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Les technologies de l’agriculture de précision ont fait leurs preuves ces dernières années. Entre autres avec les systèmes de guidage qui facilitent les opérations culturales et permettent une meilleure gestion des champs. De nos jours, on fait appel à ces technologies pour gérer la circulation et atténuer la compaction. En effet, la gestion contrôlée de la compaction, ou le « controlled traffic farming », pousse la logique encore plus loin : le passage des équipements se fait toujours au même endroit. Mais il est possible de mieux gérer les déplacements dans les champs en planifiant simplement toutes les opérations, notamment celles qui augmentent les risques de compaction.
Améliorer la gestion de la circulation
« C’est une question de gros bon sens », répond Éric Lapierre, un producteur laitier et de grandes cultures de Saint-Nazaire-d’Acton, lorsqu’on aborde le sujet des déplacements à la ferme. Sa réflexion sur la gestion de la circulation de la machinerie, il l’a faite il y a une douzaine d’années, au moment où il s’est converti au semis direct. La transition se fait en douceur, car il utilise ses prairies comme tremplin vers cette nouvelle pratique culturale. Malgré cela, les trois premières années en semis direct sont critiques parce que la structure du sol est en période de reconstruction. « Quand on travaille le sol, on masque les problèmes de compaction, explique-t-il. En transition, la compaction ne pardonne pas. » Ainsi, il met tout en œuvre pour éviter de tasser le sol. Exit la circulation aléatoire dans les champs. « Pendant la traite de mes 75 vaches matin et soir, j’analyse et je pense à des solutions. Or, on règle en bonne partie nos problèmes simplement en prenant le temps d’y réfléchir! » s’exclame-t-il.
Limiter les passages
En étudiant son plan de ferme, Éric Lapierre a organisé les va-et-vient de la machinerie en portant une attention particulière à la circulation des lourdes citernes de lisier, des voitures d’ensilage et des chariots à grain. Chaque producteur connaît plus ou moins la distance à parcourir pour remplir une voiture d’ensilage ou vider une citerne de lisier, par exemple. Ainsi, l’objectif est simple : éviter les passages répétés aux mêmes endroits et toute circulation inutile. « J’ai commencé à travailler de façon linéaire, spécifie Éric Lapierre. J’essaie de monter le champ jusqu’au bout, puis je détache la voiture d’ensilage même si elle n’est pleine qu’aux trois quarts. »
L’objectif, admet-il, est d’éviter d’être pris en plein milieu d’un champ avec une voiture d’ensilage remplie à ras bord. Même chose pour les chariots à grain. « Évidemment, j’attache et je détache plus souvent, mais ces quelques minutes en valent la peine », assure-t-il. À certains endroits, des voies ont été aménagées pour sortir rapidement du champ et circuler le plus possible sur les routes pavées. « J’ai, entre autres, de longs champs qui bordent une route. J’ai aménagé une voie d’accès au milieu et aux deux extrémités », indique-t-il.
Le producteur estime allonger de 10 à 15 % le kilométrage total. En ce qui concerne les lourdes citernes, il roule dans le champ au strict minimum. « J’évite de passer deux fois au même endroit avec une citerne pleine. Je commence en bout de champ, puis lorsque je suis vide, je continue tout droit et rejoins la route ou le chemin de ferme à l’autre extrémité. De cette façon, je ne reviens jamais sur mes pas, même avec une citerne vide. Je ne pique pas au travers du champ pour raccourcir mon trajet. Au plus, je passe deux fois sur de courtes sections », explique-t-il. Lors des récoltes, la batteuse entre dans la parcelle par le centre. « Les voitures à grain restent aux extrémités, sinon elles interceptent la batteuse au milieu du champ. Jamais elles ne suivent la batteuse pas à pas. ».
Éric Lapierre remarque que ses cultures sont plus uniformes depuis la mise en place de ces façons de fonctionner. « Je fais plus de route, mais c’est difficile de quantifier les gains réalisés grâce à toutes ces précautions. Chose certaine, l’ensemble des actions posées, comme le semis direct, la gestion de la circulation et l’introduction des plantes de couverture, me permettent d’améliorer la structure du sol à la vitesse grand V. »
Voies de circulation : précurseur des systèmes de guidage
La régie intensive dans les céréales implique de nombreux passages dans les champs. À Sainte-Brigide-d’Iberville, Ernest Bernhard intervient cinq fois dans sa culture de blé pour une application d’herbicide, deux d’engrais et deux de fongicides. Depuis 1988, il établit dans ses champs des voies d’accès. Ces voies non ensemencées ont comme premier avantage de ne pas écraser la culture. Car les plants affectés vont repousser, accumuler un retard; puis à la récolte, la maturité des grains sera inégale.
En outre, les voies d’accès permettent de guider le producteur; elles sont les précurseurs des systèmes de guidage. Les passages répétés se font toujours au même endroit, et on compacte le sol seulement dans les voies. La distance entre les voies de circulation correspond à un multiple de la largeur de travail du pulvérisateur et de l’épandeur d’engrais. Les voies de circulation font-elles perdre du rendement? « Non, car les plants de chaque côté de la voie compensent largement l’espace non ensemencé », indique Ernest Bernhard.
Circulation technologique
La gestion des déplacements dans les champs vise à réduire les risques de compaction du sol. Le « controlled traffic farming » intègre toutes les opérations de culture. Au Québec, cette façon de faire commence à peine. En résumé, les passages répétitifs d’équipements se font toujours au même endroit. La flotte de machinerie doit se prêter à ce type de gestion. La largeur des équipements doit être un multiple les uns des autres. Ensuite, il faut posséder un système d’autoguidage avec une précision centimétrique, un guidage GPS à correction RTK (temps réel cinématique). « C’est impossible d’opter pour ce type de gestion du trafic du jour au lendemain. On conseille plutôt au producteur d’y aller graduellement afin de se familiariser avec les nouvelles technologies. L’investissement nécessaire est important, indique Bruno Bouchard, ingénieur et directeur de la division Laguë Précision. En plus de l’autoguidage, il faut changer certains équipements. »
Avec les déplacements, on couvre jusqu’à 85 % de la surface du champ, et le premier passage cause le plus de compaction. « Chaque producteur doit évaluer de combien il veut diminuer ce pourcentage, car on ne peut éliminer toute la compaction due à la circulation au champ », explique Bruno Bouchard.
Avant d’adopter cette technologie, les producteurs auront déjà réfléchi à plusieurs aspects de la circulation au champ. « Souvent, le chantier d’épandage de lisier a été revu et réorganisé », souligne l’ingénieur. Car il faut identifier les opérations culturales les plus à risque dans ces conditions. Les utilisateurs qui tendent vers la gestion contrôlée de la compaction commencent souvent par l’autoguidage pour l’opération de semis, puis du chariot à grain lors de la récolte. Le chariot à grain emprunte les mêmes passages que le semoir.
Les avantages de la gestion contrôlée de la compaction sont nombreux. En limitant la circulation aux mêmes endroits, on diminue la résistance de roulement des pneus et on réalise des économies de carburant de l’ordre de 25 %. Le semis et l’application d’intrants s’effectuent toujours dans la même zone. Ainsi, la fertilité du sol augmente, et la culture en bénéficie. On réduit également de 10 à 20 % le temps requis pour effectuer les travaux au champ et la quantité d’intrants. On élimine le chevauchement d’application d’herbicides ou d’épandage d’engrais. « Au Québec, avec nos conditions de sol humides au printemps, on tirera encore plus d’avantages à améliorer la gestion de la circulation », affirme Bruno Bouchard.