dont on peut adapter ou organiser le travail pour les accueillir », explique Jean-David Martel, directeur général du Centre d’innovation sociale en agriculture (CISA), qui a mené l’étude.
Tout a commencé avec Martin Bernard, enseignant en technique d’éducation spécialisée au cégep de Victoriaville et papa d’une jeune fille de 11 ans atteinte du trouble du spectre de l’autisme. « Les parents d’enfants autistes vivent avec la crainte de voir le cap des 21 ans arriver, raconte-t-il. C’est la fin du parcours scolaire et ils ne savent pas ce qui arrivera de leur enfant. Pour s’en occuper, plusieurs doivent raccourcir leurs heures de travail ou prendre une préretraite, bien qu’ils soient dans la cinquantaine, dans le peak de leurs capacités. Socialement, ce n’est gagnant pour personne. »
C’est ainsi qu’il a eu l’idée d’approcher le CISA, rattaché au cégep de Victoriaville, tout comme l’INAB. « Nous sommes dans une région agricole, explique-t-il. On parle continuellement du manque de main-d’œuvre et, d’un autre côté, il y a ces gens qui lèvent la main et qui ont besoin d’une place… »
Un environnement agréable
Le milieu agricole est un environnement riche pour les personnes autistes. « C’est agréable comme environnement. On est dehors et il y a de la lumière », précise Dany Fortier, coordonnateur des opérations agricoles à l’INAB. Comparativement, par exemple à un emploi en usine, la mission interpelle également ces jeunes, fait valoir Jean-David Martel. « Il y a un sens direct à ce qu’on fait. On nourrit les gens », insiste-t-il.
Sept jeunes ont été recrutés pour participer à la recherche. Cinq ont décidé de travailler à l’INAB, où étudient des jeunes de leur âge, et deux autres ont plutôt opté pour des commerces comme une épicerie IGA et la Coop la Manne, un marché de proximité.
Ils ont appris une panoplie de tâches : désherber, cueillir les aliments en champs et en serre, les classer, les conditionner et les emballer. Rosalie, qui adore les bêtes, a travaillé avec les petits animaux, comme les lapins, les poules et les dindes. Un autre jeune, amateur de machinerie, a jeté son dévolu sur les tondeuses et coupe-bordures.
Dany Fortier est enchanté du travail accompli. « Ils ont été très, très, très utiles », dit-il.
Conditions de réussite
Pour que l’intégration soit une réussite, certaines conditions doivent être réunies. L’arrivée doit se faire très graduellement. « Il faut prendre le temps, avoir quelqu’un qui les accompagne au début, découper les tâches. Mais un coup que c’est fait, ils sont très minutieux, indique M. Fortier. L’autre chose, c’est qu’on ne peut pas changer leur routine sans préavis. Ils sont aussi mieux dans des environnements calmes. »
Bien entendu, ils ne présentent pas toujours le niveau de productivité d’un employé régulier, et certaines tâches ne peuvent être accomplies. Tout dépend de la personne, d’où le besoin d’un diagnostic au départ.
Martin Bernard précise qu’il faut relativiser. « Si c’est 60 % de travail qui est fait, il reste qu’il est fait, ce travail! » dit-il, ajoutant que de nombreux programmes d’aide gouvernementale aux employeurs soutiennent la rémunération.
Il souligne également que la réticence au changement des personnes autistes peut aussi représenter un avantage.
« Ce sont des employés très fidèles, une fois intégrés. Ils ne veulent pas changer de job à tout bout de champ! »
La satisfaction a été au rendez-vous pour les participants. « Ils arrivaient toujours 15-20 minutes en avance, dit Dany Fortier, et il fallait presque les mettre dehors en fin de journée tellement ils aimaient ça! »
Le CISA poursuivra le programme pour les trois prochaines années, en l’ouvrant à une clientèle plus large et à d’autres entreprises. « On veut aussi leur donner un papier d’employabilité », mentionne M. Fortier.
Et puis il y a la fierté. « Ils ont appris des choses, ont développé leur autonomie, rapporte Martin Bernard. Ils ne pensaient pas qu’ils étaient bons comme ça! » Le coordonnateur des opérations agricoles à l’INAB seconde. « On voit qu’ils sont contents d’occuper un travail. Ils sont conscients qu’ils ne sont pas comme tout le monde. »