Actualités 24 septembre 2014

Les Québécois boudent les légumes moches

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Les légumes moches tentent depuis quelques semaines de séduire les consommateurs dans les supermarchés en France. Au Québec, aucun rendez-vous galant n’est prévu pour l’instant.

Chaque année, 25 % des légumes produits au Québec poirotent dans les champs ou dans les entrepôts sans jamais trouver preneur. Ces végétaux indésirables ne répondent pas aux critères des chaînes d’alimentation. « Il n’existe aucune initiative pour récupérer ces 400 000 livres de production, lance le directeur général de l’Association des producteurs maraîchers du Québec », André Plante, en précisant qu’une infime partie des légumes de classe 2 sont vendus pour être transformés en jus.

En France, grâce à une campagne marketing habile, la chaîne d’alimentation Intermarché a réussi à commercialiser des légumes difformes avec succès. Dans un marché au sud de Paris, l’entreprise a fait goûter des carottes, des pommes et des oranges bossées qui ont plu aux consommateurs. Ces fruits et légumes « laids » étaient placés dans un étal différent clairement identifié.

André Plante doute qu’une telle initiative se développe prochainement au Québec. « Les chaînes y pensent, selon moi. Mais ils ne considèrent peut-être pas les consommateurs prêts. » Le directeur général de l’Association des producteurs maraîchers du Québec croit que la vente de légumes de catégorie 2 renferme un potentiel. « Il faudrait que ce soit bien encadré, précise-t-il cependant. Ça prend une bonne campagne publicitaire avec un support de sensibilisation de l’État. » Pour lui, il ne faut pas donner la perception que ces légumes sont pourris ou moins nutritifs.

Les producteurs craintifs De leur côté, les agriculteurs québécois sont préoccupés par la possibilité de voir leurs légumes laids vendus dans les supermarchés. « Nos producteurs n’ont pas de rapport de force face aux chaînes d’alimentation, affirme André Plante. Qu’arrivera-t-il s’ils n’ont plus assez de légumes de classe 2? Les chaînes demanderont-elles d’avoir des produits de catégorie 1 au même prix? »

Les producteurs ont peur également que les critères d’évaluation des catégories de légumes diffèrent d’une chaîne à l’autre, advenant une commercialisation des légumes moches. « S’il n’y a pas de critères clairs pour identifier un légume de classe 2 ou 3, chaque chaîne pourra avoir sa propre interprétation, fait valoir le directeur général. » Dans ce contexte, la commercialisation des légumes moches constituerait un casse-tête pour les agriculteurs. Ils devraient constamment réévaluer la catégorie de leur production. « Pour que ce soit intéressant pour nous, il faudrait qu’il n’y ait que deux classes, la 1 et la 2 et qu’elles soient uniformes pour tout le monde », conclut André Plante.

La réalité du marché Au marché Atwater, on retrouve des fruits et légumes de classe 2 dans la plupart des kiosques. Certains marchands les exposent, dans une section à part, clairement identifiée. D’autres les placent sous le comptoir et ne les sortent qu’à la demande du client. Pas question toutefois de mettre en vedette ces légumes moches aux côtés des produits de classe 1. « Me vois-tu mettre des fruits de classe 2 sur la table? » demande, indignée, Micheline Dauphinais, de la Ferme Alain Dauphinais. « Franchement, ça ne se fait pas. »

Aux dires des commerçants présents, la plupart des gens achètent des fruits et légumes moches pour cuisiner. « Dans le temps des tomates, il y a beaucoup de gens qui achètent nos paniers de tomates à rabais », explique la commis du kiosque des Vergers Alain Dauphinais, Johanne Dumas. Selon les informations recueillies par la Terre, les consommateurs peuvent économiser entre 30 et 40 % en achetant des fruits et légumes « moches ».