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Le marché mondial des grains est en voie d’être contrôlé par la Chine et le Brésil. L’évolution vers cette prise de contrôle ne date pas d’hier. Alors que dans les années 1990 le marché est dominé par les États-Unis, premier exportateur des trois principaux grains que sont le blé, le maïs et le soya, et que du côté des importateurs, suivant la fin de l’Union soviétique, aucun pays n’a de part prépondérante des achats de grains, le marché se transforme avec l’arrivée de la Chine dans les années 2000.
À cette époque, la croissance économique chinoise mène à une augmentation spectaculaire et constante des achats de soya. Les Chinois, disposant d’un pouvoir d’achat fortement accru, mangent de plus en plus de viande, ce qui nécessite de plus en plus de tourteau de soya pour assurer l’alimentation du cheptel porcin en expansion. En réponse à la demande chinoise de soya, le Brésil augmente alors sa production de fèves et défriche les terres vierges du Cerrado, une région de savane représentant près du quart de la superficie du pays. La déforestation de l’Amazonie, initialement causée par l’élevage bovin, commence à être utilisée pour la culture de la fève.
C’est pendant la décennie suivante que la Chine devient l’importateur prédominant de soya, représentant jusqu’aux deux tiers de la demande mondiale. Simultanément, le Brésil augmente tellement sa production et son infrastructure qu’il se hisse au premier rang des exportateurs de soya, devançant les États-Unis. La demande chinoise favorise ainsi l’essor de l’agriculture brésilienne, laquelle a un énorme potentiel inexploité.
Quant à la production de maïs, elle a récemment pris son envol, à un point tel que le Brésil est en voie de devenir le premier exportateur mondial de maïs devant les États-Unis.
Le succès du Brésil est en bonne partie dû au fait que son agriculture fait face à beaucoup moins de contraintes que celle du Québec. La main-d’œuvre est abondante et bon marché, et les normes du travail sont très souples, voire ignorées. Les normes environnementales sont, semble-t-il, excellentes, du moins sur papier : l’agriculture est certifiée durable, et ce, bien que les superficies ensemencées aient augmenté de 3 % à 5 % chaque année depuis le début des années 2000, et que plus de 20 % de la forêt amazonienne brésilienne soit partie en fumée…
Certes, les producteurs québécois ont profité de la hausse des prix du soya au cours des 20 dernières années, laquelle a entraîné une forte augmentation de la superficie ensemencée en soya, devançant celle du maïs pour la première fois en 2017. Cette année, la fève supplante carrément le maïs et offre aux producteurs l’avantage d’être écoulée très rapidement grâce aux ports du Saint-Laurent : près de 60 % de la production est livrée dans les deux mois suivant la récolte.
Un combat inégal
Petit joueur, le Québec a besoin des marchés d’exportation pour une grande partie de son soya, et pour une partie significative de son maïs. Or, le marché mondial des grains est en train de passer sous le contrôle du tandem Chine-Brésil.
La Chine utilise sa position de premier importateur mondial des grains à des fins géopolitiques : l’embargo est maintenant une arme couramment utilisée pour faire pression sur des pays occidentaux. Le Canada en a d’ailleurs fait l’expérience avec l’embargo sur le canola, en 2019, sous le couvert de prétextes phytosanitaires à la suite de l’arrestation de la dirigeante de Huawei (le soya canadien a aussi été affecté même si la fève n’a pas été officiellement ciblée). D’autres pays ont également été ciblés : en 2020, une série de tarifs punitifs ont été décrétés sur plusieurs produits australiens (orge, viande rouge, etc.). La raison? Le gouvernement australien avait demandé une enquête internationale sur les origines de la COVID-19…
Le Brésil, quant à lui, n’est pas soumis au cadre réglementaire et aux normes de plus en plus contraignantes auxquels font face les producteurs du Québec.
Ce qui, en somme, mène à un combat très inégal…