Ce contenu est réservé aux abonné(e)s.
Pour un accès immédiat,
abonnez-vous pour moins de 1 $ par semaine.
S'abonner maintenant
Vous êtes déjà abonné(e) ? Connectez-vous
Un programme de suivi volontaire des sols sera mis en place prochainement à travers le Québec pour permettre aux autorités de déterminer plus rapidement les niveaux sécuritaires de polluant émergents, comme les PFAS (substances perfluoroalkylées ou polyfluoroalklylées), qui se retrouvent dans les biosolides épandus sur les terres agricoles.
« Les personnes qui veulent connaître les niveaux de PFAS dans les biosolides qu’ils utilisent pour fertiliser leurs sols pourront envoyer des échantillons pour les faire analyser en s’inscrivant volontairement au projet », a annoncé Sébastien Sauvé, professeur au Département de chimie de l’Université de Montréal, dans le cadre d’une discussion en ligne portant sur les PFAS dans le milieu agricole, le 8 février.
Ce modèle de « science participative », a spécifié M. Sauvé, a été mis en place par l’Université de Montréal ainsi que les ministères de l’Environnement et de l’Agriculture du Québec pour accélérer les recherches afin de rassurer le milieu sur cet enjeu, qui a fait grand bruit au cours des derniers mois.
Il a rappelé qu’un projet de recherche sur les risques associés aux PFAS est déjà en cours depuis quelques années. « Mais pour définir les seuils maximums acceptables avec des données probantes, il faut entre trois et cinq ans d’analyses. Il fallait donc trouver un moyen plus rapide pour rassurer le secteur », a-t-il précisé.
Les premiers résultats de ces échantillonnages sont attendus au printemps, et l’équipe espère mobiliser des producteurs agricoles de toutes les régions du Québec afin d’avoir un portrait de la situation sur tout le territoire.
Des niveaux qui seraient peu inquiétants
Selon le ministère de l’Environnement du Québec, l’absence d’industries qui produisent des PFAS au Québec contribue à minimiser le risque de leur présence en fortes concentrations dans les eaux usées et, par conséquent, dans les boues d’épuration. Toutefois, puisque ces contaminants sont présents en abondance dans divers produits de consommation, comme les poêles de téflon, les produits d’emballage alimentaire, les vêtements, les cosmétiques, et même dans l’eau potable, « il faut accepter qu’il y en ait toujours un peu dans les eaux usées puisqu’ils entrent dans l’alimentation humaine », a précisé le chercheur.
Le défi auquel son équipe fait face est de déterminer quel est le niveau acceptable de ces contaminants dans les boues municipales pour que celles-ci puissent être épandues sans crainte sur les terres agricoles. Le critère qui fait actuellement l’unanimité dans la communauté scientifique est de comparer les niveaux de PFAS des biosolides à ceux qui se retrouvent dans le fumier animal. « Si les échantillons montrent des niveaux similaires [à ceux retrouvés dans les fumiers animaux], l’épandage pourrait se faire sans problème. Mais s’ils sont plus élevés, il serait plus prudent de suspendre l’épandage et d’identifier la source de la contamination », suggère M. Sauvé.
Le ministère de l’Environnement précise, de son côté, que d’autres contaminants émergents seront analysés dans le cadre de ce projet, dont les microplastiques. Un échantillonnage des eaux usées de 10 % des stations de traitement du Québec, sélectionné pour permettre d’avoir un portrait représentatif des types d’eaux traitées dans la province, est aussi prévu en 2024.
Malgré tout, le ministère souligne que les PFAS ne font pas partie des contaminants identifiés comme prioritaires en santé environnementale. Cette liste est dressée par l’Institut national de la santé publique du Québec à partir des données des substances retrouvées dans le sang des Québécois. « L’ensemble de nos indicateurs ne pointent pas vers une nécessité de normes immédiates [pour les PFAS] dans les biosolides », précise-t-il.
Ces substances chimiques, utilisées dans l’industrie depuis les années 1940, pourraient entre autres augmenter les risques de cancer chez l’humain et entraîner une diminution de la réponse immunitaire.
Les PFAS réglementés depuis 2001
Au Québec, comme partout au Canada, une réglementation fédérale interdit depuis plusieurs années la fabrication, l’utilisation, la vente et l’importation des PFAS les plus toxiques, persistantes et bioaccumulables dans l’environnement. Cette mesure réglementaire résulte de la mise en application de la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants, signée et ratifiée par le Canada en 2001. Ce règlement permet entre autres de diminuer significativement la probabilité de contamination directe des biosolides canadiens par les procédés industriels et d’ainsi réduire les risques de présence de PFAS reconnus comme les plus toxiques en fortes concentrations dans les biosolides du Canada et du Québec, indique le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs. Par contre, les industries contournent aujourd’hui ces interdictions en utilisant d’autres types de PFAS, dont les effets sur l’environnement, encore peu connus, devront aussi être mesurés à long terme, a signalé Sébastien Sauvé, professeur au Département de chimie à l’Université de Montréal.