La saison 2021 restera ancrée dans la mémoire de nombreux acériculteurs. La coulée monstre du 30 mars les a marqués, mais ce qu’ils retiendront surtout, ce sont les températures extrêmement chaudes qui ont entraîné des conséquences négatives : eau peu sucrée, production décevante et sirop plus foncé qu’à la normale.

Les cinq acériculteurs suivis par La Terre ne sont néanmoins pas amers, car après tout, la nature a le dernier mot. Voici la conclusion de notre tournée des régions.

Megan Giguère, Montérégie
Début de l’entaillage : 20 janvier
Première évaporation : 12 mars
Objectif de rendement : 4,25 lb/entaille
Dernière évaporation : 6 avril
Rendement final : 2,3 lb/entaille (545 lb à l’hectare)

« On a fait un peu plus de la moitié de notre quota. Dans le voisinage, ce n’est pas tout le monde qui a fait ça. C’est une réussite en soi. La leçon qu’on a retenue : même si tu mets tes installations sur la coche, c’est toujours mère Nature qui décide », dit Megan Giguère, qui exploite avec son père 8 500 entailles à Sainte-Christine, en Montérégie. Étudiant pour devenir ingénieure forestière, Megan sera en stage cet été auprès d’un ingénieur pour aménager les peuplements de sa propre érablière. « C’est vraiment cool. J’ai vu la théorie; là, ce sera la pratique. Par exemple, j’ai compris l’importance de la biodiversité. Si tu as juste des érables, leurs feuilles empêchent les jeunes arbres de pousser. Quand tu as d’autres essences, leurs feuilles viennent balancer le pH du sol », explique-t-elle.

Karine Douville, Capitale-Nationale
Début de l’entaillage : 4 janvier
Première évaporation : 13 mars
Objectif de rendement : 5 lb/entaille
Dernière évaporation : 16 avril
Rendement final : 3,6 lb/entaille (705 lb à l’hectare)

« On a étiré ça jusqu’au bout, mais ça ne coulait plus. Et pour bouillir, ça moussait beaucoup les deux derniers jours », décrit-elle. En guise d’anecdote, elle raconte qu’avec la fatigue, l’un de ses employés a oublié d’activer une valve, ce qui a envoyé l’eau d’érable d’une station vers la nature au lieu du bassin. « Des choses qui arrivent », dit-elle avec humour. Propriétaire d’une érablière de 32 000 entailles située à Saint-Ubalde, Karine Douville se dit fière du travail de son équipe. « On a vraiment fait tout ce qu’on pouvait pour aller chercher le plus d’eau possible. Je suis satisfaite de ma saison. La seule chose qu’on n’a pas pu contrôler, c’est la nature », résume-t-elle. Mme Douville procédera à plusieurs améliorations de son érablière durant la saison morte. Elle veut notamment allonger les chutes de 60 à 100 cm afin d’obtenir une plus grande plage d’entaillage.

Michaël Gagné, Chaudière-Appalaches
Début de l’entaillage : 14 décembre
Première évaporation : 12 mars
Objectif de rendement : 6 lb/entaille
Dernière évaporation : 10 avril
Rendement final : 4,11 lb/entaille

« Il n’y avait plus rien à faire; la chaleur nous a tués. La nature a eu raison de nous autres. C’est dommage parce qu’il y a eu des gelées et de la neige par la suite. On aurait pu aller chercher trois ou quatre jours de production supplémentaires si on avait réussi à s’y rendre. Au final, ce n’est pas une catastrophe, mais c’est ma plus petite saison en sept ans », raconte Michaël Gagné, qui compte 35 000 entailles avec sa conjointe à Saint-Jacques-de-Leeds. Il croit fermement que l’amélioration des techniques et l’étanchéité de son réseau de collecte d’eau lui ont permis de produire du sirop quelques journées de plus, même sans gelée la nuit. « Si ce n’était pas de ça, on aurait peut-être fait 0,5 lb ou une 1 lb de moins. Ce qui aurait été pas mal pire », analyse-t-il. Cette petite saison diminuera son niveau d’investissement dans l’érablière. Il entend toutefois effectuer des travaux qui aideront à maintenir l’eau d’érable plus froide à l’avenir, comme l’enfouissement de tubulure.

Mathieu Audy, Laurentides
Début de l’entaillage : mi-janvier 
Première évaporation : 20 mars
Objectif de rendement : 4,25  lb/entaille
Dernière évaporation : 10 avril
Rendement final : 3,25 lb/entaille (600 lb à l’hectare)

« Dans mon coin, la moyenne est de 3 lb à l’entaille, alors je suis satisfait d’être légèrement au-dessus. C’est certain qu’il y a quand même de la déception. J’aurais voulu faire plus de sirop. Surtout que le vacuum était bon et tous mes équipements fonctionnaient bien. Je faisais du sirop pâle comme jamais. Mais bon, on se dit à l’an prochain », commente Mathieu Audy, qui exploite 25 000 entailles en terres publiques à Sainte-Véronique. Pour une première fois, M. Audy n’a eu aucun pépin. « Je sors serein de ma saison des sucres et pas magané comme les deux autres années », partage-t-il.  L’acériculteur entend s’acheter un autre silo, afin de pouvoir stocker une plus grande quantité d’eau d’érable. Il lui reste aussi à régler son problème de main-d’œuvre.

Donald Ouellette, Bas-Saint-Laurent
Début de l’entaillage : mi-janvier
Première évaporation : 14 mars
Objectif de rendement : 5 lb/entaille
Rendement final :  4,2 lb à l’entaille (1 000 lb à l’hectare)

« On a fait le maximum qu’on pouvait. Et si on se compare au reste du Québec, je suis très satisfait de ma saison », dit Donald Ouellette à La Terre. Cet acériculteur de Saint-Michel-du-Squatec a arrêté son évaporateur le 19 avril. Il dit que d’autres voisins ont réussi à poursuivre les activités, mais de son côté, l’eau d’érable devenait contaminée et trop de mousse se formait dans l’évaporateur. Étant sous régie biologique, les anti-moussants se révèlent moins efficaces, ajoute-t-il. De toute façon, la production devenait moins rentable puisque l’eau peu sucrée (0,8 degré Brix) occasionnait de plus grands frais de concentration et de bouillage. De surcroît, le sirop commençait à présenter un goût de bourgeon, ce qui peut engendrer un revenu moindre. M. Ouellette espère obtenir une augmentation de contingent et le cas échéant, il profitera des subventions gouvernementales pour ajouter un deuxième évaporateur, peut-être électrique.

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