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Les cochons au pâturage ont la cote. Les producteurs aiment cet élevage et les consommateurs en apprécient le produit, mais tout n’est pas rose dans le monde de ce cochon élevé au grand air.
« On a réussi à obtenir une viande de porc persillée, plus haut de gamme. Les ventes allaient vraiment bien. On se faisait courir après par les clients. On était rendu à un élevage de 60, mais on a backé. On a descendu pas mal », explique Donald Mathieu, de la Ferme Le groin dans le foin, en Gaspésie. Ce dernier explique que l’abattage des bêtes devenait un frein, une étape qui avait lieu à Lévis, à six heures de route. Les permis de transformation pesaient lourd aussi. « Il fallait un permis pour ci, un permis pour ça. On se croyait dans Les 12 travaux d’Astérix », dit M. Mathieu qui travaille à temps plein comme enseignant en mathématique. Le temps était venu de choisir entre l’enseignement ou les porcs. Et l’élevage de cochons, pour en vivre, nécessitait un investissement important. Les mathématiques l’ont emporté. Donald Mathieu et sa conjointe demeurent toutefois positifs. « Il y a vraiment un marché pour de la viande de porc plus haut de gamme. L’élevage, c’est demandant, mais c’est très agréable », dit celui qui élève encore quelques bêtes.
Au nord de Joliette, Ludovic Beauregard produit des porcs au pâturage depuis plus de 10 ans. « J’ai de la demande en masse. J’ouvre les ventes le 1er février et 5 jours plus tard, tout est vendu. Je produis 70 cochons par année et si je pouvais en faire plus, je vendrais tout. Mais l’un des gros défis, c’est l’abattage. Chaque année, je me dis que je vais arrêter mon élevage de porcs à cause de ça. Les abattoirs ne sont pas intéressés à faire du cochon de couleur. C’est plus de troubles pour eux autres. C’est le gros maillon faible », explique l’éleveur et maraîcher qui affirme avoir plusieurs bons exemples d’abattoirs, en Suisse ou aux États-Unis, qui sont mieux adaptés aux petits élevages de porcs comme le sien.
Double engouement
Ludovic Beauregard, de la Ferme des Arpents roses est souvent cité comme référence, lui qui offre l’une des rares formations sur l’élevage de porcs au pâturage. À ce sujet, il dit que l’engouement est très fort pour des gens qui désirent se lancer dans ce type d’élevage. « J’ai l’impression que ça continue à augmenter. Il y a beaucoup d’intérêt; des gens qui veulent élever quelques cochons pour eux, d’autres qui veulent partir un petit élevage pour en vendre. Mais il ne faut pas s’imaginer que tu mets les cochons au pâturage et que ça finit là. C’est exigeant, comme n’importe quelle production. Il faut surveiller les maladies, l’alimentation, etc. », détaille-t-il, en spécifiant que contrairement à ce que les gens pensent, le pâturage ne compte pas pour une grande portion de l’alimentation du porc, lequel n’est pas un ruminant.
Même son de cloche chez l’un des plus gros producteurs de porcs au pâturage, la Ferme d’ORée, en Estrie, qui en élève près de 1 000 par année. « Je vois qu’il y a plus de gens qui élèvent du porc au pâturage. J’ai des boucheries qui m’en prennent moins parce qu’ils encouragent maintenant d’autres éleveurs. Et c’est correct, car il y a aussi de nouveaux joueurs qui arrivent, comme des petites charcuteries, qu’on ne voyait pas avant et qui nous prennent un ou deux cochons par semaine », expose Gert Janssens, copropriétaire de la ferme.
Un bon produit, plus qu’une bonne histoire
Cette popularité qui attire plus de nouveaux éleveurs comporte un risque de glissement, croit Gert Janssens. « Les gens doivent offrir un produit et pas juste une histoire. J’en vois qui achètent des porcelets au printemps. Ils les mettent dehors, prennent des belles photos et les vendent deux ou trois fois le prix dix semaines après. On doit faire un peu plus que ça pour vendre un bon produit. Nous, ici, on travaille beaucoup sur la génétique pour offrir une viande qui goûte différent », partage M. Janssens. Ce dernier dit que l’élevage, même à l’extérieur, a ses exigences. « Les cochons dehors, c’est nice et je suis pour ça, mais il faut que ce soit bien fait. Une journée comme aujourd’hui, c’est trop chaud, on ne laisse pas les cochons en plein soleil. On les garde à l’intérieur, à l’ombre avec de la ventilation », donne-t-il en exemple.
L’agriculteur conseille aussi aux nouveaux éleveurs de commencer tôt à se réserver une place dans un abattoir. Autrement, ils pourraient vivre de mauvaises surprises l’automne venu. Il rappelle que l’an dernier, certains abattoirs débordaient, ce qui a obligé des éleveurs à garder leurs porcs jusqu’à la mi-janvier. Sa ferme n’a pas ce problème, puisque le fait de livrer des bêtes à un rythme constant tout au long de l’année lui assure une place à l’abattoir.
Même avec une production de 1000 porcs, Gert Janssens et sa conjointe n’arrivent pas à répondre à la demande des clients. Et la viande de porc au pâturage continuera de séduire les consommateurs, croit M. Janssens. Ce dernier demeure cependant prudent. « La wave de la COVID va durer encore un peu, mais je pense qu’il va y avoir une baisse », appréhende-t-il.