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Deux agriculteurs de régions différentes ont témoigné à La Terre avoir vécu une très mauvaise expérience après avoir accepté des centaines de chargements de terre de remblai. Ils conseillent à leurs confrères de se méfier et, surtout, de se protéger au préalable avec un contrat écrit comprenant des clauses précises.
Le producteur laitier Normand Malette, de Mirabel, dans les Laurentides, a accepté de la terre de remplissage venant d’un chantier de construction. Si l’objectif consistait simplement à couvrir un cap rocheux dans son champ, les livraisons de terre se sont plutôt soldées par des coûts insoupçonnés, du stress et une partie de champs qui est encore incultivable après cinq ans.
« L’entente, c’était qu’il livre une centaine de voyages et qu’il s’arrange pour placer la terre. Mais selon des gens qui connaissent ça, j’ai plutôt reçu environ 1 000 voyages! J’ai tenté de le bloquer et il a fortement insisté pour continuer. Ça m’a fait une montagne de terre et de… roches », raconte le producteur. « Le problème c’est qu’il a tout laissé là. J’ai essayé de l’appeler, mais il m’a bloqué sur son téléphone. Alors je le fais moi-même. Je suis rendu à 20 000 $ de pelle pour replacer la terre à mes frais. Et ce n’est pas fini; j’ai trois hectares de champs que je ne peux pas cultiver », exprime-t-il amèrement.
D’autant plus que le va-et-vient des camions a attiré l’œil des inspecteurs de la ville. « Il aurait fallu que je prenne un permis pour faire rentrer autant de terre. Selon le volume, le permis me coûterait 9 000 $. Je n’ai pas l’argent pour ça. Déjà qu’il a fallu que je paie un agronome, car la Ville demandait une preuve signée comme quoi ça resterait agricole », explique-t-il.
Son chemin de croix s’est poursuivi, car le ministère de l’Environnement s’en est ensuite mêlé. Heureusement pour lui, les tests de sol n’ont pas révélé de terre contaminée. « Une chance, car sans contrat, je n’aurais pas eu grand recours… Et décontaminer tout ça m’aurait coûté une fortune. »
« Le jour où tu te tournes les yeux »
En Montérégie, Julien Dupasquier a également reçu des livraisons de terre qui ont pris une mauvaise tournure. « J’ai vu des annonces sur Internet. Pour moi, c’était intéressant, car je voulais remplir des baissières de mon champ et tout était clé en main. La compagnie avait environ 1 000 voyages à me livrer et ils étendaient ça avec un bulldozer équipé d’un laser. Au début, j’ai eu 20 super beaux voyages de bonne terre. Après, le jour où tu te tournes les yeux, il y a de la roche qui rentre. C’est un petit test pour voir si tu réagis. Ensuite, de la brique, des racines, des morceaux de bois, de la glaise bleue qui ne sèche pas… C’est là que ç’a pris une dérape », décrit-il.
Le plan, un peu comme chez Normand Malette, consistait à enlever la couche arable, creuser pour enfouir les roches et la moins bonne terre, pour enfin recouvrir le tout de bonne terre. « Ils ont fait d’immenses tas, et ils sont partis avec le bull faire d’autres jobs! Je savais que je perdrais ma saison de culture 2022, mais je ne voulais pas perdre la 2023, alors j’ai loué un bull et je l’ai étendue moi-même, à mes frais », peste-t-il.
Lui non plus n’avait pas de contrat écrit. « C’est là, l’erreur », affirme M. Dupasquier, qui a fait affaire avec une compagnie à numéro. Il a voulu se faire payer ses frais de près de 30 000 $, mais la compagnie a refusé. Ne voulant pas s’embourber dans les frais d’avocats, il s’est entendu pour recevoir une somme de 10 000 $. « Je paie de ma poche le diesel, l’érocheuse à 275 $ de l’heure et mon temps. Ce qui me fait mal, c’est que l’entreprise à numéro a peut-être fait 80 000 $ en venant domper chez moi la terre qui venait de la construction de condos à Brossard. »
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