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En décembre, le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques et celui de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec ont autorisé les producteurs à épandre leur lisier plus tard que prévu. Cette mesure exceptionnelle visait à éviter le débordement des fosses au printemps 2020 et, par le fait même, une potentielle contamination des cours d’eau environnants. En effet, plusieurs agriculteurs ont été incapables d’épandre tout leur lisier durant la saison 2019 en raison du printemps tardif et de l’hiver hâtif.
Même si Joann Whalen, agronome et chercheuse au Département des sciences des ressources naturelles de l’Université McGill, comprend la stratégie, cette décision la fait sourciller. Traditionnellement, l’épandage du lisier se fait entre le 1er avril et le 1er octobre. La raison est simple, précise la chercheuse. « La valeur du lisier est plus haute durant la saison de croissance, car c’est à ce moment que les cultures ont besoin des nutriments que contient cet engrais naturel. Lorsqu’on épand du lisier en novembre et en décembre, les nutriments sont mal ou peu utilisés par les plantes qui sont souvent en dormance. »
Cette année, le sol a gelé une semaine après la décision ministérielle de laisser les producteurs épandre du lisier hors saison. Puis, durant le mois de décembre, certaines régions ont reçu de 10 à 12 mm de pluie, ce qui a favorisé le lessivage des fertilisants vers les cours d’eau. « C’est pourtant ce qu’on voulait éviter avec la mesure d’épandage tardive », signale la chercheuse, qui insiste sur le fait qu’il faut bien peser les pour et les contre avant de fertiliser hors saison.
La bonne gestion des engrais
La gestion des nutriments reste toutefois cruciale en tout temps, ajoute par ailleurs Mme Whalen. Elle donne l’exemple de la toxine β-N-méthylamino-L-alanine (BMAA) présente dans certains cours d’eau canadiens, notamment le lac Winnipeg. Cette toxine particulière est produite par des cyanobactéries, ou algues bleu-vert, si elles disposent des bons nutriments. Les différentes études analysées par la chercheuse montrent qu’un excès de phosphore et d’azote, qui proviendrait majoritairement des activités agricoles, contribuerait à la production de la toxine. « Lorsqu’ils sont mal gérés, les nutriments fertilisants se retrouvent dans les cours d’eau qui les font voyager jusque dans les lacs », explique-t-elle.
La toxine a été détectée dans plusieurs plans d’eau à travers le monde. Au Québec, on connaît mal la situation, car elle a été peu étudiée. Quelques rares études démontrent toutefois la présence de la toxine dans certains lacs de la province.
La chercheuse s’inquiète des impacts de la toxine BMAA rapportés par les différentes études, notamment du lien avec une augmentation du risque de développer les maladies neurodégénératives de Parkinson ou d’Alzheimer, ou encore la sclérose latérale amyotrophique (SLA). « On ne sait pas quels sont les doses ni les temps d’exposition toxiques pour l’homme, mais si on veut minimiser les risques pour la santé publique, il importe de fertiliser judicieusement », conclut Mme Whalen.
Diminuer les coûts de fertilisation « Une bonne gestion de l’épandage du lisier ou du fumier pendant la saison de croissance peut contribuer à réduire le recours aux engrais de synthèse et, conséquemment, à diminuer les coûts de production », signale Joan Whalen. Une autre bonne raison de bien planifier la fertilisation. |
Nathalie Kinnard, Agence Science-Presse