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Par Julie Roy – Même s’il ne passe pas sa vie le nez en l’air, le regard aiguisé de Gyslain Fortin, artiste sculpteur, ne manque jamais de remarquer si une girouette trône sur le faîte d’une toiture. Cette attirance va de soi, quand on sait que l’homme originaire du Lac-Saint-Jean constitue l’un des rares artisans québécois à se spécialiser dans la confection de girouettes.
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Ils seraient à peine une dizaine au Québec à oeuvrer dans ce secteur, et plus les années passent, plus ce nombre risque de diminuer, car la relève n’est pas au rendez-vous. « C’est un art essentiellement manuel; les risques de blessures sont grands, et l’on ne devient pas riche avec cette activité », raconte l’artisan de 62 ans.
Pour l’artiste, les considérations économiques importent peu. Il possède une vieille voiture et avoue se contenter de peu pour vivre. Ce n’est définitivement pas l’argent qui le pousse à continuer dans cette voie. Il s’agit plutôt du sentiment « d’immortalité » que lui procurent ses oeuvres : «Quand on fixe l’une de mes girouettes sur un toit, elle peut rester là une centaine d’années… »
le coq, symbole du vent
Comme la plupart des girouettes, celles de M. Fortin prennent généralement l’aspect d’un coq. L’artiste a bien tenté de faire naître l’intérêt pour un autre animal, mais lorsqu’il s’agit de girouettes, il semble que les Québécois restent attachés à la tradition. « Il y a peu de demandes pour les autres animaux. J’ai déjà confectionné un hibou et un cheval, mais ça n’a pas vraiment connu de succès. »
Si dans les années 1970, le type de construction se prêtait peu à cet ornement, depuis dix ans, on observe un véritable regain d’intérêt. La girouette n’est toutefois plus l’apanage des maisons de campagne; certains l’installent carrément au sommet de leur garage, d’autres sur leur terrasse et même, dans leur jardin. Dans le cas de M. Fortin, on retrouve ses girouettes un peu partout au Québec, en bord de mer et même, en Nouvelle-Écosse.
De la sculpture sans peinture
Dans son atelier mal chauffé où nous l’avons rencontré en janvier, M. Fortin rêvait d’une maison de campagne dans laquelle il aménagerait un petit coin pour lui permettre de poursuivre son travail au chaud. «Quand j’étais petit, nous vivions sur une fermette. J’étais le cadet d’une famille de 12 enfants. Mon père était bûcheron et j’aimais vraiment la campagne. J’envisage d’y retourner pour améliorer l’atelier et être plus accessible pour des clients potentiels. » En attendant – l’artisan a concrétisé son rêve, début mars – il coupe, façonne et frappe sur l’enclume le métal qui se transforme au rythme de son travail et qui, au final, prend l’apparence d’une véritable oeuvre d’art.
Le cuivre constitue sa matière première. Malgré son coût élevé, M. Fortin ne tarit pas d’éloges sur ce matériau qu’il décrit comme malléable, noble et chaleureux. Aspect encore plus intéressant, ce métal ne nécessite pas de peinture; la chaleur et le temps lui confèrent naturellement les couleurs appropriées. «Le vert s’obtient grâce à l’oxydation. En 2005, les gens responsables de la basilique Notre-Dame m’ont commandé une vingtaine de coqs de table. Au même moment, le clergé effectuait des rénovations à la toiture de cuivre. Pour m’aider à réaliser la commande, on a mis à ma disposition quelques morceaux de ce toit devenu vert avec les années. Il m’en reste quelques-uns que j’utilise à l’occasion. »
Si le vert nécessite du temps, pour d’autres couleurs, il faut toutefois beaucoup de doigté et d’expérience pour parvenir au bon résultat; et ce n’est pas ce qui manque à l’artisan.
Du coq à Don Quichotte
M. Fortin a appris à sculpter vers l’âge de 20 ans, grâce à des Européens experts en la matière. Pendant 30 ans, il a exercé son art à temps perdu. « J’ai appris le métier avec eux, mais j’ai aussi expérimenté pas mal d’essais et d’erreurs par moi-même. » Il y a 12 ans, il a pris la décision de consacrer toutes ses énergies à cette activité, en abandonnant son métier de graphiste pour fonder son entreprise qui porte le nom du Coq à l’Art. « Je me suis rendu compte que je pouvais vivre de ça. De toute façon, le métier de graphiste ne me procurait plus de plaisir. J’ai exercé ce métier pendant 20 ans dans les journaux. Au début, tout se concevait à la main; mais maintenant, tout est exécuté à la machine…»
Du temps, il en faut pour façonner une girouette. Du début à la fin, cette «machine à vent » nécessite en moyenne 35 heures de travail, et ce, sans compter les nombreuses heures consacrées à la conception des moules nécessaires à sa fabrication. « J’ai conçu cinq ou six modèles. Le corps constitue la partie principale. Avant de se lancer dans la sculpture d’une oeuvre, il faut réfléchir à la façon dont tu vas la fabriquer, car le métal est malléable, mais pas tant que ça. »
Évidemment, tout ce travail a un prix. Une girouette se détaille entre 800$ et 1200$. Une somme qui fait sourciller certains acheteurs ne réalisant pas la qualité de la pièce qu’ils ont entre les mains. «Mes girouettes ne rouillent pas et nécessitent peu d’entretien. Chacune est montée sur une pointe de fer en acier et une bille, ce qui empêche les frottements, la rendant ainsi très sensible aux variations du vent. »
Des qualités partagées par les autres artisans spécialisés dans ce domaine, qui, au dire de M. Fortin, utiliseraient sensible différencient davantage par leur style. «Quand j’aperçois une girouette au sommet d’un toit, je sais tout de suite qui l’a conçue, ça se voit en un coup d’oeil. »
Si M. Fortin respecte les oeuvres de ses collègues, il en va tout autrement des girouettes fabriquées industriellement en Chine. «Dans les grandes surfaces, on trouve des girouettes produites sur des presses. Résultat : elles sont toutes pareilles, et une fois installées, il ne faut pas qu’il vente trop, parce qu’elles se retrouvent par terre! »
Si l’artisan fait de la conception de girouettes sa principale production, il ne se concentre pas uniquement sur cette activité. Au fil des ans, il a développé une gamme de sculptures accessibles à toutes les bourses. Sa série de musiciens est par ailleurs très appréciée, de même que son «Don Quichotte ». « J’ai des clients qui les collectionnent », conclut-il, fièrement.
Pour joindre monsieur Gyslain Fortin :
570 des Bouleaux
Ste-Eulalie, Qc
Téléphone : 819 225-4044
Courriels :
[email protected]
[email protected]
Site Internet : http://www.ducoqalart.com