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QUÉBEC – Les contrecoups de la pandémie de COVID-19 s’amoindrissent dans le secteur de l’abattage et de la transformation de viande de porc, estiment trois représentants d’entreprises spécialisées dans ce domaine. Stéphanie Poitras, directrice générale de l’entreprise familiale Aliments Asta, de Saint-Alexandre-de-Kamouraska, Paul Beauchamp, premier vice-président d’Olymel, et Arnold Drung, président de l’entreprise de transformation ontarienne Conestoga Meats, entrevoient néanmoins une année 2023 encore difficile, mais de meilleurs jours sont envisagés en 2024.
Une réouverture progressive du marché de la Chine, de nouvelles voies d’exportation possibles et l’arrivée de travailleurs étrangers temporaires en renfort devraient aider les transformateurs à retrouver progressivement le chemin de la rentabilité. Les trois représentants ont tracé ce portrait lors d’un panel de discussions présenté le 6 décembre, dans le cadre du Porc Show. Chaque année, l’événement réunit à Québec, pendant deux jours, des centaines d’acteurs de la filière porcine d’ici comme d’ailleurs.
Les défis restent toutefois nombreux avant d’atteindre cet objectif, ont nuancé les transformateurs, qui disent poursuivre leur repositionnement après les perturbations des deux dernières années. « La pandémie et la fermeture des restaurants, le manque de main-d’œuvre, la guerre en Ukraine, je pense qu’il y a eu plusieurs événements en même temps qui ont provoqué un décrochage historique [des prix] qu’on espère ne plus jamais revivre », mentionne Stéphanie Poitras.
Pour le moment, elle spécifie qu’en raison du manque de main-d’œuvre, son usine n’a pas encore pu recommencer à faire des produits à valeur ajoutée, lesquels permettraient de tirer de meilleurs profits de la transformation de viande. Comme son homologue de l’entreprise Olymel, confronté à la même situation, elle compte sur l’arrivée de centaines de nouveaux travailleurs étrangers temporaires (TET) d’ici l’été pour redémarrer cette catégorie d’activités. Ces travailleurs ont pu être recrutés grâce au rehaussement du seuil d’embauche des TET de 20 à 30 % dans les usines de transformation. « Mais cette mesure n’est que temporaire et ça nous préoccupe », affirme Paul Beauchamp, qui argue que la pénurie de travailleurs n’est pas un problème qui disparaîtra à court terme. L’automatisation des activités, qui pourrait aider les entreprises à résoudre une partie de ce problème, n’est pas non plus une solution miracle, a ajouté le premier vice-président d’Olymel. « Ça va avec des investissements et dans le contexte actuel, ce n’est pas le moment. »
Le spectre de la peste porcine africaine
Le retour au calme prévu vers 2024 pourrait toutefois être déjoué par la peste porcine africaine. « On sait que ça va arriver. Ça se rapproche. On a toutefois l’avantage de pouvoir s’y préparer, car c’est possible de minimiser l’impact sur notre industrie », estime Paul Beauchamp.
À cela s’ajoutent divers conflits qui risquent de perturber les marchés mondiaux, « comme une invasion possible de la Chine à Taïwan ou l’instabilité politique au Brésil », a énuméré Arnold Drung, de Conestoga Meats. « Nous travaillons avec ces marchés. Nous devons donc être capables de nous repositionner rapidement quand ça change », a-t-il indiqué en spécifiant que, selon lui, l’industrie canadienne du porc avait l’agilité nécessaire pour y arriver.
Le marché du porc « immunisé » contre les récessions
L’analyste économique Brett Stuart, président de la firme américaine Global AgriTrends, qui a prononcé une conférence au Porc Show,
le 7 décembre, estime que la production porcine est relativement bien protégée contre une possible récession. Ce contexte pourrait même jouer en faveur de la demande pour ce type de viande, a-t-il suggéré. Il prévoit d’ailleurs une augmentation de près de 22 % de la demande mondiale pour la viande d’ici 2031, en raison de facteurs comme l’accroissement de la population, de la richesse et des classes moyennes dans certains pays. Selon lui, les producteurs de porc canadiens sont en excellente position pour saisir les nouvelles occasions d’affaires qui se présenteront, alors que les projections prévoient un manque à gagner de 10 millions de tonnes métriques de viande de porc par rapport à la demande mondiale dans un horizon de dix ans.
Trois questions aux transformateurs 1. Le producteur porcin Dan Bussières a demandé si une formule de prix basée sur des références canadiennes plutôt qu’américaines pourrait régler les problèmes rencontrés aujourd’hui entre les acheteurs et les éleveurs. « L’avantage des États-Unis, c’est l’accessibilité des informations au jour le jour, ce qu’on n’a pas présentement au Canada. Ça ne paraît pas, mais c’est un système assez complexe », a fait valoir Stéphanie Poitras, d’Aliments Asta. « Il y a en effet une certaine complexité derrière un tel système, a ajouté Paul Beauchamp, premier vice-président d’Olymel. On a peut-être plus d’intérêts à regarder si on peut s’allier avec le modèle américain, qui est plus neutre, et voir s’il y a des ajustements qu’on peut être capables de faire pour la réalité québécoise et canadienne. » 2. Cécilien Berthiaume, lui, a demandé si les transformateurs québécois pouvaient vivre sans l’assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA). « Dans la tempête parfaite de la dernière année, ç’a été la façon la plus efficace et rapide d’intervenir en évitant une grande déstabilisation du secteur par des mesures plus drastiques, a répondu Paul Beauchamp, d’Olymel. Mais la réponse est oui; on pourrait vivre sans ASRA, mais il y aurait peut-être moins de volume produit. » Il a ajouté qu’à chaque occasion, il remercie les producteurs pour le soutien accordé aux abattoirs et a précisé que cette stratégie n’avait pas pour but de dénaturer ce programme. 3. Le producteur Martin Boutin a demandé si la grande variation du poids des porcs pendant la pandémie nuisait à l’uniformité des coupes en abattoir. « Pour une entreprise de transformation, si vous êtes capables d’alourdir le poids des porcs, on est gagnants, car pour nous, il n’y a pas plus de coûts à travailler un porc plus lourd. Donc, il y a une économie de performance, a expliqué Paul Beauchamp, d’Olymel. L’inconvénient, c’est que nos usines n’ont pas été bâties pour faire de la classification de grosseurs de pièces de viande dans les frigidaires. Il y a aussi des enjeux du côté de la manipulation des porcs. Il faudrait donc trouver le meilleur équilibre entre le poids standard d’avant la pandémie et un poids un peu plus lourd. » |