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Imaginez un instant que vous êtes chez le médecin parce que vous êtes souffrant. Il vous annonce qu’il va vous opérer sans même avoir pris la peine de vous examiner. Plutôt étrange, n’est-ce pas? Il en va de même avec votre sol. Avant d’entamer de nouveaux travaux ou de changer votre régie pour régler un problème, il convient d’avoir une bonne compréhension de ce qui se passe sous vos pieds. C’est ici qu’entre en jeu le profil de sol, un outil de diagnostic rapide et abordable. Mode d’emploi.
« Le profil de sol est un outil qui nous permet de comprendre l’état de santé de nos sols en tenant compte de leur nature et de leurs dynamiques. Il nous aide à faire un bon pronostic et à nous assurer que nos interventions auront l’effet escompté », résume Catherine Bossé, chargée de projets en pédologie à l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA).
À noter que les renseignements obtenus par un profil de sol diffèrent de l’analyse de sol, qui s’intéresse principalement aux composants chimiques. « Tu peux avoir un sol très riche, mais improductif. En regardant des aspects comme son architecture, sa texture, la qualité des agrégats, le comportement des racines et l’état du drainage, tu obtiens plusieurs indices qui t’aident à comprendre pourquoi il peut y avoir des écarts d’un champ à un autre », explique l’agronome Louis Pérusse, président de SCV Agrologie, une firme-conseil spécialisée dans l’approche agroécologique.
L’agronome et chercheuse au Centre d’expertise et de transfert en agriculture biologique et de proximité (CETAB+), Anne Weill ajoute que le profil de sol témoigne de la gestion du sol faite par le producteur. « Sous la zone travaillée, on pourra observer une couche de compaction si par exemple le producteur a tendance à passer au champ lorsqu’il est mouillé ou s’il laboure toujours à la même profondeur. Le profil du sol nous indique les correctifs à apporter pour éviter que certains problèmes ne se reproduisent avant de passer au travail réduit ou au semis direct, par exemple. »
Quand le faire?
Réaliser un profil de sol s’avère pertinent dans plusieurs cas : problème de gestion de l’eau, écart de rendement, opération de nivelage, changement de travail de sol ou de rotations, etc. « De plus en plus de producteurs le demandent tout simplement pour vérifier si leur sol est en santé. Plus un système est efficace, meilleure est l’utilisation des ressources », signale Catherine Bossé.
Il est possible de faire un profil de sol à tout moment de la saison, en prenant soin d’éviter les conditions extrêmes, ce qui fausserait la lecture. « Pour évaluer un problème de drainage ou de nappe phréatique, il est préférable de procéder au printemps avant les semis ou en fin de saison pour un diagnostic plus fiable », mentionne Louis Pérusse.
Dans les sols sableux, Anne Weill suggère de réaliser l’exercice lorsque les plantes ont fait leurs racines. « Les racines parlent. Si elles sont toutes coincées dans les 15 premiers centimètres, on peut détecter un signal de compaction. »
Où creuser?
Pour examiner un enjeu en particulier, il est recommandé de réaliser un profil du secteur dégradé et un autre plus représentatif du champ — et du même type de sol — qui servira de témoin. Dans une démarche plus large de diagnostic de l’état des sols, on creusera plusieurs profils dans chaque secteur ayant une pédologie similaire, explique l’agronome Louis Pérusse. « Approximativement à chaque tiers de champ », dit-il.
À l’aide d’une pelle ronde ou d’une excavatrice, on creusera un trou d’au moins 30 cm (1 pied) de diamètre et d’une profondeur de 60 à 75 cm (24 à 30 pouces), là où se trouve le matériel originel. « La profondeur du profil dépend de ce que l’on recherche, nuance Anne Weill. Si on veut avoir une bonne idée de ce qui se passe, il faut descendre à 3 pieds, mais si on doit vérifier plusieurs endroits pour possiblement diagnostiquer un problème de compaction, je creuse jusqu’à 2 pieds. On parvient à y localiser des couches compactes. »
Quels signes regarder?
Le profil de sol est très qualificatif, c’est-à-dire qu’il est basé sur les observations du producteur ou du conseiller en fonction de certains paramètres. « Idéalement, on recherche des agrégats assez ronds, de 0,5 mm à 2 cm. On regarde aussi la porosité du sol, qui est un bon indicateur de la présence ou de l’absence d’oxygène favorable aux microorganismes », décrit la spécialiste Catherine Bossé.
Sur le terrain, Louis Pérusse se sert d’un couteau pour observer comment le sol se défait. « Un sol en santé contient des agrégats structurés et devrait être friable lorsqu’on exerce une pression avec la main. Si la motte est dure, il y a compaction. Si la terre est comme du sable sans cohésion, il y a problème de structure. »
La façon dont l’eau circule dans le sol est un autre élément à observer et permet de déceler une nappe perchée par exemple. « Une eau qui ne descend pas plus qu’à 20 cm de profondeur et qui reste à l’horizontale peut être reliée à des pratiques culturales toujours faites à la même profondeur ou encore à une terre noire sur une argile perméable », ajoute l’agronome. D’autres signes peuvent révéler un problème de nappe perchée, comme une odeur de pourriture et une coloration gris-bleu du sol.
Quels correctifs apporter?
Dans l’éventualité d’un problème de compaction, Anne Weill recommande d’évaluer d’abord le drainage souterrain et de surface et d’apporter les correctifs nécessaires, « car autrement, le problème va toujours revenir ». Si le sol est très compacté, le producteur peut envisager le passage d’une sous-soleuse pour y remettre de l’air et faire redémarrer l’activité biologique. Le profil du sol viendra indiquer à quelle profondeur régler la machinerie.
Par contre, si le sol possède un bon drainage, mais qu’il présente des problèmes de structure, Louis Pérusse suggère de ne jamais le laisser à nu et d’implanter des cultures de couverture afin que leurs racines structurent mieux le sol.
Enfin, Catherine Bossé insiste sur l’importance d’en discuter avec son conseiller et de prendre en considération la nature des sols en vue de faire le bon pronostic. « Chaque sol a ses forces et ses faiblesses. Il faut toujours garder ça en tête, car ses propriétés peuvent avoir un impact agronomique et certains sols sont mieux adaptés à certaines pratiques culturales. »