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YAMACHICHE – Des dizaines de projets de recherche et d’essais au champ ont été menés depuis quatre ans sur les terres agricoles du littoral du lac Saint-Pierre avec l’étroite collaboration de producteurs agricoles préoccupés par l’incidence de leurs activités sur les habitats fauniques. Environ une cinquantaine d’agriculteurs des rives nord et sud du lac ont ainsi été en mesure de constater l’ampleur de leur contribution à l’occasion d’une rencontre tenue à Yamachiche, en Mauricie, le 16 janvier, pour présenter les résultats du projet déployé, baptisé En action pour le lac Saint-Pierre.
« Le vécu et les expériences des producteurs ont vraiment été mis à contribution dans toutes les étapes de cette recherche », explique Chantal Foulds, coordonnatrice Recherches et politiques agricoles à l’Union des producteurs agricoles (UPA). « Les chercheurs comme les producteurs ont grandement apprécié cette collaboration. »
Ce projet a été lancé en 2019 pour mesurer, d’une part, l’effet des activités agricoles des 185 exploitations agricoles riveraines du lac Saint-Pierre dans les régions de Lanaudière, de la Mauricie, du Centre-du-Québec et de la Montérégie, et d’autre part, pour inciter les producteurs à modifier leurs pratiques culturales afin de préserver et même de restaurer les habitats fauniques du littoral. Des chercheurs des universités Laval, McGill et du Québec à Trois-Rivières ont ausculté les écosystèmes du lac dans le cadre de ce qui est considéré comme l’une des plus vastes enquêtes scientifiques impliquant le milieu agricole au Québec.
Les équipes de chercheurs ont donc travaillé en étroite collaboration avec les producteurs riverains afin de pouvoir accéder à leur terre, d’y faire de l’échantillonnage et d’utiliser des parcelles pour mener des essais. Les travaux se sont particulièrement intensifiés au cours des deux dernières années.
Les producteurs ont embarqué
Plusieurs mois ont été consacrés à brosser le portrait des pratiques agricoles autour du lac Saint-Pierre sur la base des informations fournies par 84 entreprises agricoles cultivant 3 450 des 5 000 hectares de terres exploités sur le littoral dans les quatre régions touchées. « Les premiers mois ont été consacrés à bien informer les producteurs, à solliciter leur collaboration après avoir identifié les sites les plus propices pour mener les travaux de recherche », précise Mme Foulds.
Le producteur laitier Claude Lefebvre, de la Ferme Gerville, qui est aussi maire de Baie-du-Febvre, est l’un de ceux qui ont adhéré au projet dès son lancement.
« Il y avait quelque chose de nouveau pour les producteurs, alors on était dans l’inconnu et il y avait un certain scepticisme. Mais d’un autre côté, c’était l’occasion pour les producteurs de s’impliquer pour démontrer qu’il est possible de faire de l’agriculture qui réponde aux préoccupations environnementales de la société. »
M. Lefebvre a participé à plusieurs essais d’implantation d’alpiste roseau dans ses champs et « espère de bons résultats cette année », malgré les inondations printanières. Plus récemment, il a aussi participé à une recherche sur les rejets de minéraux par les animaux, qui influencent les analyses de sol.
Comme plusieurs producteurs autour du lac Saint-Pierre, le producteur laitier a accompagné les chercheurs dans ses champs de la plaine inondable. « On a eu de belles occasions d’échanger avec les chercheurs, de leur faire part de la réalité du terrain qui leur a permis de constater que les protocoles de recherche n’étaient pas toujours applicables dans le champ. » Claude Lefebvre en vient donc à la conclusion que le projet de recherche a été profitable autant pour les producteurs que pour les scientifiques.
Cultures de couverture
Parallèlement aux travaux effectués par les équipes de chercheurs, des initiatives ont été lancées dans les quatre régions pour inciter les producteurs à adopter des pratiques culturales moins dommageables pour les écosystèmes du littoral et pour les accompagner dans leurs efforts. Ils ont donc été encouragés à avoir recours aux cultures de couverture en intercalaire et aux cultures fourragères, à réduire le travail du sol, puis à favoriser les pratiques permettant de réduire l’utilisation de pesticides.
Lors de la rencontre de Yamachiche, deux producteurs exploitant des terres sur le littoral ont été invités à faire état de leurs expériences de cultures de couverture. Patrick Benoit, de la ferme éponyme, qui exploite 300 hectares en régie biologique à Saint-Robert, près de Sorel, a expliqué avoir réalisé des cultures intercalaires l’an dernier, notamment sur 150 hectares de terres du littoral.
« C’est certain que ça demande des efforts, des investissements de plus, mais ça rapporte à long terme », a-t-il dit. « Mes décisions sont réfléchies. Je pense au futur, pas seulement au moment présent. »
Le producteur Michel Forget, de la Ferme Bayonne, de Sainte-Geneviève-de-Berthier, abonde dans le même sens, lui qui réalise depuis deux ans des essais pour trouver la plante de couverture la mieux adaptée pour ses champs. En 2021, les essais ont porté sur la culture de lotier dans le soya, et l’implantation d’une graminée pérenne, puis l’an dernier, sur l’implantation de trèfle huia dans les champs de brocolis. « Ça ne va pas toujours à la vitesse qu’on souhaiterait, mais c’est certain qu’on va y arriver », a-t-il dit à ses confrères.
Les travaux se poursuivent Le vaste projet de recherche sur l’incidence de l’agriculture sur le littoral du lac Saint-Pierre est en voie d’être complété, mais l’intérêt des chercheurs est loin d’être tari et les efforts des producteurs riverains se poursuivent. Il y a eu de nombreuses initiatives dans les quatre régions du littoral pour créer des groupes de producteurs souhaitant travailler en collégialité pour adapter leurs pratiques culturales aux exigences de la protection des écosystèmes. Plusieurs cohortes de producteurs ont ainsi été créées, tantôt pour se pencher sur la réduction du travail du sol, tantôt pour optimiser et maintenir les pâturages, tantôt encore pour favoriser la plantation d’arbres et d’arbustes en bordure des champs et des cours d’eau. Et plusieurs producteurs s’impliqueront également dans les recherches en amont du lac Saint-Pierre, portant par exemple sur l’état de petits affluents qui traversent les champs pour se jeter dans le fleuve. Patrick Benoit est au nombre de ces producteurs qui restent impliqués. Lors de sa présentation à Yamachiche, il a attiré l’attention de certains experts lorsqu’il a souligné que la reproduction de perchaude pourrait bien être favorisée grâce aux tiges de céréales laissées dans les champs de la plaine inondable au moment de la récolte. Les chercheurs vont donc suivre l’affaire. |