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Le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) a terminé, il y a quelques semaines, la diffusion des nouvelles références en fertilisation. Celles-ci remplaceront celles du Guide de référence en fertilisation publié en 2010 par le Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec.
En 2017, l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA) a reçu le mandat de réviser ces valeurs pour 17 cultures. Pour ce faire, il a généré la première base provinciale de données regroupant 15 ans d’essais provinciaux tirés d’études ou de requêtes externes.
Une phase de consultation et de calculs a ensuite mené à l’élaboration de 45 nouvelles grilles pour l’azote (N), le phosphore (P) et le potassium (K).
Parmi les changements observés pour l’azote, on note de nouveaux indicateurs de sol, de région ou de marché visé et des fractionnements de dose totale. Des doses optimales plus basses sont également recommandées dans quatre cultures. Pour la citrouille, l’apport en azote fléchit ainsi de 115 à 105 kilogrammes à l’hectare (kg/ha), et de 35 à 30 kg/ha pour le pois. Les valeurs sont toutefois augmentées pour huit cultures, dont le radis en sol organique, où l’apport grimpe à 60 kg/ha pour le semis hâtif, et le rutabaga, où la dose peut atteindre jusqu’à 90 kg/ha.
« Pour le phosphore, la recommandation est précisée par le groupe de texture du sol et l’indice de saturation en phosphore. Cette considération, de concert avec l’inclusion des seuils critiques environnementaux du REA [Règlement sur les exploitations agricoles], représente une amélioration importante », observe la chercheuse. Ici, quatre cultures reçoivent des recommandations plus élevées. Parmi celles-ci, on note que pour l’orge et l’avoine, la dose de pentoxyde de phosphore (P205) recommandée est majorée à 90 kg/ha, et à 100 kg/ha pour les prairies de légumineuses.
« En potassium, l’usage de la valeur en ppm [parties par million] telle que mesurée en laboratoire, plutôt que la valeur convertie en kilogramme par hectare, vient corriger un biais important, surtout pour les sols organiques, dont la densité est très inférieure à celle des sols minéraux. Une attention particulière a été portée à l’équilibre N:K dans les prairies de graminées », précise-t-elle.
Par ailleurs, l’apport est révisé à la baisse pour six cultures. C’est le cas notamment de la carotte, où la dose d’oxyde de potassium (K20) passe de 225 à 100 kg/ha, et de la betterave potagère, dont la dose optimale est révisée de 240 à 210 kg/ha.
Grâce à l’inclusion des nouveaux indicateurs, les recommandations sont plus précises et personnalisées, estime Mme Landry. « On obtient une meilleure productivité de chaque kilogramme d’engrais, surtout dans l’azote, tout en s’assurant de minimiser les pertes », conclut-elle.
Un exercice multisectoriel rigoureux
Tout au long du processus, plusieurs intervenants des milieux agricole et scientifique (clubs-conseil, producteurs et centres de recherche) ont été consultés. « Ces échanges ont permis d’assurer l’impartialité du processus, et d’élaborer des recommandations qui tenaient compte des contraintes actuelles logistiques et commerciales propres à chaque culture », assure la chercheuse Christine Landry. Les valeurs obtenues étaient ensuite présentées à un comité scientifique indépendant formé de chercheurs et experts du milieu. « Ce comité pouvait entériner [ou non] les résultats ou demander des précisions. Une fois entérinées, ces valeurs étaient publiées à titre de grille de fertilisation par le MAPAQ », explique Mme Landry.
Des réactions mitigées
Alors que les nouvelles grilles de fertilisation se déploient peu à peu, comment cette mise à jour est-elle reçue sur le terrain? La Terre a sondé quelques intervenants.
Selon les Producteurs de grains du Québec (PGQ), cette grille, qui n’inclut pas le blé d’automne, reste en décalage avec les pratiques actuelles. Dans le blé de printemps, le fractionnement de l’azote, répartissant la dose sur deux apports, fait sourciller. « Comme on apporte la dose nécessaire sur plus qu’une fois, on apporte une quantité au début pour ensuite ajuster la dose dans l’apport suivant, en fonction de l’état de la culture avant ce deuxième apport », explique Salah Zoghlami, directeur des affaires agronomiques aux PGQ. Cette proposition ne tient pas compte des engrais à libération lente, soulève-t-il. Appliqués en début de saison, ces produits enrobés éliminent la nécessité du fractionnement et évitent un deuxième passage de machinerie.
Pour Anne-Sophie Dionne, agronome chez JMP Consultants, les changements se situent surtout du côté de l’avoine, mais demeurent faibles. « Nous avons beaucoup de matière organique au Bas-Saint-Laurent. On doit donc diminuer notre apport en azote. La plupart de nos producteurs en mettaient peu en raison du risque de verse élevé. On suggérait de ne pas dépasser 30 unités au démarrage, donc un apport de 25 est correct », observe-t-elle.
Pas d’émoi à l’Association des producteurs maraîchers du Québec, où les nouvelles orientations ont été présentées aux membres, il y a quelques mois. « Ça demeure un outil de référence », a indiqué Stéphanie Forcier, gestionnaire des communications.
Au Réseau végétal Québec, le comité fertilisation n’a pas souhaité commenter.