Environnement 11 février 2023

Des engrais verts pour minimiser les émissions de gaz à effet de serre

L’agriculture contribue à 9 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) anthropogéniques provinciales. Environ 40 % de ces émissions sont produites sous forme de protoxyde d’azote (N2O), un GES au puissant potentiel de réchauffement planétaire.

Les émissions de N2O sont produites par les microbes dans le sol, au cours des processus de nitrification et de dénitrification. Selon les conditions environnementales spécifiques à un champ, certaines pratiques agricoles influencent la disponibilité en azote et en carbone et les conditions d’oxydoréduction et, par conséquent, affectent la production de N2O. Par exemple, les émissions de N2O induites par l’application d’un fertilisant azoté organique (ex. fumier de poulet) sont généralement plus élevées que celles induites par l’application d’un fertilisant azoté de synthèse (ex. nitrate d’ammonium) sur un sol loameux, mais pas sur un sol argileux (Pelster et coll., 2012; Zhou et coll., 2017). 

L’agriculture en régie biologique utilise uniquement des sources d’azote organique puisque les fertilisants de synthèse sont prohibés par les normes biologiques. Les engrais verts en dérobée en sont un exemple. Après leur enfouissement, les nutriments contenus dans leur biomasse sont recyclés, permettant de remplacer ou de réduire l’apport en azote nécessaire provenant d’une application de fumier. 

Les systèmes culturaux incluant des engrais verts en rotation pourraient atténuer les émissions de N2O en évitant les excès en azote dans le sol au printemps et en synchronisant les concentrations en azote disponible avec les besoins des cultures. Pour vérifier cette hypothèse, un essai au champ a été réalisé à l’Institut national d’agriculture biologique (INAB), à Victoriaville, sur un loam sableux. Les émissions de N2O ont été mesurées au cours de deux saisons de culture (fin avril à début novembre 2019 et 2020). Les résultats de cette expérimentation ont été publiés récemment dans un article de la revue scientifique Agriculture, Ecosystems & Environment (D’Amours et coll., 2023).

Et le rendement?

Des différents systèmes culturaux évalués, c’est celui combinant le travail réduit du sol (chisel à 20 cm de profondeur) et l’utilisation d’engrais verts en dérobée (pois fourrager) qui a émis le moins de N2O à l’échelle de la surface, soit environ 50 % des émissions des systèmes culturaux avec fumier de poulet. Lors de l’essai au champ, nous avons cependant constaté des rendements en grain environ 30 % plus faibles dans le système cultural avec engrais verts, en comparaison avec des systèmes culturaux avec fumier de poulet, pour des cultures de maïs-grain et d’orge.

Malgré leurs faibles émissions de N2O, les systèmes culturaux biologiques sont souvent critiqués pour leur productivité diminuée. Toutefois, des études ont démontré une certaine efficience des systèmes culturaux biologiques en rapportant les émissions de N2O à l’échelle du rendement (ratio des émissions de N2O à l’échelle de la superficie et des rendements). Au cours de notre étude à l’INAB, les émissions de N2O à l’échelle du rendement du système avec engrais verts se sont révélées équivalentes à celles des systèmes culturaux avec labour ou chisel et fumier de poulet, confirmant les résultats obtenus lors d’une étude antérieure (Biernat et coll., 2020).

La diminution des rendements pourrait être minimisée dans les systèmes culturaux avec engrais verts ou compensée par l’amélioration de différents paramètres de santé des sols. Les engrais verts stimulent l’activité biologique du sol par l’apport de biomasse des végétaux. En libérant des polysaccharides, les exsudats des racines et les microorganismes favorisent la formation de macroagrégats et améliorent la structure du sol. D’autre part, l’intensité de travail du sol influence la teneur en oxygène dans le sol. Un excès en oxygène stimule les populations de bactéries qui consomment les polysaccharides et détruisent la structure du sol. Un travail réduit du sol combiné à l’apport de biomasse de certaines espèces d’engrais verts pourrait, à long terme, augmenter la matière organique, la vie biologique du sol et la productivité de ces systèmes culturaux. 

L’utilisation de pratiques de conservation des sols, comme l’usage d’engrais verts en dérobée, est fortement encouragée, notamment par la mise en place de mesures de rétribution des pratiques agroenvironnementales. Sur des sols bien drainés, la combinaison du travail réduit et de l’utilisation d’engrais verts pourrait s’avérer un outil efficace pour minimiser les émissions de N2O, tout en favorisant la durabilité des systèmes culturaux. 


Cet article a été publié dans le cahier Grains de janvier 2023.