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Renaud Péloquin voyait une belle couleur verte venir égayer son champ le 11 avril, signe que le blé semé à l’automne a survécu à l’hiver. « À part des petits trous, c’est sur la coche! » commente l’agriculteur de Sainte-Victoire-de-Sorel, en Montérégie. La couche de neige a enveloppé ses plants durant toute la saison froide, protégeant ainsi son blé des soubresauts climatiques printaniers.
Le prix élevé pour le blé risque de rendre sa culture d’automne d’autant plus profitable. Par contre, il se pose des questions sur ses semis de blé de printemps. « Avec le prix élevé des engrais, le blé de printemps devient un pensez-y-bien. On sera peut-être mieux d’aller en maïs. Surtout qu’on a du retard. Je regarde les prévisions et la météo n’est pas de notre bord pour semer. Si on ne réussit pas à semer en avril, c’est sûr que j’oublie le blé de printemps », tranche M. Péloquin, qui consacre habituellement 25 % de ses 530 hectares à la culture des céréales.
Cette année, il essaie une autre culture d’automne : le seigle hybride. « Il a une très belle vigueur. Il est super beau », remarque-t-il. Habituellement, le prix du seigle n’est pas trop élevé, mais il espère obtenir 300 $/t. « Je me suis fait dire d’une très bonne source qu’il va manquer de maïs en août [pour nourrir les animaux au Québec] et que les meuneries seront acheteuses des céréales qui sortiront les premières », mentionne le producteur.
Un peu plus loin en Montérégie, Julien Tanguay observe également le début de la saison de croissance pour ses champs de blé d’automne, mais les nouvelles sont moins bonnes. « J’ai 50 % de perte, dont au moins deux morceaux que je scrape », raconte-t-il. L’agriculteur croit que ses 50 hectares de blé ont peut-être été semés trop près de la date limite du 10 octobre, alors que dans son secteur, les chances de survie augmentent quand cette culture est mise en terre à la fin septembre. Dans certaines zones de ses champs, des problèmes d’égouttement semblent avoir augmenté la mortalité lors des derniers redoux printaniers suivis de gel.
Concernant la mise en marché, il a pris une position en vendant du blé à l’alimentation animale à 415 $/t. Il attend pour vendre le reste. « D’un côté, la guerre en Ukraine fait peur, mais de l’autre, on en profite avec les prix », dit celui qui sèmera 117 hectares de blé de printemps.
Ailleurs au Québec
L’un des plus grands acheteurs de blé québécois destiné à la consommation humaine, les Moulins de Soulanges, vient de commencer une tournée des champs de blé d’automne. « La survie à l’hiver en Outaouais est très bien. En Estrie aussi, ça semblait bien. En Montérégie, c’est variable. On me rapporte des dommages pas mal importants par endroit par la sauvagine », détaille le directeur Jules Beauchemin.
Ça brasse pour les acheteurs de céréales
Le prix des grains frôle des records, mais les acheteurs de farines ne veulent pas se voir refiler la facture à la hausse, ce qui confronte les minoteries, comme les Moulins de Soulanges. « On est squeezés entre les deux, résume le directeur Jules Beauchemin. Il a fallu s’ajuster et renchérir pour offrir des prix plus élevés aux producteurs et on est en train de revoir la façon de calculer le prix de la farine avec nos clients. Le gros enjeu, c’est de refiler [la hausse de] prix aux chaînes. C’est ça, le challenge. À un moment donné, tu ne peux pas vendre à perte. C’est une année cabosseuse; ça brasse. » Il espère que les semis amèneront plus de « tangibilité », puisqu’en ce moment, la spéculation trouble la boule de cristal des nombreux acteurs de la filière des grains, comme lui. En réaction à cette situation, il offre deux mécanismes de contrat aux producteurs : soit des prix fixés d’avance ou un système dynamique qui fluctue selon les hausses ou les baisses du marché.