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En novembre, le dernier film du réalisateur Sébastien Pilote a pris l’affiche dans les cinémas au Québec. Intitulée Le Démantèlement, l’œuvre raconte l’histoire d’un producteur d’agneaux, interprété par Gabriel Arcand, qui vend sa ferme pour aider l’une de ses filles à racheter sa maison.
On le retrouve notamment dans un encan pour liquider ses animaux. La Terre est allée constater cette réalité au Bas-Saint-Laurent sur la Ferme Bicoise.
« Une marée qui monte » – Bertrand Pelletier, encanteur
LE BIC — Encanteur au Bas-Saint-Laurent, Bertrand Pelletier a vendu au fil des ans des milliers d’animaux, des centaines de fermes. Toujours déterminé à obtenir le meilleur prix pour ses clients, il est partagé, déchiré entre ses sentiments. Impuissant, il voit les rangs se vider un à un, les agriculteurs rendre les clefs de leur entreprise.
« On dirait que c’est une marée qui monte », dit-il dans le langage de ceux qui vivent en bordure du fleuve devenu océan. Lui-même producteur de bovins à Saint-Octave-de-Métis, il avait l’habitude d’effectuer bon an mal an de quatre à cinq voyages dans la Gaspésie voisine pour y acheter des animaux. Il n’y a pas remis les pieds depuis des lunes, vu le petit nombre de producteurs qui reste.
Pourtant, constate-t-il, les jeunes ont toujours du « cœur au ventre » et sont nombreux à vouloir prendre la relève. Faute de trouver le financement nécessaire, dit-il, ils doivent faire une croix sur leurs ambitions. Quand un agriculteur a la chance de pouvoir compter sur une relève, ajoute-t-il, il doit quasiment « donner » sa ferme, « son fonds de pension ».
« C’est le démantèlement, comme dans le film, déplore-t-il. On dirait que c’est pire au Bas-Saint-Laurent. Ici au Bic, ça fait quatre ou cinq encans que je tiens, peut-être plus. »
Bertrand Pelletier croit que l’État québécois devrait davantage s’intéresser au sort des agriculteurs. Les programmes actuels pour la relève, juge-t-il, ne sont pas suffisants. Il pense qu’une nouvelle politique devrait être adoptée afin de favoriser le financement à long terme des jeunes désireux d’acquérir une ferme.
Un encan sans trémolos
Géant comme le célèbre fleuve d’Égypte, Nil Voyer s’est levé à 4 h chaque matin au cours des 24 dernières années pour faire son train. Faute de relève, le producteur de 58 ans a tout vendu. Vendredi passé, il tenait un encan pour céder ses vaches et son équipement. Avec la conviction de l’homme qui a pris la bonne décision après mûre réflexion, il s’interrogeait tout de même sur sa réaction le lendemain à la sonnerie de son réveille-matin. Enfin, pas vraiment puisqu’il n’en a jamais eu besoin.
« Je n’ai pas de trémolos », confiait-il avant le début de l’encan. Serein, il veillait aux derniers détails de la vente, caressant au passage et pour une ultime fois l’une de ses 90 bêtes. Comme tant d’autres, il a toujours éprouvé un immense plaisir à pratiquer son métier d’agriculteur, nourricier de l’homme. Sauf que la dernière année a été pénible : hernie discale, hypertension et toux persistante.
« On ne sait jamais vraiment comment tourner la page, disait-il avec philosophie. Je veux me remettre en forme, peut-être m’acheter un tapis roulant. Je n’ai pas d’idée précise sur ce que je vais faire. J’ai déjà travaillé en Amérique du Sud. Je vais peut-être regarder de ce côté. »
La ferme ancestrale des Voyer, au Bic, acquise par Nil d’un petit-cousin, a été vendue en bloc à un intégrateur bien connu, Mario Côté. Évaluée à 1,4 M$, celle-ci lui a rapporté 1,2 M$. Riche du jour au lendemain? Non, une fois les dettes remboursées et l’impôt payé deux fois plutôt qu’une en raison de l’incorporation de l’entreprise.
« Je conserve ma maison, se consolait-il. Le contingentement, c’est un bon système, mais c’est d’autant difficile à transférer. Sans être millionnaire, je n’ai pas à me plaindre et je me retire avec un peu d’argent. »
Couverture complète dans la Terre du 8 janvier.