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C’est avec un cheptel multicolore que la ferme John Ablesona réussi à se démarquer et gagner de nombreux prix.
PORTNEUF – La ferme John Ableson, à Portneuf, a souvent fait les manchettes pour la qualité de son lait de vache. En 2010, John s’est même permis un doublé en raflant le 1er prix du Club de l’Excellence d’Agropur et le Lait’Xcellent d’Argent de la Fédération des producteurs de lait du Québec. D’après vous, quelle race laitière se cache derrière ces succès? Aucune et toutes à la fois! C’est en effet avec un cheptel multicolore que ce producteur laitier a réussi à se démarquer. Un seul coup d’œil suffit pour constater qu’on est loin de l’uniformité habituelle, aussi plaisante à la vue soit-elle! Vous l’avez compris : John Abelson n’est pas de ceux qui ont juré fidélité à une race laitière et sont prêts à la défendre bec et ongles contre tous ceux qui voudraient lui porter ombrage. Pas de racisme dans son étable donc!
Parti d’un noyau d’une quinzaine de vaches Holstein, John a multiplié les croisements pour se retrouver avec une trentaine de vaches laitières. Des Holstein, Jersey, Suisse Brune, Ayrshire, Guernsey, Canadienne y vivent en harmonie! Pourquoi une telle variété? « Par plaisir, je m’amuse », dit simplement John. Et s’il ne devait garder qu’une race, laquelle serait-ce? « Mon vétérinaire opterait sans aucun doute pour les Ayrshire. Moi, je serais fort embêté de choisir. Avec tous ces croisements, il est devenu fort difficile de départager ce qui revient spécifiquement à une race. » Sans faire le tour des pour et des contre, il évoque le bassin restreint de semences de taureaux disponible pour les Guernsey, le démarrage difficile des Suisse Brune… « Chose certaine, je ne garderais pas seulement des Jersey! » lâche-t-il, disant détester leurs coups de patte!
Lait de qualité
De la quatrième génération d’agriculteurs Ableson établis à Portneuf, John a acquis la ferme paternelle en 1982, avec 15 Holstein et 60 arpents de terre. La même année, il a épousé Chantal, qu’il connaissait depuis l’enfance, devenue employée à la banque du village. En 1980, John avait construit lui-même la résidence familiale. L’année suivante, ce fut une nouvelle étable, avec son père. Ce producteur de lait biologique cultive 300 arpents à Portneuf, surtout en bordure du fleuve Saint-Laurent, achetés au fur et à mesure que les fermiers quittaient la production. L’été, ses vaches broutent dans les champs et jouissent d’un panorama unique… une injustice sans nom par rapport aux bêtes qui n’ont pour seul horizon que les murs de leur étable! Il loue aussi 100 arpents et possède 34 hectares à Deschambault, incluant un boisé. La ferme produit assez de foin sec, d’ensilage enrobé et de grains biologiques (avoine et blé) pour nourrir le troupeau. Tout est servi à la main.
La transition vers le bio, effectuée en 2004, a été facile. « Mon père et moi n’avions jamais utilisé de pesticides ou d’engrais chimiques dans les champs. C’est grâce à son fumier et à des engrais verts (sarrasin) qu’il conserve la fertilité de ses sols.
Le troupeau produit du lait de qualité au taux moyen de 4,6 pour le gras et de 3,4 pour les protéines. « La Fromagerie F.-X. Pichette, à Champlain, en prendrait toujours plus », note John. L’âge moyen du troupeau dépasse la moyenne québécoise, avec 5,5 ans. C’est avec une moyenne de 58 818 cellules somatiques par millilitre (256 000 au provincial) et des bactéries totales de 9000/ml (45 000 au provincial) que John a gagné le Lait’Xcellent d’Argent en 2010. Sa recette? C’est toujours la même personne qui fait la traite avec minutie. John garde ses vaches propres en grattant le plus vite possible le fumier produit par ses bêtes pour éviter tout contact avec le pis. Mais surtout, « le lait ayant un taux plus élevé de leucocytes est détecté et n’est pas livré, mais donné aux veaux », explique-t-il.
Avenir incertain
Il est probable que John et Chantal abandonnent la production laitière dans quelques années et optent pour l’élevage de vaches de boucherie et la culture de grains biologiques. Aucun des cinq enfants du couple n’a clairement exprimé sa volonté d’exploiter cette ferme laitière. Leur fille, Christine, a étudié en agriculture à Saint-Anselme, mais son allergie aux poils de vache et à la poussière l’a contrainte à changer d’orientation. Leur fils aîné, Joe, a terminé ses études en agriculture au Collège Macdonald, à Montréal. Basé en Nouvelle-Écosse, il veut maintenant devenir ingénieur pour la Garde côtière canadienne. Son horaire de travail lui permettra peut-être de passer un mois sur deux à la ferme, mais plus tard. Chantal et John savent que les jeunes qui ont fait des études en agriculture aiment évoluer sur des fermes plus grosses et avec des équipements modernes. Habitués à une vie simple, mais sans dettes, le couple n’a pu se résoudre à investir plus d’un million de dollars pour doubler le cheptel laitier, acheter du quota et bâtir une autre étable. « C’est beau de vouloir intégrer la relève, mais pas au détriment du père », a laissé tomber Chantal. Ces propos sont d’autant plus pertinents que John, à 52 ans, n’est plus au meilleur de sa forme, la maladie de Hodgkin ayant passablement grugé ses forces.
Conseillère municipale depuis cinq ans, Chantal souligne que « la paperasse, toujours plus envahissante, irrite John au plus haut point », même si c’est elle qui s’en occupe tout comme de la comptabilité. « John est un cultivateur dans l’âme, pas un homme de bureau, et cela vaut pour plusieurs agriculteurs. » L’obligation d’implanter des cours d’exercice pour respecter les futures normes biologiques dans le lait sera peut-être la goutte qui fera déborder le vase… Qui osera blâmer ce couple qui songe à profiter des belles années qui viennent ainsi que du site enchanteur où la vie les a plantés?