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À la Ferme Pérou, six générations de Bouchard ont vu bien des saisons se succéder sur les côtes de Baie-Saint-Paul. Pour cette ferme spécialisée en production laitière et céréalière, la lutte contre les changements climatiques est bien amorcée, et elle se mène sur plusieurs fronts.
« Selon les analyses d’Agriclimat, les projections climatiques pour la région prévoient des écarts de température plus marqués et moins d’entre-saisons, et on le voit déjà chez nous », confirme Julie Bouchard, qui incarne la relève de cette ferme familiale qui produit 90 kilos de lait au quotidien.
Mise au point pour la culture et l’élevage
Pour la productrice qui supervise un cheptel de 105 têtes, soit 65 vaches, dont 57 en production constante et une quarantaine d’animaux de remplacement, le bilan carbone donne à réfléchir. « On a été surpris de constater que le plus gros des émissions provient des animaux », reconnaît Mme Bouchard, qui avoue poursuivre sa réflexion quant à la gestion de son élevage. « L’option serait d’avoir des vaches plus productives pour pouvoir réduire mon cheptel. Par exemple, si je peux faire mon lait avec cinq vaches de moins, je pense que cela aura un impact direct », raisonne-t-elle. « La possibilité d’obtenir auprès de certains centres d’insémination l’indice de production de méthane des taureaux reproducteurs est aussi une avenue intéressante pour les générations futures », ajoute la jeune productrice.
Un autre ajustement est également projeté pour le volet production céréalière de la ferme, qui cultive quelque 250 hectares en foin ou en céréales et soya sur différents plateaux d’altitude. « Les plateaux sont avantageux, du fait que les champs ne sont pas prêts en même temps. Un intervalle de 10 jours peut parfois s’écouler entre les récoltes », relate l’agricultrice, qui note une variation plus marquée de rendement entre les terres argileuses formant le plateau inférieur et les terres plus élevées, particulièrement en période de sécheresse. « La texture des sols diffère et les unités thermiques ne sont pas les mêmes pour les deux plateaux. La grande partie de nos sols est faite de loam sableux, qui n’a pas la même rétention d’eau. Cette partie des terres qui est située en hauteur est plus affectée par les périodes de sécheresse », constate Mme Bouchard, qui dit envisager la sélection de cultivars plus résilients pour cette partie de ses sols.
Le stress thermique, un enjeu majeur
De tous les secteurs de l’entreprise, c’est toutefois à l’étable que la hausse des températures s’est avérée plus critique. « Le climat est un enjeu majeur pour mon étable », souligne la productrice, qui s’est vue dans l’urgence d’agir pour assurer le confort de ses animaux. « Notre bâtiment avait été rénové en 2003 pour opérer en ventilation naturelle par poussée thermique. Des murs équipés d’ouvertures latérales fonctionnaient à la manière de rideaux, qui s’abaissaient pour tempérer le climat durant l’été, puis remontaient l’hiver lorsque l’étable était fermée », explique Mme Bouchard, notant qu’au cours des dernières années, ce système jusque-là hautement fonctionnel ne répondait plus aux nouvelles exigences du climat. « Les animaux ont commencé à souffrir de la chaleur. On observait des baisses importantes dans la production et la consommation d’aliments », relate la productrice, qui témoigne d’une diminution marquée du rendement à divers niveaux. « La baisse de consommation entraîne un déséquilibre alimentaire, donc une carence énergétique, ce qui affecte aussi la fertilité. » Devant ce constat, l’entreprise a investi dans l’installation d’une ventilation par soufflerie mécanique pour l’ensemble du bâtiment. « On a constaté un effet immédiat sur le comportement des vaches », atteste Mme Bouchard, qui considère maintenant la ventilation d’appoint comme un incontournable pour tous les bâtiments d’étable.
Une prise de conscience
Pour Julie Bouchard, le projet Agriclimat se veut l’occasion d’ajuster la trajectoire, mais aussi de neutraliser des appréhensions non fondées. « Au début, tous ces discours de carboneutralité nous inquiétaient un peu : les producteurs ont déjà assez à gérer. Mais au final, le projet présente beaucoup de principes de culture dont on était déjà conscients et qu’on peut maintenant appliquer plus facilement », confie l’agricultrice. L’application de cultures de couverture et d’engrais verts, de même que la réduction de produits fertilisants, figurent parmi les pratiques culturales qu’elle souhaite implanter. « Ce sont des choses qu’on avait déjà faites, mais pas systématiquement, parce qu’on se demandait toujours : est-ce vraiment nécessaire? Maintenant, on réalise que oui. C’est une prise de conscience qui rend certains concepts un peu plus concrets. »
FERME PÉROU | |
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Représentée par : | Julie Bouchard |
Production : | Laitière et céréalière |
Partenaire régional Agriclimat : | Annie-Pier Paradis, Fédération de l’UPA de la Capitale-Nationale–Côte-Nord |
Qu’en dit la science ?
Les vaches laitières sont affectées par la chaleur et l’humidité : elles subissent un stress thermique dès qu’elles ne sont plus capables d’évacuer adéquatement la chaleur. La production quotidienne peut diminuer de 0,2 à 2,2 kg de lait, de 20 g de gras et de 20 à 30 g de protéine, conséquence d’une prise alimentaire réduite et d’une atteinte au métabolisme de l’animal.
Ce texte a été publié dans le cadre d’un cahier spécial présenté par Agriclimat, paru dans La Terre de chez nous, le 26 avril 2023.