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Des producteurs des secteurs maraîcher et horticole appréhendent l’entrée en vigueur de la seconde phase du Règlement sur la récupération et la valorisation de produits par les entreprises, l’an prochain. Même si une partie du règlement s’étend au milieu agricole depuis 2023, la structure pour gérer la récupération et le recyclage des tonnes de plastiques utilisées chaque année par l’industrie maraîchère et horticole tarde à se mettre en place.
À un an de l’imposition aux maraîchers et aux horticulteurs du règlement sur la récupération et la valorisation des plastiques agricoles, les producteurs savent manifestement peu de choses sur ce qui les attend. Les plastiques qu’ils utilisent seront recyclés, bien, mais lesquels? Tous? Les producteurs à qui nous avons parlé ne savent pas trop. Ils doutent, en fait, que la chose soit possible pour tous les plastiques qu’ils utilisent. « La forme de plastique qu’on utilise est problématique, croit David Côté, des Jardins Damaco de Saint-Paul-d’Abbotsford, en Montérégie. Elle est tellement de basse qualité que son recyclage devient presque impossible à faire », dit-il. Une partie de ces plastiques se trouve également au sol, observe Jonathan Rainville du Terroir de Dunham, en Estrie, ce qui complique son recyclage. « Les rangs de plastique qu’on déroule, par exemple, pour la production de fraises ou de légumes, sont en contact direct avec le sol. C’est souvent sale et ça devient dispendieux à nettoyer par rapport à la valeur que ça a. »
Christine Lajeunesse, directrice pour l’Est du Canada de l’organisme sans but lucratif AgriRécup, soutient que la technologie existe pour recycler une bonne partie des plastiques. AgriRécup coordonne, au nom des fournisseurs, l’application du règlement pour cinq des sept sous-catégories de plastiques agricoles qui y sont soumises depuis 2023. « En Californie, ils utilisent des quantités phénoménales de paillis de plastique et ils sont capables de le recycler », illustre-t-elle. « Ils travaillent avec des équipements spécialisés pour le récolter. Le plastique est prénettoyé au moment de la récolte par la machine. Il reste encore des résidus sur le plastique, mais il est beaucoup plus propre et plus facile à recycler », ajoute Christine Lajeunesse.
Si le recyclage des plastiques souillés est techniquement possible, David Côté se demande si le jeu en vaut la chandelle.
Le temps risque de manquer
D’ici à ce que le recyclage des plastiques des maraîchers et des horticulteurs se fasse, un problème plus urgent semble sur la table. Les fournisseurs de plastiques doivent identifier qui gérera le règlement en leur nom. À un an de son application, ils ne l’auraient toujours pas fait, selon Christine Lajeunesse. « Quand on prend en charge de nouveaux plastiques, il faut avoir le temps de se préparer. Ça prend au moins un bon deux ans pour bien le faire. »
Dans ces conditions, la directrice d’AgriRécup voit mal comment le règlement pourrait s’appliquer en juillet 2025. « C’est plus qu’urgent que les fournisseurs se parlent pour déterminer comment ils veulent gérer tous ces plastiques. S’ils veulent bien faire les choses, c’est important de s’organiser le plus tôt possible pour ne pas imposer tout ça aux agriculteurs à la dernière minute. »
Les producteurs s’organisent
Le flou apparent qui entoure l’application du règlement n’empêche pas les producteurs maraîchers et horticoles de chercher des moyens de réduire leur consommation de plastiques. « Je suis aussi tanné de dérouler du plastique que d’utiliser des pesticides », soutient Jonathan Rainville. Certains, comme David Côté, explorent déjà d’autres méthodes que les plastiques traditionnels. « On est déjà à 70 % avec du plastique de résine de maïs biodégradable. C’est déjà un bon avancement », estime le producteur.
Ce qui fonctionne pour certaines cultures se révèle toutefois inadapté pour d’autres. Jonathan Rainville, par exemple, imagine difficilement ce type de plastique dans ses champs. « Si je prends la fraise, par exemple, où le plastique sera en place pendant deux ans, parfois plus, la membrane va se dégrader trop rapidement par rapport à nos besoins. » L’agriculteur a plutôt opté pour la culture des fraises en tunnels. Le plastique demeure, mais se recycle mieux puisqu’il n’est pas contaminé par la terre et la matière organique.
David Côté estime néanmoins que le gouvernement va trop vite avec son règlement. « On dirait qu’on saute des étapes, dit-il. D’après moi, il devrait y avoir un débat et le règlement devrait prévoir des exceptions parce que recycler le plastique agricole, c’est compliqué. »