Élevage 23 septembre 2014

Simon a gagné son pari

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Malgré les difficultés à démarrer dans l’élevage du sanglier, Simon Durand a décidé de s’investir à fond dans son projet, plutôt que de vivre dans le regret. Aujourd’hui, il a gagné son pari!

L’ANGE-GARDIEN (Outaouais) – Malgré les difficultés à démarrer dans l’élevage du sanglier, Simon Durand a décidé de s’investir à fond dans son projet, plutôt que de vivre dans le regret. Aujourd’hui, il a gagné son pari!

Lorsque vient le temps de choisir son métier, Simon porte son choix sur l’agroéconomie. Cette profession combine ses champs d’intérêt : la gestion, le travail avec le public, et les animaux. À l’occasion d’un cours de marketing, l’étudiant bûche sur la mise en marché des gibiers. Puis, lors des préparatifs de la Semaine de l’agriculture, de l’alimentation et de la consommation (SAAC), salon organisé par les étudiants, il travaille quelques jours chez l’éleveur qui fournit les sangliers. Le jeune homme commence à prendre la bête en affection et songe à investir dans son élevage.

L’idée continue de faire son chemin, alors qu’il oeuvre à la Table de concertation agroalimentaire de l’Outaouais. Durant l’été 2006, il déniche un site enchanteur pour implanter son projet. Mais tout est à faire. «Ici, au début, il y avait une maison, une écurie et un brin de fil électrique qui faisait une loupe!», se souvient Simon. À force de corvées avec la famille et les amis, La Sanglière de l’Outaouais sort finalement de terre. «Sans eux, je n’y serais pas arrivé», remercie aujourd’hui l’entrepreneur.

L’apprenti éleveur se frappe aussi au manque de soutien et de connaissance sur la production. «Tu n’apprends pas grand-chose dans les livres. C’est de l’essai-erreur. Tu peux bien lire que le sanglier est fort et nerveux, mais tu ne le sais pas, tant que tu n’as pas travaillé avec tes animaux, tes installations. Quand un mâle de 400 livres décide qu’il s’en va par là, quand bien même que tu te planterais devant lui avec un contre-plaqué…»

En magasinant ses animaux, Simon porte une attention particulière à la génétique, évitant les croisements avec le porc, communément appelés « cochonglier » ou « sanglichon ». «Le sanglier a toujours le pelage uni et la queue droite. Il est plus sauvage. Il a de plus petites fesses, de plus grosses épaules. Il est plus haut sur pattes, plus court et beaucoup plus rapide», décrit Simon. Le sanglier possède un tempérament nerveux et sauvage, «mais pas dangereux, contrairement à ce que les gens pensent. C’est une proie. Son comportement, c’est la fuite». La bête est également très rapide. «C’est comme un porc athlète! Il peut sauter quatre pieds de haut et courir à 35 kilomètres/heure», poursuit Simon.

Ses premiers pensionnaires, un mâle prénommé Arthur, et 14 femelles non gestantes ont débarqué au cours de l’été 2006. Sans aucun animal à engraisser, l’éleveur part littéralement de zéro. Il doit d’abord faire accoupler ses femelles, puis il faut de 14 à 16 mois pour engraisser leurs petits. Un bon deux ans s’écoule donc avant les premières ventes. Durant cette période d’apprivoisement, Simon hésite à faire connaître son entreprise qui n’a pas encore de produits à offrir. «Je n’osais pas parler de moi. J’étais un peu peureux, mais tu t’écoeures à remplir ton silo sans rien vendre», note-t-il. Le jeune homme cogne finalement aux portes des boucheries et restaurants. Il installe sa pancarte sur le bord de la route 309 où les campeurs et villégiateurs du coin arrêtent se ravitailler à la petite boutique de la ferme. Simon se lance aussi dans les méchouis, «une super belle façon de faire connaître un produit méconnu». La Sanglière de l’Outaouais offre également des visites guidées. Les visiteurs peuvent du même coup faire connaissance avec Billy et Elvis, les faisans décoratifs, et profiter d’un sentier qui offre un superbe point de vue sur la rivière du Lièvre.

Envol

Cette année, la jeune entreprise lance une toute nouvelle gamme de produits transformés, pensés par Simon, mais cuisinés à forfait. Les pepperettes, tourtières et cretons s’ajoutent ainsi à la grande variété de coupes de viande, aux cinq sortes de saucisses et au jambon fumé à l’ancienne. «Ce sont des recettes traditionnelles, sans additifs, pour sortir des sentiers battus», spécifie l’agriculteur. Sur la ferme, les clients sont de plus en plus nombreux à défiler. D’ailleurs, lors de l’élaboration de son plan d’affaires, Simon misait sur la proximité de la ville d’Ottawa pour attirer des tas de fonctionnaires! À sa grande surprise, sa clientèle est plutôt hétéroclite. «Des chasseurs, des gars d’usine, et oui, des fonctionnaires. Des gens curieux, « essayeux », des jeunes, des vieux», révèle l’homme d’affaires, qui a gagné le pari de percer le marché de la restauration. La viande de la Sanglière de l’Outaouais trône sur la table du réputé Baccara, le restaurant cinq diamants du casino du Lac Leamy.

Simon ne s’assoit pas sur ses lauriers. «Pour l’été 2011, j’aimerais avoir un enclos avec des porcs, pour montrer aux gens la différence avec le sanglier, ainsi qu’une basse-cour avec des lapins, des minichèvres et d’autres petits animaux», annonce le jeune trentenaire qui occupe aussi les fonctions de directeur de l’Union des cultivateurs franco-ontariens. En plus de son travail à temps plein, Simon se consacre à sa famille : Ève sa conjointe, Juliette, quatre ans, et Antoine, un an. Aujourd’hui, quand il regarde en arrière, il constate tous les défis surmontés. «Je me suis senti isolé, mais jamais découragé. Il fallait que j’aille jusqu’au bout, que j’aie ma ferme. C’est de l’obstination et de la passion! Je ne voulais pas me réveiller à 45 ans avec des regrets», conclut Simon.