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Il devient de plus en plus évident que les changements climatiques auront un impact sur l’agriculture et en particulier sur la production laitière. Au-delà de la nécessité d’adapter les installations d’élevage des vaches pour améliorer leur confort et leur productivité, des changements dans l’alimentation des animaux peuvent aider les vaches en situation de stress de chaleur.
Le défi
À l’instar de ce qui se passe sous d’autres latitudes, au Québec, on observe des pertes importantes de production de composants laitiers durant les mois d’été. Ainsi, les tendances actuelles du réchauffement climatique représentent non seulement un défi pour garantir le confort et la santé des animaux, mais aussi pour la viabilité économique des exploitations laitières.
Les pertes de production observées en été pourraient être associées à plusieurs facteurs, tels que la photopériode, les changements de régime alimentaire et le stress thermique. Cependant, les recherches actuelles suggèrent que le stress thermique pourrait être le principal facteur expliquant ces pertes, principalement par des effets sur la santé intestinale et la réduction de l’appétit. En effet, le stress de chaleur réduit la productivité des vaches laitières modernes par deux mécanismes principaux.
Premièrement, par la diminution de l’ingestion d’aliments, ce qui permettrait à la vache de réduire la chaleur liée à la digestion et au métabolisme des nutriments dans l’organisme. Deuxièmement, lorsque la vache tente de dissiper la chaleur par la peau, une vasoconstriction intestinale se produit, ce qui réduit l’intégrité de la barrière intestinale. Cela permet à des particules bactériennes de pénétrer dans la circulation sanguine, provoquant une endotoxémie et une réaction inflammatoire importante. Pour contrôler cette inflammation, les cellules immunitaires utiliseront des nutriments, limitant leur disponibilité pour la synthèse du lait. Il est important de noter que le degré d’endotoxémie et d’inflammation pourrait varier en fonction de l’intensité du stress thermique, mais semble être un élément central de cette affection. En effet, l’inflammation a été associée à une réduction de l’appétit et de la production de composants du lait, à la fièvre et au catabolisme musculaire.
Les solutions
Pour corriger la situation, il est important d’adapter ses installations. Plusieurs facteurs doivent être considérés pour garantir le confort des vaches pendant les mois d’été, notamment la température, l’humidité, la vitesse de l’air et même l’accès à l’ombre lorsque les animaux sont mis à l’extérieur. L’adaptation des installations par l’ajout de nouveaux systèmes de ventilation et de gicleurs peut réduire considérablement le stress thermique dans les étables laitières. Cependant, ces modifications peuvent faire partie de projets à long terme nécessitant des investissements importants en temps et en argent de la part des producteurs. Ainsi, l’utilisation de stratégies complémentaires à court terme, telle que la modification des pratiques nutritionnelles mieux adaptées aux mois d’été, est nécessaire.
Stratégies nutritionnelles
La nutrition des vaches laitières peut avoir un impact direct sur plusieurs aspects de la réponse au stress thermique, notamment sur la modulation de la chaleur due à la digestion, sur la santé intestinale et sur l’inflammation.
Plusieurs caractéristiques de la ration de la vache laitière peuvent avoir un impact direct sur l’augmentation de la chaleur liée à la digestion, tels que les niveaux de protéines alimentaires et de fourrages, ainsi que l’ajout de suppléments lipidiques. Par exemple, il a été démontré que le remplacement des glucides alimentaires par des lipides inertes dans le rumen, comme les acides gras saturés, améliore la production de matière grasse et de protéines du lait dans des conditions de stress de chaleur. Par ailleurs, dans une expérience récente réalisée au Centre de recherche en sciences animales de Deschambault (CRSAD), les chercheurs ont observé que l’ajout de lysine et de méthionine protégées de la dégradation ruminale à des diètes faibles en protéine réduit la température rectale et la fréquence respiratoire chez la vache en stress de chaleur. Cela souligne l’importance d’un profil d’acides aminés adéquat pour répondre aux besoins spécifiques des vaches et améliorer leur confort dans de telles conditions.
Certains minéraux et vitamines liposolubles peuvent aussi aider. Les recherches du CRSAD sur la supplémentation en vitamine D et en calcium au-dessus des concentrations alimentaires recommandées montrent que ces nutriments peuvent améliorer l’intégrité de la barrière intestinale et moduler la réponse inflammatoire (c’est-à-dire une réduction des cytokines inflammatoires) chez les vaches soumises à un stress thermique modéré.
Ces recherches ont également montré qu’il est possible de limiter l’apparition de signes cliniques associés au stress thermique chez la vache laitière, comme la température rectale et la fréquence respiratoire, en remplaçant une proportion des acides gras oméga-6 pro-inflammatoires par des acides gras oméga-3 anti-inflammatoires. Ces modifications ont également entraîné une amélioration de la production laitière quotidienne de 2 kg par vache.
Il existe de nombreux exemples de stratégies nutritionnelles susceptibles d’aider les vaches en situation de stress thermique (voir encadré en page B06). Cependant, il faut noter que la réponse des vaches peut dépendre de plusieurs facteurs associés aux conditions de chaque ferme, par exemple le degré de stress et la composition en ingrédients de la ration de base. L’identification des meilleures stratégies nutritionnelles à employer pour limiter les effets du stress thermique subi par les vaches en lactation demeure dépendante des conditions propres à chaque ferme. Ces stratégies devront donc être déterminées sur la base d’un suivi rapproché du troupeau.
Ces dernières années, les recherches ont mis en lumière les mécanismes impliqués lorsqu’une vache laitière subit un stress thermique. Une meilleure compréhension de ces mécanismes et l’identification de stratégies nutritionnelles permettant de moduler ceux-ci à court terme peuvent certainement contribuer à l’amélioration de la santé et du confort de nos vaches et leur permettre ainsi d’exprimer leur plein potentiel de production.
Daniel E. Rico, chercheur et directeur scientifique adjoint, Centre de recherche en sciences animales de Deschambault (CRSAD)