Actualités 2 juin 2015

Le besoin viscéral de grands espaces de Gaston Lepage

Gaston Lepage est forgé de l’acier des coureurs des bois qui ont exploré le pays. Il lui faut de l’espace, beaucoup d’espace. Parfois, il lui arrive même de se trouver à l’étroit dans l’immensité de la campagne. Comme l’oiseau qui déploie ses ailes, il grimpe alors dans son hélicoptère en quête d’infini.

Originaire de Saint-Félicien au Lac-Saint-Jean, Gaston Lepage avait la forêt comme terrain de jeu durant son enfance. Il se souvient d’avoir hérité de sa première hache à six ans parce que « mon père était tanné que je prenne la sienne ». Il a bâti de nombreuses cabanes dans les arbres; un modèle qu’il a perfectionné au fil des ans pour établir ses miradors de chasse. Pour l’heure, entrons dans l’univers campagnard de Gaston.

« Je pense que les villes ne sont pas faites pour les humains! » affirme Gaston, conscient de l’énormité de ses propos. Loin de vouloir les amoindrir, il en remet une couche en ajoutant, sourire moqueur en coin, que « c’est correct que les villes existent, parce que ça débarrasse la campagne ».

Sorti du Conservatoire d’art dramatique de Montréal en 1974, le comédien se met rapidement à la recherche d’une maison à la campagne. Neuf mois dans la métropole ont suffi pour le convaincre qu’il n’est pas fait pour la vie urbaine. Il dit avoir parcouru des milliers de kilomètres à sillonner les rangs, à la recherche de l’oasis idéale. À une trentaine de minutes de Montréal en voiture, à peine sept en hélicoptère, il parvient à dénicher une première maison. Reste à persuader le propriétaire de la louer à « un artiste aux cheveux longs ». Il signera un premier bail de 3 ans à 50 $ par mois en promettant de rénover. Excellent argument pour renouveler le bail.

gaston_lepage_echec
Le bricoleur a conservé le caractère rustique de la maison en pierres construite en 1853. © Stéphane Lemire

Gaston se met à explorer l’univers de la rénovation et du décapage. Il récupère ainsi le vieux bois et s’amuse à le transformer en meubles, une passion qui l’anime toujours aujourd’hui. Après six ans de travaux, cette première habitation ne présente plus grand défi pour notre as bricoleur. S’offre alors l’occasion d’acheter d’un ami une ancienne maison d’été seigneuriale « où on venait faire des partys ». Ce mois-ci, Gaston et sa fidèle compagne, Louise Laparé, célébreront leur 34e année dans cette demeure.

Construite en 1853, l’habitation en pierres a aujourd’hui fière allure. Longtemps abandonnée aux chauves-souris, elle a subi plusieurs cures de rajeunissement sous les bons soins de Gaston. Celui-ci dit l’avoir rénovée deux fois : une serre chaude a été convertie en salle à manger d’été, tandis que ce qui a peut-être servi d’écurie puis de garage où ranger le tracteur a été transformé en bureau pour Gaston. Celui-ci a veillé à conserver le cachet particulier des lieux, réussissant à mettre en valeur la pierre et le bois d’origine, les poutres et les planchers. Louise s’est chargée de la maçonnerie et de la teinture.  

À l’extérieur, Gaston n’a pas chômé. Afin de ceinturer son nouveau domaine, il a d’abord planté des centaines d’arbres. Quelques années plus tard, il donnera une seconde vie à une haie de peupliers de Lombardie lourdement endommagée par le grand verglas de 1998. Fin bricoleur, Gaston en tirera de nombreux meubles. Tous les ébénistes vous le diront : le peuplier est sûrement l’un des bois les plus difficiles à travailler. Gaston a ainsi récupéré plus de 2 000 pieds de planches, au point où il ne savait plus trop où les entreposer. Doté d’un moulin à scie portatif et considérant tout le bois récolté sur ses quelques lots boisés, il n’a pas le temps de s’ennuyer. En sept semaines, il s’est aussi construit un joli bâtiment de ferme où l’on retrouve… des planches pour occuper notre homme durant bien des années.

« J’étais seul et j’avais le vertige, raconte-t-il au sujet de cette construction. Je me suis donc trouvé toutes sortes de trucs pour ériger la structure. Juste pour monter sur les sablières, c’était quelque chose. J’ai fini par dompter mon vertige. Je l’ai toujours aujourd’hui, mais je n’ai plus peur. »

Cohabitation

La maison des Lepage-Laparé est cernée par des terres agricoles. Les propriétaires s’accommodent bien de ce voisinage. Ils acceptent volontiers le bruit de l’énorme machinerie employée aujourd’hui pour l’épandage des fertilisants et tout le travail entourant la culture de légumes et de céréales. « Ça dure un temps et c’est fini », convient Gaston, disant qu’il faut être capable de vivre avec ça. Cela étant dit, le bruit assourdissant d’un motocross ou d’un VTT au silencieux modifié fait bondir notre hôte. De retour après avoir déplacé son camion pour barrer le chemin des intrus, Gaston souhaite tout haut que ces jeunes « se fassent une blonde et pensent un peu plus au sexe »!

« Je m’entends bien avec mes voisins, réussit-il à dire après un long fou rire. On ne se chicane pas. Ils sont bien de service et très généreux. La campagne! C’est là qu’on retrouve le meilleur monde. La preuve, j’y suis. »

Nous ne pouvons nous empêcher d’éclater de rire

D’espace et de temps

Mais où Gaston prend-il le temps pour réaliser tous ces travaux? La question lui est d’ailleurs fréquemment posée par son entourage. Entre les différents tournages, explique-t-il, il a trouvé une façon de se réserver tout le temps voulu.

gaston_lepage_marches
Gaston Lepage dit avoir commencé à « bizouner le métal » en le chauffant à la torche. Il s’est ensuite procuré une petite forge. © Stéphane Lemire

« Il y a plein de trous », lance-t-il simplement. Reste qu’il dit bricoler pour économiser tout ce qu’il peut, convaincu que les professionnels ne travaillent pas mieux que lui. Déjà fort habile de ses deux mains, il pense que le goût du travail bien fait lui procure un avantage additionnel. Quand il rencontre une difficulté, il prend le temps de s’arrêter, jusqu’à ce que surgisse l’éclair de génie.

Patient, Gaston Lepage confie n’avoir terminé qu’en mai dernier le jeu d’échecs commencé 25 ans plus tôt. Sans le savoir-faire du sculpteur, il a longtemps réfléchi à la manière de faire ses cavaliers. Idem pour l’un de ses escaliers en colimaçon. Il dit avoir mis 9 ans afin d’analyser comment faire entrer cet ouvrage de 60 pouces dans un trou de 54 pouces.

« J’haïs les travaux, admet-il. Je donne de gros coups pour que ça se termine rapidement. La dernière rénovation a duré un an, mais c’est fait pour longtemps. »

« Ici, les pièces sont grandes, ajoute-t-il. On a abattu tous les murs. Louise et moi avons besoin d’espace. C’est aussi simple que ça. Vivre dans un condo, ça me dépasse. Il faut un caractère particulier pour vivre en ville. »

Dans cette campagne, Gaston savoure chacune des saisons, avec une préférence marquée pour l’été. Il dit adorer cette chaleur qui lui permet de sortir à l’extérieur sans avoir à « s’enfermer dans un manteau ». À la campagne, convient-il, le froid caractéristique de la neige blanche d’hiver est tout de même plus agréable que l’humidité glaciale de la ville, même s’il faut « s’habiller comme un oignon ». Équipé d’une souffleuse de 108 pouces de largeur montée sur un tracteur, il constate que ça fait beaucoup de neige à pelleter.

« Je prendrais l’été à l’année », déclare-t-il, disant aimer le printemps et l’automne, mais dans une moindre mesure.

Gaston Lepage ne parvient pas à déterminer un souvenir ou un événement marquant de sa vie à la campagne. S’il en est un, il dit goûter chaque retour à la maison après les plus courts séjours possibles en ville, travail oblige. Il apprécie alors la tranquillité, cette paix propre à la ruralité, une façon de vivre en soi.

Gaston Lepage et Louise Laparé gardent jalousement secrète l’adresse de leur havre de bonheur.      

 

Demain, lisez la suite de l’entrevue avec Gaston Lepage et visionnez une vidéo dans laquelle il explique ce que lui apporte la vie à la campagne.