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Dans le but de réduire l’émanation du méthane (CH4), Zelp, une entreprise britannique, a confectionné un harnais pour les vaches. Il s’agit d’un genre de masque doté d’une « technologie intelligente » qui captera le CH4 et qui devrait être commercialisé à compter de l’année 2022.
L’entreprise britannique — dont la mission est la réduction de l’impact environnemental du bétail — indique que le principe actif de son dispositif est de neutraliser les « exhalations de méthane du bétail à la source » en « temps réel » pour réduire son émission.
Lorsqu’ils s’alimentent, les bovins libèrent 90 à 95 % de méthane par les narines et la gueule quand ils éructent. Le dispositif de Zelp est équipé d’un GPS qui permet de suivre l’animal en tout temps. Il fonctionne à l’énergie solaire et enregistre les données émanant de la vache telles que : la quantité de méthane produite, son état de santé et son comportement. L’entreprise affirme que son invention répond aux exigences en matière de bien-être des bovins.
Selon les concepteurs, l’appareil, fixé au-dessus du naseau de la vache, captera le CH4 qu’elle produit. Il le filtrera et le transformera en vapeur d’eau puis en CO2 qui seront ensuite libérés dans l’atmosphère.
En 2014, le site français Web-agri estimait à 1,7 milliard le nombre de bovins dans le monde. L’élevage représente 14 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) avec 40 % de méthane rejeté. Le CH4 a un pouvoir de réchauffement global 80 fois supérieur au dioxyde de carbone (CO2).
La production de méthane traduit un bon fonctionnement du rumen, mais cela n’est pas sans conséquence pour l’environnement. « Le méthane à un grand pouvoir radiatif et il a augmenté considérablement depuis une cinquantaine d’années », explique Yves Prairie, professeur au Département des sciences biologiques à l’UQAM.
Les limites de l’innovation
Or, les bovins ne sont pas les seuls ruminants qui émettent du méthane. Ce qui soulève donc quelques interrogations à propos des autres animaux et ceux non domestiqués, notamment. Faudra-t-il leur mettre également ce dispositif?
Cette interrogation pourrait en faire sourire plusieurs. Toutefois, il y a une autre qui est matière à réflexion dans l’action collective pour limiter l’impact des gaz à effets de serre. Quand bien même le méthane a un impact sur l’environnement nettement supérieur au CO2, il dure 10 fois moins que ce dernier dans l’atmosphère. En effet, le CH4 met 12 ans pour disparaître tandis que le CO2 met 100 ans. Et c’est là où le bât blesse. « Il y a un côté absurde à cette idée », admet le professeur Prairie, expert en gaz à effet de serre. Toutefois, il souligne dans son analyse qu’il est « mieux de convertir le méthane [en CO2] avant qu’il ne soit émis ».
Cette innovation laisse perplexe Marc Soly, éleveur à la Ferme Lincoln, de Roxton Pond en Montérégie. D’autant plus qu’il existe déjà une « alimentation qui permet de réduire la production de méthane des vaches », rappelle-t-il. Il souligne aussi que l’usage de ce dispositif engendrera des coûts supplémentaires, alors que la plupart des éleveurs éprouvent des difficultés. Il estime que cette dépense additionnelle pourrait freiner une majorité d’éleveurs.
De plus, le comportement du bétail reste l’autre paramètre qu’il faudra prendre en considération dans l’équation, soutient l’éleveur dont le troupeau compte une soixantaine de têtes. Même s’il soulève les charges et autres difficultés qu’engendrerait cette innovation, Marc Soly ne lui ferme pas totalement la porte.
Selon le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), sur une période 20 ans, l’effet de réchauffement du CH4 est 80 fois plus fort que celui du CO2. Il est à la base de 30 % du réchauffement de la planète. « Il y a bien des écosystèmes qui ont été perturbés et qui émettent du méthane », souligne Yves Prairie.
À l’initiative des États-Unis, durant la première semaine de la COP26, 90 pays, dont le Canada, se sont engagés à réduire de 30 % d’ici à 2030 l’émanation du méthane par rapport à 2020. Cependant, cet accord laisse transparaître quelques faiblesses avec notamment le refus de certains gros pollueurs de le ratifier. En effet, cinq des dix pays qui émettent le plus de CH4 dans le monde n’ont pris aucun engagement pour réduire ce GES. De plus, le texte est muet en ce qui concerne l’élevage intensif, source importante de l’émission du méthane.
Or, l’ONU préconise une réduction de 45 % de l’élevage intensif d’ici 2030 pour avoir un réel impact sur le changement climatique. L’objectif pour les Nations unies étant de réduire de 0,3 % le réchauffement climatique.
Par Benoît Dosseh
Cet article a été produit en association avec le cours Quête de sens journalistique, animé par Jean-François Gazaille à l’Université du Québec à Montréal