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Si rien n’est fait, la résistance aux antibiotiques pourrait causer plus de décès que le cancer d’ici 2050. Devant ce constat alarmant, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en appelle à un meilleur usage des antimicrobiens, tant chez les hommes que les animaux. Au Québec, la lutte à l’antibiorésistance entre dans une nouvelle phase.
Véritable « urgence de santé mondiale », les infections causées par des superbactéries provoquent déjà la mort de quelque 700 000 personnes chaque année, affirme le Comité britannique de révision sur la résistance aux antimicrobiens. Le bilan pourrait dépasser les 10 millions en 2050, soit plus que le cancer.
« La résistance aux antibiotiques augmente surtout à cause de leur surconsommation et de leur utilisation inappropriée, lors de la prévention ou le traitement des infections chez les hommes et les animaux », explique l’Agence de santé publique du Canada. Les dernières données de l’Agence indiquent que les animaux ont reçu environ 1,5 plus d’antibiotiques que les humains en 2016. Les éleveurs sont donc amenés à prêter main-forte.
Le Québec agit
Le Québec prend le taureau par les cornes. À compter du 25 février, les agriculteurs d’ici se verront interdire l’utilisation à des fins préventives des antibiotiques de très haute importance en médecine humaine, ceux de catégorie 1. De cette façon, les médicaments de cette classe ne pourront être employés qu’à des fins curatives et en dernier recours.
Le gouvernement fédéral vient aussi de resserrer sa réglementation. Depuis le 1er décembre, Santé Canada exige que les antibiotiques des catégories 1, 2 et 3, tous importants sur le plan médical, soient vendus sous prescription vétérinaire seulement. De plus, les éleveurs qui désirent s’en procurer devront faire l’objet d’un suivi vétérinaire, stipule Ottawa. Ce resserrement n’aura pas d’impact au Québec puisque les prescriptions vétérinaires sont obligatoires depuis près de 30 ans.
Surveillance
Depuis 1993, le ministère de l’Agriculture administre le Programme québécois d’antibiosurveillance vétérinaire. Les plus récents résultats publiés en 2017 démontrent une hausse significative de la résistance de certaines bactéries, telles qu’E. coli et Salmonella, à plusieurs antibiotiques. Le ministère a d’ailleurs pris position en faveur d’une utilisation judicieuse des antibiotiques et a mis de l’avant une campagne de sensibilisation.
Élevages porcins et avicoles
Au Québec, la filière porcine s’est déjà positionnée de façon consensuelle pour un meilleur usage, plus judicieux, des antibiotiques, résume Raphaël Bertinotti, directeur du Service santé, qualité, recherche et développement aux Éleveurs de porcs du Québec et coordonnateur aux maladies endémiques et antibiotiques à l’Équipe québécoise de santé porcine (EQSP). Celle-ci souhaite également réduire de 20 % l’utilisation des antibiotiques d’importance humaine d’ici 2020.
Du côté de la volaille, les producteurs de poulet canadiens ne sont plus autorisés à employer les antibiotiques de catégorie 1 depuis le 15 mai 2014. Ceux de la catégorie 2 sont interdits en prévention depuis la fin de 2018. La catégorie 3 devrait subir le même sort à la fin de 2020.
Chez les bovins
En production laitière, le seul antibiotique sans aucun retrait de lait homologué au Canada, le ceftiofur (ex. : Excenel, Spectramast), revêt une très haute importance en médecine humaine. Même si son usage était plus rentable à court terme, les agriculteurs devront se tourner vers des antibiotiques de classe inférieure, a rappelé le Dr Jean-Philippe Roy, professeur à la Faculté de médecine vétérinaire, lors du récent Symposium sur les bovins laitiers.
« La pharmacie est moins grande qu’avant », note pour sa part Fabien Fontaine, président de l’entreprise Délimax, spécialisée dans l’élevage et la transformation de veaux lourds. « Depuis un an, nous avons beaucoup changé nos pratiques pour éviter d’utiliser ces antibiotiques », ajoute Annie Dubuc, directrice technique chez Délimax.
Les éleveurs bovins sont conscientisés depuis plusieurs années à utiliser moins et mieux les antibiotiques, affirme pour sa part Jean-Thomas Maltais, responsable du dossier de la santé animale au conseil exécutif des Producteurs de bovins du Québec. Les agriculteurs s’inquiètent néanmoins d’éventuels délais de traitement supplémentaires avec la nouvelle réglementation. « Il va peut-être falloir perdre le réflexe d’aller directement au médicament le plus efficace », conclut le producteur de veaux d’embouche du Saguenay.
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