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Au cours des quatre dernières années au Québec, le nombre de fermes en production agricole formées sur le modèle coopératif est passé de 24 à 42, soit une augmentation de 75 %.
« Ça reste marginal sur l’ensemble de la production, mais c’est une tendance forte si on tient compte des nombreux dossiers en démarrage que nous traitons présentement et qui ne sont pas inclus dans ces statistiques », explique Evan Murray, directeur régional Lanaudière – Abitibi-Témiscamingue – Nord-du-Québec à la Coopérative de développement régional du Québec (CDRQ).
Ces exploitations sont essentiellement des fermes maraîchères en petites surfaces. « Le modèle coopératif n’est pas adapté pour des productions qui ont besoin de beaucoup de capital pour démarrer ou prendre la relève comme des fermes porcines ou laitières », poursuit Evan Murray.
Ce même besoin en capitaux explique également que 72 % de ces coopératives sont locataires des terres qu’elles exploitent. Avec des hausses d’évaluation de 8 à 12 % dans certaines régions, le coût des terres agricoles est un frein au modèle coopératif, admet le représentant de la CDRQ. « À ceux qui sont intéressés par le concept, nous nous assurons de bien expliquer que lorsqu’un membre décide de quitter une coopérative qui est propriétaire d’une terre, il ne part qu’avec le montant de la part sociale versée au départ. »
Une réalité qui n’empêche pas certaines fermes de faire le saut. C’est le cas de la Coopérative La Charrette située à Charette, en Mauricie, qui a acheté il y a deux ans une terre de 4,5 hectares pour 110 000 $. « On ne fait pas ça dans une visée de faire de gros profits éventuellement. C’est vraiment dans la perspective de créer une entreprise qui va rayonner dans le milieu et qui nous permet de travailler dans un créneau qu’on aime », explique Maxime Tessier, un des quatre membres fondateurs de la coopérative de travail fondée en 2017 et qui produit une cinquantaine de variétés de légumes, fines herbes et fleurs, tous biologiques.
À mi-chemin d’un bail de location qui prendra fin en 2025, la Ferme La Roquette, à Brownsburg-Chatham, dans la MRC d’Argenteuil, négocie aussi actuellement l’achat de deux terres pour un montant substantiel. Certifiée biologique, cette coopérative membre du réseau des fermiers de famille se spécialise dans la production de choux en semi-gros destinés à la transformation.
Du financement difficile?
« Quand nous avons démarré en 2019, tout le monde nous disait que ça serait compliqué au niveau des institutions financières, raconte Frédéric Turgeon Savard, un des quatre membres de la coopérative. Mais c’est tout le contraire qu’on a constaté. On a obtenu des prêts de 200 000 $ jusqu’ici. Parce que nous sommes en économie sociale, on a accès à des programmes et à des subventions », poursuit-il, ajoutant que la présence de contrats de vente signés à l’avance est un argument qui facilite les négociations avec les prêteurs.
Dressant le portrait type des membres de coopérative agricole, Evan Murray évoque de jeunes hommes et femmes qui s’engagent dans la production agricole armés d’un bon bagage académique. « En 2021, 60 % d’entre eux avaient moins de 35 ans et le même pourcentage était muni d’un diplôme universitaire. » Sur les 42 coopératives en production agricole existantes au Québec, 27 étaient établies sous la catégorie des coopératives de travail et 15 sous celle des coopératives de solidarité. « Ces dernières s’apparentent à des coopératives de travail, mais elles ont un membre de soutien dans leur conseil d’administration. Ça peut être le propriétaire de la terre ou un partenaire qui est là pour son expertise », précise Evan Murray.
Une question de valeurs
Souvent, la création d’une coopérative plutôt qu’une entreprise traditionnelle est dictée par les convictions de ses fondateurs. « À la base, on voulait démarrer un projet en équipe, mais on a été vers la coopérative, car c’était plus en phase avec nos valeurs. On trouvait intéressant le fait que l’entreprise puisse survivre à ses membres », explique Maxime Tremblay.
Frédéric Turgeon Savard évoque les mêmes motivations avec, en prime, une solution à la rétention de main-d’œuvre. « Nous, on se fait un devoir de ne pas engager de travailleurs étrangers. C’est tout un processus bureaucratique, mais surtout, on ne trouve pas ça nécessairement éthique. » Pour attirer une main-d’œuvre qualifiée, la Ferme La Roquette permet plutôt à ses employés d’intégrer la coopérative en tant que membre après un an sur le terrain, un vote unanime des autres membres et une période de probation. « Nous sommes trois membres fondateurs. Un 4e s’est ajouté l’an dernier et ce printemps, un 5e viendra nous rejoindre. Cette formule fonctionne très bien et on pense que c’est la raison pour laquelle on reçoit des CV de candidats super compétents. » Employant quatre personnes, la Coopérative La Charrette songe également à se doter de nouveaux membres, pour ajouter d’autres expertises, lorsque l’entreprise arrivera à maturité. Mais pour pallier le fait qu’un nouveau venu bénéficierait de tout le travail réalisé en amont par les fondateurs, ceux-ci ont convenu que chacun fera le calcul de ses heures impayées. « Avant d’augmenter les salaires, la coopérative va rétribuer ce travail », explique Maxime Tremblay.
Le partage des tâches est un autre avantage du modèle coopératif, souligne-t-il. « On a chacun notre créneau et ce qui est intéressant avec ça, c’est que ça diminue vraiment la charge mentale. Quand je pense à d’autres maraîchers qui font ça en couple ou tout seuls, j’ai de la misère à voir comment tu arrives à tout faire », conclut Maxime Tremblay.
Cet article est paru dans l’édition de mars 2022 de L’UtiliTerre, disponible pour nos abonnés ici.