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Si vous êtes un producteur de grandes cultures, le nom Fusarium vous est familier. Fléau des producteurs de céréales et de maïs (qui le connaissent peut-être sous le nom de Gibberella), Fusarium est un champignon qui s’attaque aux céréales et laisse sur son passage une traînée de vomitoxines, rendant les grains toxiques pour les humains et les animaux.
Pour les phytopathologistes et les généticiens, il s’agit d’un ennemi rusé pour lequel le développement de cultivars résistants s’avère difficile. Cependant, des progrès sont réalisés dans la lutte contre le Fusarium au Canada, en grande partie grâce à la recherche au Québec.
Un pathogène redoutable
Si le Fusarium est si problématique, c’est en partie parce qu’il est bien adapté à nos rotations de cultures et à nos conditions climatiques. Il peut passer l’hiver confortablement dans les chaumes de céréales ou de maïs, attendant que les pluies printanières lui permettent d’éclater à l’air libre, à la recherche de nouvelles plantes à coloniser. S’il a la chance de s’accrocher à un épi de blé lors de journées pluvieuses et chaudes, alors la table est mise! Sa cible est le fleuron : protégé du monde extérieur (y compris des pulvérisations de fongicides), il peut se nourrir en paix sur le grain en développement, en le ratatinant. Si la plante n’arrive pas à le stopper à ce stade, il se déplace alors dans le système vasculaire jusqu’à l’épillet suivant, pour ensuite recommencer le processus. Dans son chemin, le Fusarium produit de plus en plus de toxines, comme le désoxynivalénol (DON).
Une résistance insaisissable
Comme pour de nombreuses maladies fongiques des plantes, l’utilisation de cultivars résistants demeure la forme de lutte la moins coûteuse. Néanmoins, la résistance totale du blé face au Fusarium n’est pas pour demain. Le blé utilise de multiples mécanismes afin de contrôler la maladie, dont la résistance à l’infection initiale, à la propagation sur l’épi, en plus de la résistance liée à la réduction de mycotoxines, et d’autres mécanismes liés aux dommages aux grains. Bien que chacun d’entre eux joue un rôle important, pris individuellement, aucun ne parvient à offrir une résistance complète. La combinaison de ces sources de résistance en une seule variété, tout en conservant le rendement et la qualité du grain, est donc un véritable défi.
Solutions québécoises
Il est difficile d’imaginer un monde où le Fusarium ne serait pas une menace constante dans nos champs. Pourtant, ce n’est que depuis les années 1990 que les épidémies de Fusarium ont commencé à se produire régulièrement au Québec. C’est peu après ces épidémies qu’une équipe d’Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) à Sainte-Foy, dirigée par le Dr André Comeau et soutenue par François Langevin et René Paquet, s’est attaquée à ce fléau dans le cadre de ses objectifs de recherche. S’appuyant sur les travaux entamés par les chercheurs de l’AAC et du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ), Comeau et son équipe ont réalisé des croisements complexes entre des génotypes de blés présentant différentes formes de résistance, et les ont soumis à des régimes de tests de maladie très contraignants. Le résultat : des lignées adaptées localement capables de résister au Fusarium aussi bien que les blés les plus résistants au monde, dont Sumai-3, un cultivar chinois qui a un statut presque mythique parmi les sélectionneurs. Une de ces plus grandes réussites, une lignée appelée FL62R1, a été récemment analysée par des chercheurs canadiens qui ont découvert que neuf régions du génome contribuent à sa résistance.
Bien que le programme du Dr Comeau ait été fermé depuis, ses lignées de blé sont toujours présentes dans les programmes d’amélioration de nombreuses institutions, y compris ceux du Centre de recherche sur les grains (CÉROM). Nous sommes donc fiers de poursuivre le travail de lutte contre ce pathogène redoutable avec des solutions génétiques développées ici au Québec.
Michel McElroy, Ph. D., chercheur en amélioration génétique du blé d’automne, CÉROM
Silvia Rosa, Ph. D., chercheuse en amélioration génétique du blé de printemps, CÉROM
Cet article a été publié dans le cahier GRAINS de mars 2022