Élevage 18 avril 2017

Un Québécois à la tête des Producteurs de poulet du Canada

NOTRE-DAME-DE-STANBRIDGE — Benoît Fontaine a été élu président des Producteurs de poulets du Canada (PPC) en novembre dernier. La Terre l’a rencontré pour parler de sa ferme et de ses priorités comme nouveau représentant des 2 800 éleveurs de poulets canadiens. À 42 ans, il est l’un des plus jeunes présidents des PPC et seulement le 2e Québécois à être à la tête de l’organisation.

Benoît Fontaine a d’abord été professeur d’histoire au secondaire. « J’ai commencé à enseigner et j’ai acheté mon contingent de poulet la même semaine en 1998 », se rappelle le nouvel élu. Le jeune agriculteur élevait alors des dindons à la ferme de ses parents, Marcel Fontaine et Lucille Gagné, à Saint-Ignace-de Stanbridge, en Montérégie. « Sans mes parents, je ne serais pas au même point aujourd’hui », affirme Benoît Fontaine.

Benoît Fontaine avec son père Marcel, sa mère Lucille, et deux travailleurs de la Ferme B. Fontaine, Pascal Monnier et Dani Plouffe. Crédit photo : Thierry Larivière / TCN
Benoît Fontaine avec son père Marcel, sa mère Lucille, et deux travailleurs de la Ferme B. Fontaine, Pascal Monnier et Dani Plouffe. Crédit photo : Thierry Larivière / TCN

Il s’impliquait à fond à l’école, notamment dans les voyages scolaires et est même devenu directeur adjoint. « J’ai laissé l’école en 2008. C’était trop d’ouvrage », raconte Benoît Fontaine.

Il faut dire qu’en 2005, Benoît Fontaine a décidé d’acheter sa première ferme d’élevage de poulets, qui appartenait à la Coopexcel. « La ferme avait besoin de beaucoup d’amour », mentionne Benoît. Un poulailler était déjà fonctionnel, les trois autres l’ont été en deux mois de travail intensif. Au final, l’exploitation a totalisé 160 000 pieds carrés de bâtiments. Plusieurs mises à niveau ont été effectuées au fil du temps. On a installé quelque 1 000 ventilateurs au total et ils sont maintenant tous du même modèle pour faciliter l’entretien. L’été, il est possible de changer l’air intérieur jusqu’à deux fois par minute. « Dès le départ, ça a été très vite », se souvient Lucille Gagné.

Une deuxième occasion s’est présentée en 2010 avec la vente d’une ferme du village voisin de Pike River. Quelque 80 000 pieds carrés se sont alors ajoutés après d’importants travaux de rénovation. « On était un peu découragés, mais on a décidé d’acheter quand même », se souvient l’éleveur. Le moratoire sur le transfert de quotas a cependant quelque peu compliqué cette acquisition et une partie des bâtiments a servi à la production de canards pendant un certain temps.

En tout, Benoît Fontaine produit 5 millions de kilos de poulet par an, sans compter une plus petite section de dindons. Cette dernière production est également réalisée dans une « ferme satellite » de Saint-Alexandre.

Les poulaillers de Benoît Fontaine bénéficient de sondes de pression statique de façon à assurer une pression atmosphérique constante, ce qui diminue les maladies respiratoires. Des sondes de contrôle de l’humidité offrent aussi plus de confort aux poulets, ce qui permet une croissance plus rapide. « On traite l’eau davantage », ajoute l’éleveur, qui dispose de pas moins de neuf puits artésiens et même d’une piscine installée dans un bâtiment afin d’assurer un approvisionnement constant en eau de très bonne qualité. En plus d’être filtrée pour les sédiments, l’eau est adoucie, acidifiée à un pH de 6 et l’on y ajoute 3 ppm de chlore. Si une ou deux pompes brisent, le système peut quand même fournir l’eau le temps des réparations. « L’élève a dépassé le professeur et je suis bien content », lance Marcel Fontaine.

Crédit photo: Thierry Larivière
Crédit photo: Thierry Larivière

La moulée utilisée provient de la coopérative et la présence de trois silos par bâtiment permet de faciliter la gestion des stocks et des différentes phases d’alimentation.

« Parfois, j’ai le vertige », admet celui qui se retrouve, après 16 ans, à la tête d’un important élevage qui embauche sept travailleurs « bien rémunérés ». Ceux-ci font partie de l’entreprise et obtiennent certains bonis.

« On a des projets de construction », indique Benoît Fontaine, qui souhaite agrandir avec son associé et employé Pascal Monnier, qui est l’un des quelques exemples de relève non apparentée. Pascal détient déjà des quotas de dindons. Benoît Fontaine déplore cependant le moratoire en cours sur les transferts de quotas depuis plus de sept ans. « Les autres provinces nous regardent et ne comprennent rien. On a peut-être hypothéqué une future relève », rapporte celui qui était un élu des Éleveurs de volailles du Québec jusqu’à récemment.

Notons par ailleurs que le fumier de poulet et le compost des animaux morts produits à la ferme sont vendus à des agriculteurs du voisinage.

Les priorités du président

« Le rôle des PPC, c’est de suivre la gestion de l’offre et le commerce extérieur », souligne Benoît Fontaine, qui ajoute que cette attention constante aux négociations d’accords commerciaux a fonctionné jusqu’à maintenant, étant donné que la gestion de l’offre est toujours en place.

Le président des PPC ne s’en fait pas outre mesure de la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), qui s’annonce pour l’automne. « Le Canada offre déjà 7,5 % de son marché à l’extérieur », rappelle Benoît Fontaine, qui souligne également que le pays est le 2e client des États-Unis, après le Mexique, pour son poulet. Il évoque aussi le stratagème utilisé par certains exportateurs américains qui font passer du poulet pour de la poule de réforme, sans tarif, à la frontière. « Le gouvernement canadien a fait des inspections et a trouvé des gens malhonnêtes », indique le dirigeant des PPC, qui ajoute que ces vérifications ont fait diminuer du tiers les importations de poules de réforme jusqu’à maintenant. L’introduction prochaine d’un test génétique mis au point par l’Université Trent pourrait améliorer le contrôle. Ce test permet de déterminer le sexe, l’âge et la race d’un oiseau à partir d’un échantillon de viande.

Des audiences sont par ailleurs prévues le 6 avril avec le ministère des Finances et Commerce mondial Canada pour faire une mise au point sur le programme de report de droits de douane, qui permet à certains transformateurs d’importer du poulet sans tarif douanier avec la promesse de le réexporter sous forme de produits transformés en quatre ans. Les PPC estiment qu’une partie du poulet ainsi importé reste au Canada pour de bon. Cependant, il est jugé peu probable que des produits alimentaires transformés attendent quatre ans avant d’être exportés.

Benoît Fontaine croit qu’il faudra être vigilant en ce qui concerne la réouverture de l’ALENA, mais souligne que la position officielle et précise du gouvernement américain sur la question du poulet n’est pas encore connue.

L’autre grand chantier des PPC est l’élimination à venir des antimicrobiens de catégories 2 et 3 après le retrait de ceux de la catégorie 1. « La voie est tracée et ça va se faire dans un avenir assez rapproché », affirme le président.

La vie de président des PPC n’est pas toujours de tout repos puisque les différentes rencontres au Canada et à l’étranger font en sorte que Benoît Fontaine passe plus de 150 nuits par an à l’hôtel. En trois mois, il a parcouru 60 000 km jusqu’à maintenant. Comme vice-président, il s’est déjà rendu au Kenya et à Genève (Organisation mondiale du commerce) ou encore à Hawaï pour le Partenariat transpacifique. « Parfois, je m’ennuie de mes poulets quand je suis dans ma chambre à Ottawa », confesse Benoît Fontaine.