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Au moment d’écrire ces lignes, Hendrick Hassert, de la firme québécoise de services-conseils Logiag, prenait l’avion en destination du Colorado pour rencontrer l’équipe de la multinationale General Mills afin de discuter des premières réductions de gaz à effet de serre (GES) d’un projet pilote impliquant une trentaine de fermes laitières du Québec. La suite des choses est prometteuse, mais l’un des nouveaux éléments de la conversation concerne la forme de rémunération que pourraient recevoir les producteurs de lait québécois qui participent au projet.
« Ça fait deux ans qu’on a lancé le projet pilote. Au début, on a brassé beaucoup de paperasse, on a fait les inventaires des émissions de gaz à effet de serre des fermes et on les a accompagnées pour qu’elles mettent en place des pratiques de transition climatique. Mais là, on se rend compte qu’il a des réductions de GES dans certaines fermes et on est capables de faire certifier ces réductions. General Mills serait prêt à aller plus loin, en élargissant le projet à un plus grand nombre de fermes du Québec, mais avant, il faut qu’on discute pour savoir c’est quoi, le deal avec les fermes? » explique celui qui est directeur de la stratégie climat chez Logiag.
Cette firme agit comme facilitateur entre les agriculteurs et General Mills. Elle s’occupe de prendre les échantillons, de compiler les données, de remplir les nombreux formulaires et de faire certifier les diminutions de GES par un organisme externe. Pour l’instant, la majorité des frais de ce projet pilote ont été payés par le géant de l’alimentation américain. Celui-ci a investi dans le projet pilote avec l’objectif d’utiliser les diminutions de GES des fermes laitières pour diminuer l’empreinte environnementale de ses propres produits laitiers. La question est maintenant de savoir si les producteurs laitiers vont accepter d’associer leurs diminutions à General Mills ou vont demander d’être rémunérés.
Ce dernier précise qu’il ne s’agit pas, pour les 30 producteurs, de vendre des crédits carbone. Il s’agit d’un transfert de diminutions de GES à travers une même chaîne de valeur (insetting, en anglais). Un fournisseur, comme le producteur de lait, déclare ses baisses d’émissions, qu’il associe à un transformateur, comme General Mills, qui peut, à son tour, les associer à un détaillant comme l’épicier Metro, etc.
À Saint-Louis-de-Gonzague, en Montérégie, Christian Brault, qui fait partie des 30 fermes du projet pilote, se réjouit que les efforts de réduction des GES en agriculture puissent enfin avoir une valeur. « On a beaucoup entendu parler du carbone. Aujourd’hui, la bonne nouvelle, c’est qu’il y a du concret. Mais la mise en marché [des réductions de GES], ce n’est pas évident à évaluer. General Mills voudrait qu’on lui donne, mais ça ne fait pas l’unanimité dans le groupe. Si c’est monnayable, on veut faire de l’argent nous aussi. Sauf que sans General Mills, je n’aurais sûrement pas fait faire mon bilan. Il y a donc encore beaucoup de points d’interrogation. L’important, c’est que ça soit gagnant-gagnant », affirme le copropriétaire de la Ferme Brault et Frères, qui possède 250 vaches laitières.
Quant aux crédits carbone (offsetting, en anglais), ce type de marché est peu accessible aux agriculteurs pour l’instant. D’ailleurs, en vendant ses diminutions de GES, une ferme ne pourrait plus les comptabiliser dans son empreinte et fera plutôt bénéficier un autre secteur économique. Par exemple, si le producteur de lait vend ses diminutions de GES à une compagnie pétrolière, cela signifie qu’il fera diminuer l’empreinte environnementale du pétrole et non de son propre produit.
Un incitatif financier provenant des contribuables
Les producteurs agricoles ont indirectement une autre entente pour monétiser leurs diminutions de GES, cette fois avec les contribuables. En effet, le gouvernement fédéral a réservé un budget de 704,1 M$ pour le Fonds d’action à la ferme. De ce montant, 34,2 M$ ont été alloués à l’Union des producteurs agricoles pour qu’ils aident les agriculteurs du Québec à intégrer des cultures de couverture et à diminuer l’utilisation de l’azote afin de réduire leurs émissions de GES. Ecocert Canada a également reçu 7,7 M$ du Fonds d’action à la ferme pour aider les agriculteurs biologiques à réduire de la même façon leurs émissions et l’Association canadienne pour les plantes fourragères a reçu 16,6 M$ pour accroître la séquestration du carbone en améliorant la rotation des pâturages, dont ceux du Québec.