Environnement 18 juin 2024

Une chenille venue des arbres prend d’assaut les champs de bleuets

Un nouvel ennemi qui ne s’en prend normalement qu’aux arbres feuillus, la livrée des forêts, s’est invité dans plusieurs champs de bleuets du Lac-Saint-Jean et de l’Abitibi, cette saison, ­dévorant sur son passage les feuilles et les fleurs sur les plants.

Mathieu Lavoie

« Tout le tour de la bleuetière, aux endroits qui sont proches des peupliers et des bouleaux, c’est bourré de chenilles. Ça avance vite dans les rangées, c’est assez impressionnant à voir », témoigne avec stupéfaction Mathieu Lavoie, gérant des travaux à la Bleuetière coopérative de Saint-Augustin, qui cultive 674 hectares de ce petit fruit au Lac-Saint-Jean. 

Après avoir mangé les feuilles des arbres, observe-t-il, les chenilles migrent vers les champs de bleuets à proximité, où elles poursuivent leur festin.

C’est très ravageur. On avait commencé à en voir un peu l’an passé dans les bleuetières, mais cette année, c’est pire. On en a partout après les bottes; ça nous monte dans le cou.

Mathieu Lavoie, gérant des travaux à la Bleuetière coopérative de Saint-Augustin

Sans être en mesure d’estimer l’étendue de l’infestation, l’agronome Laurence Bouchard confirme que la présence de la livrée des forêts dans des champs de bleuets – et parfois de camerises –  est un nouveau phénomène, qui avait été observé pour la première fois en 2023 et qui a gagné en importance cette année. Difficile pour l’instant d’expliquer la migration soudaine de la chenille vers les bleuetières, mais l’agronome présume que les changements climatiques y sont pour quelque chose. 

« Il y a des champs qui peuvent être plus affectés de par leur localisation, à proximité d’arbres feuillus, autour des champs. Des fois, je vais chez des producteurs qui n’en ont pas du tout. Il y en a d’autres qui en ont vraiment plus », indique la conseillère en agroenvironnement au Club Conseil Bleuet.

Selon ce qui a pu être observé jusqu’ici, l’infestation semble plus grande en Abitibi qu’au Lac-Saint-Jean, mais encore là, on ignore pourquoi. « Les camerises, en Abitibi, c’est vraiment touché. Il y a plus de chenilles et plus de dommages », ­rapporte Mme Bouchard.

Des pertes de rendements

La perte de feuilles ou de fleurs sur un plant de petits fruits, explique l’agronome, nuit aux processus de photosynthèse et de pollinisation, ce qui laisse présager de moindres rendements aux endroits où des dommages sont constatés. Pour l’année en cours, il est trop tard pour l’application d’un traitement. Le Club Conseil Bleuet, en revanche, a demandé au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec l’homologation « d’urgence » d’un traitement préventif contre la livrée des forêts, qui pourrait être appliqué plus tôt en saison, l’an prochain. De tels traitements existent déjà, mais leur application n’est pas autorisée actuellement dans les bleuetières.