International 8 mars 2023

Des jugements de taureaux en Argentine

Lorsqu’il s’est rendu en Argentine, l’automne dernier, à l’occasion d’une exposition provinciale de bovins laitiers, Éric Hétu a été surpris de devoir juger des taureaux pour la première fois de sa vie.

« On ne fait plus ça depuis longtemps au Québec pour des raisons de sécurité, mais là-bas, il y a encore des classes de taureaux. […] C’est très impressionnant, des gros taureaux de plus de deux ans », raconte l’éleveur de Warwick, dans le Centre-du-Québec, qui est juge officiel Holstein depuis 2010. Il explique que les mâles sont généralement plus agressifs que les femelles, ce qui augmente les risques d’accident dans l’arène.

 Ça arrivait au Québec que des taureaux s’énervaient. C’est pour ça qu’on a arrêté. On m’a raconté qu’à un événement de Victoriaville, un taureau est déjà parti dans le parking et avait brisé des véhicules.

Éric Hétu, juge

En Argentine, assure-t-il néanmoins, les bêtes étaient bien domptées. « Je me sentais en sécurité, mais je remarque que là-bas, ils sont plus slack sur les normes de contrôle qu’ici. » Selon lui, la façon de juger les taureaux se rapproche de celle de juger les génisses. « On analyse la puissance laitière, sans système mammaire, la qualité des pieds et membres, puis l’élégance », énumère-t-il. 

Des races croisées

En Argentine et au Pérou, où il a aussi été juge, des animaux croisés sont souvent exposés, s’étonne Éric Hétu, ce qui diffère à son avis de la mentalité canadienne, où la culture de la race pure prévaut. « Honnêtement, je n’ai pas vu beaucoup de différence. Je pense que les pur-sang sont un peu supérieurs [sur le plan de la qualité], mais en général, j’ai vu des animaux de très bon calibre là-bas », raconte-t-il.  


Madison et Toronto : la « Coupe Stanley » des juges

Après s’être rendus partout dans le monde, les juges interrogés par La Terre désignent tous la World Dairy Expo, de Madison, au Wisconsin, et La Royale, de Toronto, comme le sommet des expositions. « C’est sûr que c’est un rêve d’y aller », indique Éric Hétu, qui n’a jamais été juge dans l’un de ces événements. Pour lui, y parvenir serait comme de « gagner la Coupe Stanley ». Pierre Boulet, qui a été invité à Madison comme juge, l’automne dernier, et qui s’est rendu à La Royale à quelques reprises, confirme qu’il s’agit de l’honneur ultime. « Ce sont les deux plus prestigieuses. La qualité des animaux est incroyable. C’est tellement le fun et valorisant », exprime-t-il. Le plus beau souvenir de sa sœur, Mélanie Boulet, reste d’ailleurs le moment où elle a jugé à La Royale avec son frère, en 2017. « J’étais très fière. Mes deux parents étaient vivants et ils étaient venus nous voir. Ils étaient très fiers aussi », raconte-t-elle. Callum McKinven, qui a jugé dans plus de 850 expositions, considère encore sa première fois à Madison comme son « highlight ». Il a jugé là-bas 13 fois au total.

L’un des souvenirs marquants de Mélanie Boulet est lorsqu’elle a jugé à La Royale avec son frère Pierre, en 2017. Photo : The Bullvine

La musique « dans le prélart » en Suisse

Joël Lepage, producteur à Amqui dans le Bas-Saint-Laurent, se souviendra toujours de l’ambiance électrisante qui régnait dans l’arène lorsqu’il a jugé la race Holstein noir et blanc, à l’événement Swiss Expo, en 2020. « En Europe, c’est vraiment un show. L’ambiance, la sonorisation, l’éclairage, les visiteurs rapprochés du ring; ils mettent vraiment le paquet. Quand la classe finit, la musique part dans le prélart, décrit-il, amusé. Quand les rubans sont donnés [aux vaches], l’annonceur crie dans le micro et la foule se met à crier aussi. C’est vraiment le fun, les expositions, en Europe. » En Amérique du Nord, ces événements sont beaucoup plus sobres, voire ennuyants, à son avis. « On a beaucoup à apprendre d’eux, sur tout le côté spectacle. Quand ils viennent chez nous, dans les gros championnats, [les Européens] nous disent toujours : coudonc, on est tu au salon mortuaire? » ajoute l’éleveur en riant.

Le juge Joël Lepage aime particulièrement l’ambiance qui règne dans les expositions européennes. Photo : Gracieuseté de Swiss Expo

La révérence au Japon

Pour Callum McKinven, juger au Japon sort de l’ordinaire, notamment en raison de la culture, qui diffère beaucoup. « Je donnais mes raisons au micro, à un moment donné, et le premier exposant s’est arrêté devant moi et m’a fait la révérence. Alors, je me suis incliné aussi, puis il m’a fait la révérence encore avant de partir. Le deuxième s’est arrêté devant moi et m’a aussi fait la révérence. Ils me faisaient tous la révérence, alors moi, je leur rendais la pareille, se souvient-il en riant. Il a fallu que quelqu’un me dise d’arrêter de faire la révérence, parce que tant que je n’arrêtais pas, eux non plus n’arrêtaient pas. »


Plus satisfaits du jugement que du président en France

Mélanie Boulet se remémore une exposition en France où elle a été juge en 2013 et lors de laquelle était présent le président de l’époque, François Hollande. « Il n’était pas bien vu des producteurs laitiers. Il était venu faire un discours et il s’était fait huer », raconte la juge. Plus tard, Mme Boulet a dit à la foule qu’elle espérait que celle-ci avait apprécié son travail davantage que le passage du président. « Ça s’est levé et ça a applaudi. Je n’avais jamais vu ça. On a été obligés de les faire asseoir. Ils étaient contents du jugement, mais pas du président », se souvient-elle.