Actualités 8 avril 2019

Grains bio : une avenue intéressante, mais pas sans risques

La production de grains biologiques est en hausse depuis les dernières années au Québec. En 2018, 430 entreprises œuvraient dans ce secteur de production, alors qu’elles étaient 114 en 20021. Afin de mieux connaître le secteur, un portrait a été réalisé en partenariat par le Centre d’études sur les coûts de production en agriculture (CECPA), le Centre d’expertise et de transfert en agriculture biologique et de proximité (CETAB+) et le Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec (CRAAQ), avec le soutien de la Filière biologique du Québec et du Syndicat des producteurs de grains biologiques du Québec.

Grâce à la participation de 28 entreprises possédant 5 728 ha en régie biologique répartis dans l’ensemble de la province, cette étude permet de jeter un premier regard sur la production de grains biologiques. Or, si celle-ci présente certaines opportunités, elle comporte également sa part de défis.

Opportunités

Une des principales opportunités de la régie biologique est la forte demande pour les grains biologiques, qui se traduit par des prix de marché plus élevés et plus stables pour les principaux grains. Ainsi, les prix des grains biologiques sont en général le double des prix du marché conventionnel. À titre d’exemple, le graphique de la page 13 présente l’évolution des prix du blé d’alimentation humaine pour les marchés conventionnel et biologique entre 2008 et 2017. Bien que des fluctuations puissent être observées dans chacun des marchés, le prix du biologique avoisinait les 550 $ par tonne en 2017 alors qu’il était autour de 275 $ par tonne pour le conventionnel. Depuis les cinq dernières années, le ratio du prix biologique par rapport au prix conventionnel s’élève en moyenne à 2,07.

La régie biologique se traduit également par la diminution de certaines charges par rapport à la régie conventionnelle. Les baisses s’observent principalement au niveau des principaux intrants de cultures (pesticides, fertilisants). Compte tenu des exigences de la régie bio, les charges de pesticides pour les entreprises étudiées étaient nulles. De plus, pour les entreprises de l’étude, la fertilisation repose
principalement sur les fertilisants d’origine animale (fumiers et lisiers). Or, pour la plupart des fumiers et lisiers, les coûts de fertilisation sont composés des frais d’épandage et de transport. En effet, aucune valeur de marché n’est observée pour les fertilisants d’origine animale, à l’exception des fumiers de volaille. Cela permet donc de limiter les coûts de fertilisation.

Défis

Toutefois, les grandes cultures biologiques comportent leur part de défis. Ainsi, si quelques charges sont plus faibles qu’en régie conventionnelle, la majorité sont à la hausse. La main-d’œuvre est l’un de ces postes. La production de grains biologiques exige en moyenne près de 17 heures par hectare, soit 65 % de plus qu’en régie conventionnelle. Le poste main-d’œuvre représente ainsi 20 % des coûts (voir tableau). Les producteurs cumulent plus d’heures de travail aux champs. Des opérations culturales comme le sarclage, entre autres, contribuent au contrôle des mauvaises herbes, mais nécessitent plus de main-d’œuvre que l’épandage de pesticides.

D’autre part, la production de grains biologiques comporte des risques. Ainsi, les entreprises ayant participé au projet ont identifié les mauvais rendements comme le principal facteur de risque pour la rentabilité de l’entreprise. Or, les participants évaluent le risque de mauvaise récolte en régie biologique à une année sur quatre pour le maïs-grain et le blé d’alimentation humaine; pour le soya et l’avoine, le risque serait d’une mauvaise récolte aux cinq ans. Par exemple, dans le maïs-grain, le rendement minimal observé est de 2,5 tonnes par hectare. Même avec des prix de marché élevés, une culture ne peut pas être rentable si les rendements chutent.

Le risque peut aussi se manifester au niveau de la qualité avec un moins bon taux de classement. Ainsi, dans le cas du blé, si une récolte destinée à l’alimentation humaine est déclassée pour l’alimentation animale, le prix de vente sera plus faible.

Finalement, la rotation des cultures en régie biologique joue également un rôle important dans le contrôle des mauvaises herbes et des maladies. Cela oblige les entreprises à réserver une partie de leurs champs à des cultures moins rentables, comme le foin, ce qui en réduit la rentabilité globale.

En conclusion, la régie biologique en grandes cultures présente des opportunités et peut permettre de dégager une marge intéressante, notamment grâce aux niveaux élevés des prix de marché. Elle n’est cependant pas simple, avec des exigences strictes quant aux pratiques culturales et des risques de mauvaises récoltes. Le producteur bio doit aussi s’assurer d’avoir accès à suffisamment de main-d’œuvre et de fertilisants, qui peuvent être des facteurs limitants en régie biologique. La transition vers la régie biologique est un défi qui nécessite du temps, de la planification et exige d’exploiter les différentes sources d’information disponibles (formations et professionnels).

Le résumé ainsi que le rapport complet de cette étude sont disponibles sur le site Internet du CRAAQ. Une formation sur le sujet est également offerte.

Michel Morin, agr., et Julie Plamondon, Centre d’études sur les coûts de production en agriculture (CECPA)

Cet article a été publié dans l’édition du magazine Grains de mars 2019.