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Deux ans après l’entrée en vigueur du règlement original sur la compensation pour l’atteinte aux milieux humides et hydriques, Québec publie un projet de loi visant à assouplir le règlement, tel que demandé par des intervenants municipaux et agricoles.
Rappelons que la Loi sur la qualité de l’environnement prévoyait que tous les travaux réalisés dans des milieux humides et hydriques devaient faire l’objet d’une autorisation ministérielle, laquelle est généralement conditionnelle au paiement d’une contribution financière pour compenser la destruction ou l’atteinte à ces milieux. C’était le cas, par exemple, pour un acériculteur qui voulait construire une station de pompage dans un endroit considéré comme un milieu humide. Or, la présente modification proposée par le gouvernement dans la Gazette officielle du Québec, soumise à une période de consultation de 45 jours, propose de dispenser les acériculteurs de telles exigences pour l’aménagement de stations de pompage et l’enfouissement de tubulure, par exemple.
Les travaux en forêt se voient aussi moins contrariés par la nouvelle proposition de Québec, au grand soulagement de Martin Caron, 1er vice-président de l’Union des producteurs agricoles et responsable du dossier de l’environnement. « Ce qui est proposé présentement, c’est une bonne ouverture pour les acquis agricoles et forestiers. On va pouvoir rentrer dans nos boisés situés en zone humide sans devoir payer de compensation qui, au départ, était tellement élevée que peu de personnes auraient pu payer », dit-il. Un autre point qui réjouit Martin Caron est la volonté de Québec de faire payer en travaux et non en argent les agriculteurs qui voudraient intervenir en milieu humide pour agrandir une terre, par exemple. « Dans les cultures, on assujettit des travaux au lieu de compensations. Ça peut être d’aménager une zone tampon de 3 m dans la zone en question ou de recourir à des cultures de couverture afin de ne jamais laisser le sol à nu », énumère M. Caron. Ce dernier affirme que les nombreuses représentations ont porté fruit, tout comme les efforts des agriculteurs envers les milieux humides.
Même assouplie, la réglementation impose cependant certaines mesures aux producteurs forestiers et agricoles. Des producteurs devront produire une déclaration de conformité entérinée par un professionnel pour effectuer des travaux en milieu humide et dans certaines régions, il faudra même obtenir une autorisation ministérielle au coût d’environ 700 $.
19 % des milieux humides perdus
La chercheuse Stéphanie Pellerin, qui se spécialise dans le domaine des milieux humides et hydriques, se dit déçue par les assouplissements proposés par Québec. « Au départ, l’objectif était de ne plus avoir de pertes [de milieux humides], mais maintenant, c’est clair qu’on ne sera jamais capable d’atteindre le zéro perte. Sociétalement, nous sommes tous perdants. Détruire l’environnement a un coût », dit celle qui a travaillé à contrat pour le ministère de l’Environnement afin de brosser le portrait de la perte des milieux humides dans les basses-terres du Saint-Laurent en 2013.
Dans cette portion du territoire, la perte de ces milieux était attribuable principalement à l’agriculture (44 %) et à l’industrie forestière (25 %). À son grand étonnement, le développement résidentiel ne représentait que 5 % des superficies perdues. Désormais à l’emploi de l’Institut de recherche en biologie végétale de l’Université de Montréal, Stéphanie Pellerin rappelle que 19 % des milieux humides ont ainsi été détruits en 20 ans, et la destruction se poursuit, assure-t-elle. « C’est fait en cachette. Des milieux humides sont grugés petit à petit chaque année. Une bande de 20 mètres, ça ne paraît pas, mais l’accumulation de ces pertes fait la différence. On le voit sur les photos et souvent, les gens connaissent les milieux humides. Ils le font en se disant que les règlements vont s’assouplir.
Il y a un peu d’aveuglement volontaire », constate la chercheuse. Elle rappelle que les milieux humides sont pourtant précieux pour les producteurs agricoles, puisqu’ils atténuent les sécheresses et offrent une protection contre les inondations. Mme Pellerin comprend toutefois les agriculteurs qui veulent maximiser la superficie d’une terre qu’ils ont achetée sans savoir qu’elle comprenait des milieux humides. À ce sujet, elle souligne qu’il faudrait inscrire dans la déclaration du vendeur la présence de milieux humides et les frais qui y sont rattachés si le futur propriétaire veut les détruire.