Environnement 21 juin 2021

Sécheresse : des producteurs détruisent leurs champs de blé

Leurs champs de blé faisaient près de 40 cm de hauteur, mais cela n’a pas empêché des producteurs de la Montérégie de les détruire. La sécheresse compromettait sévèrement le développement des épis ainsi que le rendement.

« Il est tombé seulement 22 mm de pluie depuis qu’on a semé en avril. Il fallait prendre une décision. Et ça fait deux fois en deux ans que je détruis une récolte de blé en raison de la sécheresse. Je n’avais jamais fait ça en 40 ans. Il n’y a rien de drôle pour un producteur agricole de détruire ce qu’il essaye de produire. Je le prends comme un échec. C’est ben, ben frustrant », confie avec amertume Alain Gervais, un producteur de grains de Saint-Denis-sur-Richelieu interrogé par La Terre dans le cadre d’un dossier complet sur la sécheresse qui paraîtra dans l’édition du 30 juin prochain.

cL’assurance le compensera, mais évidemment pas à 100 %. Le producteur s’est dépêché de resemer ses champs en soya, une opération qui pourrait s’avérer rentable étant donné les prix extrêmement élevés du soya à l’heure actuelle. « Mais à condition qu’il pleuve », souligne-t-il, disant que ses champs de maïs accusent également des dommages en raison du temps trop sec. « La levée est inégale. Je m’attends à une diminution de rendement et à une baisse de la qualité dans le maïs », insiste-t-il.

Même son de cloche de l’autre côté de la rivière Richelieu, où Alain Lavallée vient de détruire 90 hectares de blé pour le resemer en soya. « Il a tombé 6 mm de pluie depuis le début juin. Quand le blé formait ses épis, il faisait 34 degrés. Je le voyais aller; c’est nul! J’avais alors le choix de garder le blé et d’avoir une demi-récolte ou de le détruire et semer du soya qui pourrait me donner les trois quarts d’une récolte normale. J’ai choisi le soya. On prend une décision et on vit avec », analyse M. Lavallée, de Saint-Marc-sur-Richelieu. 

 

L’agronome Élisabeth Vachon raconte qu’une agricultrice de Lanaudière songeait aussi à détruire sa culture de blé. De façon générale, pour l’ensemble du Québec, Mme Vachon remarque que le blé de printemps affiche une baisse de rendement potentiel de 20 % à 25 % en raison du temps sec. Ce blé pourrait produire la moitié moins de paille, croit-elle. Le blé semé à l’automne a moins souffert de la sécheresse, spécifie toutefois l’agronome. 

Des solutions peu évidentes

Les producteurs interrogés par La Terre se sentent bien impuissants devant ce temps sec. « Je calculais ça avec mon agronome. Si on voulait arroser l’équivalent de 20 mm de pluie, il faudrait 100 000 litres d’eau à l’hectare. J’ai 450 hectares… Ça prendrait la rivière au complet! Et j’ai des terres loin des sources d’eau », illustre Alain Gervais, de la Ferme RMA Gervais.

Ce dernier espère que les épisodes de sécheresse soient une anomalie et non une tendance. « Dans les années 90, on a été quelques années où on manquait de chaleur pour faire du beau maïs. Le climat s’est replacé », compare-t-il.

Son confrère Alain Lavallée abonde dans le même sens. « Deux ans dans le climat, ce n’est rien. Quand tu bats des records de 60 ans, c’est qu’il a fait chaud dans le passé. Est-ce que demain je vais acheter de l’irrigation? Pas pour l’instant. Est-ce qu’on va arrêter de drainer nos terres? Non, jusqu’à preuve du contraire, on va continuer à faire ce qui nous donnait du succès. Et il suffit de quelques bonnes pluies cet été et on pourrait peut-être dire à l’automne que c’est une excellente récolte de maïs et de soya », nuance le propriétaire de la Ferme Agri-Vallée.


Un dossier complet sur la sécheresse sera publié dans l’édition de La Terre de chez nous du 30 juin 2021.
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