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En pomiculture, la hausse des températures pose plusieurs défis. « Les chaleurs estivales sont problématiques pour l’accès à l’eau, puisqu’un déficit hydrique en été peut affecter le calibre des pommes à la récolte », explique Olivier Lauzon, copropriétaire des Vergers Multi-Pommes.
« Mais la période de mai-juin est aussi critique pour la vigueur des arbres », ajoute le producteur de Saint-Joseph-du-Lac. « La chaleur affecte aussi la main-d’œuvre et elle joue un rôle sur la pression des ravageurs et sur l’arrivée potentielle de nouveaux ennemis des cultures. »
Ce que disent les chiffres
Malgré toutes ces préoccupations liées au climat, réaliser le bilan carbone s’avère une expérience positive pour M. Lauzon. Il apprend ainsi que 69 % des émissions de son exploitation pomicole proviennent des carburants et de l’électricité (fabrication et consommation), alors que 21 % sont attribuées à la fabrication des engrais minéraux. Les émissions de N₂O des sols (liées aux engrais minéraux) et la fabrication des pesticides représentent respectivement 8 % et 2 % des émissions totales. Qu’est-ce que cela signifie sur le terrain?
L’agronome Ly-Anne Hamel, qui conseille M. Lauzon dans le cadre du projet, interprète ces données. « La consommation d’énergie, qui inclut principalement le carburant des tracteurs, l’utilisation du système d’irrigation et l’essence des véhicules pour la main-d’œuvre, représente le poste d’émission le plus important pour l’entreprise. Ces émissions pourraient toutefois être surestimées, puisque nous n’avons pas été en mesure d’isoler avec exactitude la proportion d’énergie utilisée uniquement pour le verger à l’étude, étant donné que l’entreprise exploite trois sites pomicoles différents et produit aussi des céréales. Il sera donc intéressant de refaire l’exercice avec des données plus précises », commente Mme Hamel.
Pour l’agronome, la culture d’une espèce pérenne et la présence de sols à texture plus grossière, qui sont plus appropriés que les sols lourds pour un verger, ont joué en faveur de l’entreprise. « Les émissions de N₂O sont donc beaucoup moins importantes que les émissions de CO₂, ce qui peut être avantageux considérant leur différence de potentiel de réchauffement », explique-t-elle, ajoutant que l’évolution du taux de matière organique (MO) dans les sols est également un aspect non négligeable. « Puisque la MO tend à augmenter au fil des dernières décennies selon les données actuellement disponibles, il est possible d’estimer une quantité de carbone séquestrée dans les sols par année. Cette contribution est suffisamment importante pour compenser les émissions du verger, de sorte que son bilan total peut être considéré comme proche de la carboneutralité. »
Des chantiers
La consommation d’énergie reste donc le point le plus intéressant à améliorer pour l’entreprise. « Puisque les solutions sont moins intuitives, l’équipe d’Agriclimat prévoit une rencontre pour les entreprises participantes dont le bilan est similaire afin d’identifier des pistes de réflexion », indique Mme Hamel. Dans l’intervalle, l’entreprise pratique déjà les traitements localisés et l’utilisation de modèles prévisionnels pour limiter les interventions au champ.
La séquestration du carbone par les sols constitue aussi de belles pistes à développer au verger. « Bien que les entre-rangs soient enherbés, il est encore courant de voir le sol à nu sous les pommiers. L’ajout d’un couvre-sol sur les rangs serait pertinent, à condition de ne pas créer de compétition avec l’arbre pour l’eau, l’espace et les nutriments ni de favoriser les ennemis des cultures », observe Mme Hamel. Les actions envisagées incluent donc l’implantation d’une parcelle d’essai avec différentes espèces en couvre-sol sur le rang et la mise en place de bandes florales entre les rangs. « Ces deux aménagements viseraient à augmenter la matière organique et l’activité biologique, à améliorer la structure du sol, à compétitionner les plantes adventices ainsi qu’à encourager la présence de pollinisateurs et de prédateurs naturels. Nous aimerions de ce fait favoriser la séquestration de carbone et limiter l’impact d’une pression accrue des ravageurs », avance l’agronome.
Pour M. Lauzon, la fréquence et la durée des périodes de sécheresse représentent aussi un enjeu préoccupant. « Sachant que les besoins en eau sont plus grands au printemps, nous envisageons de créer un bassin de récupération des eaux de la fonte des neiges et de canaliser les eaux de drainage souterraines vers le bassin, afin de récupérer toute l’eau possible au printemps », explique le producteur. « Toutes les nouvelles parcelles de pommiers que nous implantons ont un système d’irrigation par goutte et les temps d’irrigation seront gérés par un tensiomètre dans le sol, afin d’apporter la bonne quantité d’eau en fonction des besoins des pommiers. » M. Lauzon a également entamé un virage vers la culture de variétés plus résilientes. « En renouvelant le verger, nous avons changé les variétés de pommes pour s’adapter aux changements climatiques et à la demande des consommateurs », conclut ce producteur proactif.
VERGERS MULTI-POMMES | |
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Représentés par : | Olivier Lauzon |
Production : | Pomiculture |
Conseillère : | Ly-Anne Hamel (Club Agropomme) |
Partenaire régional Agriclimat : | Maria Jose Maezo, Fédération de l’UPA Outaouais-Laurentides |
Qu’en dit la science ?
En climat futur, la quantité totale de précipitations l’été devrait rester stable. Cependant, les pluies seront plus souvent intenses, localisées et sous forme de cellules orageuses. Les cultures irriguées verront leurs besoins en eau augmenter dans un contexte où l’eau de surface pourrait être plus difficile à obtenir. Sécuriser l’accès à une source d’eau fiable et en optimiser l’usage est prioritaire.
Ce texte a été publié dans le cadre d’un cahier spécial présenté par Agriclimat, paru dans La Terre de chez nous, le 26 avril 2023.